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01/12/2016 | FRANCE | N°15NC02418

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 01 décembre 2016, 15NC02418


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 31 décembre 2014 par laquelle le responsable territorial de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a autorisé la société NGC Distribution (Super U) à la licencier.

Par une ordonnance n° 1500626 du 23 novembre 2015, la présidente de la troisième chambre du tribunal administratif de Nancy a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demand

e présentée par MmeD....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 31 décembre 2014 par laquelle le responsable territorial de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a autorisé la société NGC Distribution (Super U) à la licencier.

Par une ordonnance n° 1500626 du 23 novembre 2015, la présidente de la troisième chambre du tribunal administratif de Nancy a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande présentée par MmeD....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2015, Mme E...D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 23 novembre 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance attaquée retient, à tort, que la décision de retrait du 22 avril 2015 est devenue définitive ; la société NGC Distribution - Super U a formé, à l'encontre de cette décision, un recours hiérarchique ; elle n'a pas été destinataire de la décision du ministre prise sur ce recours hiérarchique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2016, la société NGC Distribution, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social n'a pas produit dans la présente instance, en dépit d'une mise en demeure en ce sens qui lui a été adressée le 24 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fuchs,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeC..., pour la société NGC Distribution.

Une note en délibéré, présentée pour la société NGC Distribution, a été enregistrée le 16 novembre 2016 .

Une note en délibéré, présentée pour MmeD..., a été enregistrée le 18 novembre 2016 .

1. Considérant que Mme D...relève appel de l'ordonnance du 23 novembre 2015 par laquelle la présidente de la troisième chambre du tribunal administratif de Nancy a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 décembre 2014 du responsable de l'unité territoriale de la Meuse autorisant son licenciement ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant que Mme D...était employée depuis 1990 par le magasin Super U de Montmédy (Meuse) ; qu'elle exerçait en outre les fonctions de déléguée du personnel, de déléguée syndicale et de conseillère prud'homale ; que par une décision du 31 décembre 2014, le responsable de l'unité territoriale de la Meuse a autorisé son licenciement en raison des fautes commises dans l'exercice de ses fonctions ; que, le 22 avril 2015, le responsable de cette unité territoriale a procédé au retrait de cette décision du 31 décembre 2014 au motif qu'elle était entachée d'un vice d'incompétence ; que la société NGC Distribution, qui exploite le magasin Super U de Montmédy, a formé le 22 juin 2015 un recours auprès du ministre chargé du travail contre cette décision de retrait ; qu'en l'absence de réponse du ministre chargé du travail, une décision implicite de rejet de cette demande est née ; que, toutefois, par une décision explicite du 9 décembre 2015, le ministre du travail a, d'une part, retiré sa décision implicite de rejet du recours formée par la société NGC Distribution et, d'autre part, annulé la décision du responsable de l'unité territoriale du 22 avril 2015 procédant au retrait de la décision initiale de licenciement de MmeD... ; que le ministre a en outre précisé, dans les motifs de sa décision, que " par l'effet de l'annulation, la décision en date du 31 décembre 2014 qui a autorisé le licenciement de Mme D...pour motif disciplinaire revit " et que " Mme D...n'ayant pas contesté dans les voies et délais de recours ladite décision, cette dernière est devenue définitive ; que, dans ces conditions, il n'appartient plus à l'autorité compétente de se prononcer sur la demande " ;

3. Considérant que, par l'ordonnance attaquée, intervenue antérieurement à cette dernière décision du ministre chargé du travail en date du 9 décembre 2015, le premier juge a estimé que la décision de licenciement du 31 décembre 2014 avait été retirée par une décision devenue définitive et a jugé qu'il n'y avait dès lors plus lieu de statuer sur la demande de Mme D... ;

4. Considérant qu'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif ; que si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait plus lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite de la requête dont il était saisi ; qu'il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution ;

5. Considérant, en premier lieu, que sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droit, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant l'intervention de cette décision ; que, par suite, le responsable de l'unité territoriale de la Meuse pouvait, pour illégalité, retirer la décision qu'il avait prise le 31 décembre 2014 dans un délai de quatre mois à compter de cette décision ; que le responsable de cette unité territoriale a pris cette décision de retrait le 22 avril 2015, soit avant l'expiration du délai imparti ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la société NGC Distribution, employeur de MmeD..., a formé le 22 juin 2015, soit dans le délai de recours contentieux de deux mois de droit commun, également repris à l'article R. 2422-1 du code du travail, un recours hiérarchique contre la décision procédant au retrait de la décision de licenciement de sa salariée ; que cette demande a eu pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux contre la décision de retrait du 22 avril 2015, qui n'était dès lors, à cette date, pas devenue définitive ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors applicable : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent chapitre les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées aux autorités administratives " ; qu'aux termes des premier, troisième et quatrième alinéas de l'article 19 de la même loi : " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) / Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa. / Le défaut de délivrance d'un accusé de réception n'emporte pas l'inopposabilité des délais de recours à l'encontre de l'auteur de la demande lorsqu'une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l'expiration du délai au terme duquel est susceptible de naître une décision implicite " ; que le dernier alinéa de l'article 1er du décret du 6 juin 2001, pris pour l'application de ces dispositions et alors en vigueur, disposait notamment que " " L'accusé de réception indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;

8. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les délais de recours contre une décision administrative prise en matière d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, soit dans sa notification si la décision est expresse, soit dans l'accusé de réception de la demande l'ayant fait naître si elle est implicite ; qu'il en va ainsi, y compris lorsque la décision, prise à la suite de l'exercice d'un recours hiérarchique qui n'est pas un préalable obligatoire au recours contentieux, ne se substitue pas à la décision qui a fait l'objet de ce recours ;

9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la société NGC Distribution, employeur de MmeD..., a reçu en réponse à son recours hiérarchique formé le 22 juin 2015 un accusé de réception l'informant des voies et délais de recours dans l'éventualité d'une décision implicite de rejet de sa demande ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que Mme D... a eu connaissance de ces voies et délais de recours ; que, dès lors, à la date à laquelle le premier juge a statué, la décision du 22 avril 2015 procédant au retrait de la décision initiale de licenciement du 31 décembre 2014 n'était pas devenue définitive ; qu'au demeurant, la décision du 22 avril 2015 a finalement été retirée par une décision explicite du ministre chargé du travail le 9 décembre 2015 ; qu'il s'ensuit que le premier juge a entaché l'ordonnance attaquée d'irrégularité en prononçant un non-lieu à statuer ; que l'ordonnance en date du 23 novembre 2015 doit, dès lors, être annulée ;

10. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Nancy ;

Sur la légalité de la décision du 31 décembre 2014 :

11. Considérant qu'il résulte des articles L. 2411-3 et R. 2421-1 à R. 2421-7 du code du travail que le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail et que les inspecteurs du travail ont seuls compétence pour autoriser le licenciement d'un salarié protégé ; que si le directeur départemental du travail a vocation à assurer d'office, dans le silence des textes, la suppléance d'un inspecteur du travail empêché, il ne peut, s'agissant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, exercer cette suppléance que si aucun autre inspecteur du travail exerçant dans le département n'est en mesure de le faire ;

12. Considérant que la décision en litige a été signée par le responsable de l'unité territoriale de la Meuse ; que toutefois, il est constant, comme l'a d'ailleurs reconnu elle-même l'administration, que la totalité des inspecteurs du travail exerçant dans le département n'était pas empêchée d'exercer la suppléance de l'inspecteur du travail concerné pour prendre la décision contestée du 31 décembre 2014 ; qu'ainsi, cette décision a été prise par une autorité incompétente et doit être annulée, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requérante ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme D...et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeD..., qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la société NGC Distribution ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 23 novembre 2015 du tribunal administratif de Nancy et la décision du responsable de l'unité territoriale de la Meuse du 31 décembre 2014 sont annulées.

Article 2 : L'Etat versera à Mme D...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société NGC Distribution tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...D..., à la société NGC Distribution et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

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N° 15NC02418


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02418
Date de la décision : 01/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-09-01-02 Actes législatifs et administratifs. Disparition de l'acte. Retrait. Retrait des actes créateurs de droits.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : PATE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-12-01;15nc02418 ?
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