Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Sparflex a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 2008 et 2009.
Par un jugement n° 1301152 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mai 2015, la société Sparflex, représentée par
MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons- en- Champagne ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 2008 et 2009 ;
3°) le cas échéant, de désigner un expert indépendant aux fins d'émettre un avis sur l'éligibilité des projets litigieux au crédit impôt recherche ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; le vérificateur n'est pas tenu par les conclusions des agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie auxquels il peut avoir recours et ne peut se borner à les transmettre sans les faire siennes ; il reste le seul interlocuteur du contribuable et ne peut laisser ce dernier dans l'incertitude quant aux fondements des rehaussements ;
- il appartient à tout le moins à l'administration de faire en sorte qu'un débat contradictoire puisse s'engager entre le contribuable et l'agent technicien ;
- la réponse aux observations du contribuable est également insuffisamment motivée, sans rapport avec l'importance et la qualité de ses observations ; la vérificatrice s'est contentée, à nouveau, de transmettre à la société le nouveau rapport sollicité auprès de la direction régionale de la recherche et de la technologie ;
- les projets de recherche soumis remplissaient les conditions d'éligibilité au crédit impôt recherche prévues à l'article 49 septies F de l'annexe 3 du code général des impôts, précisées par l'instruction administrative du 21 janvier 2000 n° 4A-1-00 et celle du
21 février 2012 n° 4 A-3-12, dès lors qu'ils s'inscrivaient dans une démarche de création industrielle et constituaient autant d'étapes techniques indispensables avant le lancement de la production.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Sparflex ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 27 juillet 2016, la société Sparflex conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Didiot,
- les conclusions de Mme Peton-Philippot, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la société Sparflex.
1. Considérant que la société anonyme (SA) Sparflex, qui exerce une activité de création et de fabrication de muselets pour bouteilles de vins effervescents, a fait l'objet en août 2010 d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos 2007 à 2009 ; qu'à l'issue de cette vérification, l'administration fiscale a, dans la cadre de la procédure de rectification contradictoire, notifié à la société une proposition de rectification du 11 mars 2011 remettant en cause le bénéfice des neuf crédits d'impôt recherche que la société avait sollicités au titre de ses dépenses de recherche des années 2008 et 2009, en application des articles 244 quater B du code général des impôts et 49 septies F de l'annexe III au même code ; que consécutivement aux observations transmises par la société requérante par courrier du 12 mai 2011, l'administration a admis l'éligibilité au crédit impôt recherche de trois des neuf projets dans sa réponse aux observations du contribuable datée du 29 février 2012 ; que la réclamation contentieuse ensuite adressée par la société requérante par courrier du 12 novembre 2012 a fait l'objet d'une décision d'admission partielle du 7 mai 2013 procédant à la correction d'erreurs de calculs du crédit impôt recherche tout en maintenant les rehaussements précédemment notifiés ; que la société requérante relève appel du jugement n° 1301152 du 24 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 2008 et 2009 ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie (...) " ; que l'article R. 45 B1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article L. 45 B peut être vérifiée soit par des agents dûment mandatés par le directeur de la technologie, soit par les délégués régionaux à la recherche et à la technologie ou par des agents dûment mandatés par ces derniers. A cet effet, ils peuvent se rendre dans les entreprises (...) Les résultats de ce contrôle sont notifiés à l'entreprise et sont communiqués à l'administration des impôts " ; que l'article L. 57 du livre des procédures fiscales prévoit que : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; que la même exigence de motivation s'applique, le cas échéant, à la réponse aux observations du contribuable ;
4. Considérant d'une part que la proposition de rectification du 11 mars 2011notifiée à la société Sparflex a repris les termes circonstanciés du rapport établi par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie à l'issue de leur contrôle sur pièces, lequel était joint en annexe dans son intégralité ; que la société requérante, ayant ainsi pris connaissance des considérations de fait et de droit qui ont justifié la remise en cause du crédit d'impôt en litige, était, en l'espèce, en mesure de formuler utilement ses observations en réponse à la proposition de rectification ; que d'autre part la réponse aux observations du contribuable se réfère également au rapport complémentaire rédigé par ces agents au vu de la réponse de la société à la notification de redressement, dont elle reprend la teneur et qu'elle a joint en annexe ; que, par suite, la société Sparflex n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu l'obligation de motivation qui résulte des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
5. Considérant en outre que les dispositions précitées des articles L 45 B et R 45 B-1 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction applicable au présent litige, en vertu desquelles les agents du ministère de la recherche et de la technologie peuvent vérifier la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du même code et peuvent à cette fin se rendre dans l'entreprise, ne leur imposent pas d'engager avec elle un débat oral et contradictoire sur la réalité de cette affectation ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) " ; que l'article 49 septies F annexe III code général des impôts dispose que : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : (...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté " ;
7. Considérant que la société Sparflex a sollicité le bénéfice du crédit impôt recherche pour six projets tendant respectivement à la mise au point d'un prototype de machine employant des encres à séchage UV, la création de nouveaux organes pour une machine de production fabriquant des muselets, l'utilisation de la technologie du jet d'encre pour l'impression des flans, l'intégration d'un outil de visionique à l'outil de découpe des flans, la recherche de matériaux de remplacement pour le PVC dans la fabrication de certaines coiffes de bouteilles de vins effervescents et enfin au développement de techniques d'impression numériques ; que l'administration fiscale a relevé, s'appuyant à cet effet sur les constats effectués par les deux experts désignés successivement par la délégation régionale à la recherche et à la technologie, que les opérations en cause s'inscrivaient dans des travaux d'ingénierie classique de développement et de perfectionnement d'outils existants, visant à la mise au point de matériel et d'outillage nécessaire à la production en série ; qu'elle en a inféré, conformément aux avis négatifs émis par les experts, que ces opérations n'étaient pas assimilables à des activités de recherche ; que, pour sa part, la société Sparflex ne conteste pas les constatations de l'administration quant à la nature des activités en cause mais prétend qu'elles revêtent néanmoins le caractère d'opérations de développement expérimental au sens des dispositions précitées ; que cependant, la société requérante ne précise aucunement quel était l'état de l'art dans les différents domaines des projets présentés, et ne produit aucun élément permettant d'établir, contrairement aux appréciations portées par les experts susmentionnés, que les modifications et perfectionnements envisagés ne constituaient pas de simples améliorations de techniques existantes, sans innovation technique et par là-même dépourvues de caractère substantiel ; qu'il s'ensuit, au vu de l'ensemble des éléments de l'instruction et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise supplémentaire sur ce point ; que ces opérations ne peuvent être regardées comme des activités de recherche et de développement au sens des dispositions précitées de l'article 49 septies F annexe III code général des impôts ;
En ce qui concerne l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente " ;
9. Considérant que la société requérante ne peut, en tout état de cause, se prévaloir sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales de l'instruction 4 A-1-00 du 21 janvier 2000 qui ne donne pas des opérations de développement expérimental une interprétation différente de celle qui résulte de la loi et ne constitue dès lors pas une interprétation formelle de la loi fiscale ; qu'elle ne saurait davantage se prévaloir utilement de l'instruction n° 4 A-3-12 du 23 février 2012, laquelle est postérieure à la date d'établissement des impositions contestées ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Sparflex n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Sparflex est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sparflex et au ministre de l'économie et des finances.
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N° 16NC01146