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15/11/2016 | FRANCE | N°15NC00185

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2016, 15NC00185


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Ormes a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner solidairement la communauté de communes Champagne Vesle, le groupement Pingat devenu SNC Lavalin, la compagnie Allianz Iard, venant aux droits de la compagnie d'assurances GAN Euro courtage, la société Champagne bureau d'études, M. A..., la société Solotra et la compagnie d'assurances Covea Risk à lui verser la somme de 92 962,77 euros toutes taxes comprises (TTC) ainsi que la somme de 8 398 euros TTC au titre des f

rais d'expertise.

Par un jugement n° 1301722 du 25 novembre 2014, le t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Ormes a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner solidairement la communauté de communes Champagne Vesle, le groupement Pingat devenu SNC Lavalin, la compagnie Allianz Iard, venant aux droits de la compagnie d'assurances GAN Euro courtage, la société Champagne bureau d'études, M. A..., la société Solotra et la compagnie d'assurances Covea Risk à lui verser la somme de 92 962,77 euros toutes taxes comprises (TTC) ainsi que la somme de 8 398 euros TTC au titre des frais d'expertise.

Par un jugement n° 1301722 du 25 novembre 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, a condamné solidairement la communauté de communes Champagne Vesle, la SNC Lavalin, la société Champagne bureau d'études et la société Solotra à verser à la commune d'Ormes une somme de 62 230,22 euros TTC et mis à leur charge le versement de la somme de 8 938 euros au titre des frais d'expertise et de 1 213,97 euros au titre des frais de géomètre, et, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions des parties dont notamment l'appel en garantie formée par la communauté de communes Champagne Vesle.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 26 janvier 2015, le 25 mars 2016 et le 19 mai 2016, la communauté de communes Champagne Vesle, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 novembre 2014 en tant qu'il a rejeté son appel en garantie formé contre la société Champagne bureau d'études et la SNC Lavalin ;

2°) de condamner solidairement la SNC Lavalin, la société Solotra et la société Champagne bureau d'études à la garantir de la condamnation prononcée à son encontre pour une somme de 62 230, 22 euros, augmentée des intérêts légaux à compter du 1er octobre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de la SNC Lavalin, de la société Solotra et de la société Champagne bureau d'études la somme de 8 938 euros au titre des frais d'expertise et ainsi que celle de 1 213,97 euros au titre des frais de géomètre ;

4°) de mettre à la charge de la SNC Lavalin, de la société Solotra et de la société Champagne bureau d'études le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les désordres affectant le réseau d'assainissement " eaux usées et pluviales " ont un caractère décennal dès lors qu'ils rendent cet ouvrage impropre à sa destination ;

- l'implantation de cet ouvrage n'est pas conforme aux règles de l'art et rend impossible l'exécution des travaux de voirie ;

- ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise, cet ouvrage ne pouvait qu'être démoli puis reconstruit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2015, la société Solotra, représentée par la SCPC..., Croon, Journé-Léau, conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la communauté de communes Champagne Vesle aux dépens et à ce que soit mis à la charge de cette dernière une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les désordres affectant l'ouvrage ne revêtent pas un caractère décennal ;

- à titre subsidiaire, que les désordres étaient apparents lors de la réception et que cette dernière a été prononcée sans réserve ;

- les échanges entre la commune d'Ormes et la communauté de communes Champagne Vesle démontrent que cette dernière avait connaissance des désordres ;

- les résultats insatisfaisants des contrôles de compacité sur les chantiers et la présence d'un service assainissement spécifique auraient dû conduire la communauté de communes de Champagne Vesle à prononcer la réception avec réserve, les désordres affectant les travaux réalisés étant apparents lors de la réception.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 mars 2016 et le 22 avril 2016, la SNC Lavalin, représentée par Me B...de la SELARL Billet-B... -Billet-Deroi-Thibaut, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la communauté de communes Champagne Vesle sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter la condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre à la somme de 14 820,63 euros TTC ;

3°) de condamner solidairement les sociétés Champagne bureau d'études et Solotra à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre et de mettre à la charge de ces sociétés une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle doit être mise hors de cause dès lors qu'elle n'était partie à aucun contrat à l'origine du dommage subi par la commune d'Ormes ; les travaux litigieux n'ont pas été réalisés dans le cadre du marché de maîtrise d'oeuvre conclu entre le groupement de maîtrise d'oeuvre composé de la SNC Lavalin et de la société Champagne bureau d'études, et la communauté de communes Champagne Vesle ;

- les travaux de viabilisation du " chemin de Dresfervuoin " n'ont pas pour objet la réalisation d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil ;

- la réception a été prononcée sans réserve alors que les désordres étaient apparents lors des opérations de réception ;

- la communauté de communes Champagne Vesle a commis une faute en ne décelant pas la faible profondeur des canalisations ;

- la communauté de communes Champagne Vesle ne justifie pas du bien-fondé des condamnations dont elle entend être garantie.

Par des mémoires, enregistrés le 10 novembre 2015, le 6 avril 2016 et le 3 mai 2016, la commune d'Ormes, représentée par la SELAS Cabinet Devarenne et Associés, a présenté des observations.

La requête a été communiquée à la société Champagne bureau d'études et à la société Allianz Iard, qui n'ont pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour la société Solotra et celles de Me E...pour la commune d'Ormes.

1. Considérant que la commune d'Ormes a décidé en 2008 de procéder à des travaux de viabilisation de la voie communale dite " chemin de Dresfervuoin " ; que les travaux de réalisation du réseau d'assainissement ont été confiés par la communauté de communes Champagne Vesle, dont la commune d'Ormes est membre, à la société Solotra par un marché signé le 3 février 2009 ; que par un contrat du 29 juin 2009, la commune d'Ormes, en qualité de maître de l'ouvrage, a confié à l'entreprise Martins TP l'exécution des travaux de voirie ; que l'entreprise Martin TP a signalé à la commune d'Ormes l'impossibilité d'exécuter les travaux de voirie du fait de la trop faible profondeur de pose du réseau d'assainissement ; que la commune d'Ormes a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à la condamnation solidaire de la communauté de communes Champagne Vesle, du groupement Pingat devenu SNC Lavalin, de la compagnie Allianz Iard, venant aux droits de la compagnie d'assurances Gan Euro courtage, de la société Champagne bureau d'études, de M.A..., de la société Solotra et de la compagnie d'assurance Covea Risk à l'indemniser des préjudices qu'elle estimait avoir subis pour une somme de 92 962,77 euros toutes taxes comprises (TTC) ; que par un jugement du 25 novembre 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné solidairement la communauté de communes Champagne Vesle, la SNC Lavalin, la société Champagne bureau d'études et la société Solotra à verser à la commune d'Ormes une somme de 62 230,22 euros TTC et de mettre à la charge de ces dernières la somme de 8 938 euros au titre des frais d'expertise et la somme de 1 213,97 euros au tire des frais de géomètre supportés par la commune ; que la communauté de communes Champagne Vesle relève appel du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 novembre 2014 en tant que ce jugement a rejeté l'appel en garantie qu'elle avait formé à l'encontre de la société Champagne bureau études et de la SNC Lavalin ;

Sur l'appel en garantie formé par la communauté de communes Champagne Vesle :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dommages subis par la commune d'Ormes résultent de l'impossibilité pour son cocontractant, la société Martins TP, d'exécuter les travaux de voirie devant être effectués dans le cadre de la viabilisation du chemin communal ; que ces travaux, qui ont débuté le 5 mars 2010, ont été interrompus le 8 novembre 2010 en raison de l'installation des canalisations de récupération des eaux pluviales et des eaux usées à une trop faible profondeur et au branchement des bouches avaloirs du réseau d'eau pluviale à une hauteur trop élevée ; qu'il résulte de l'instruction que ces travaux réalisés par la société Solotra en exécution du marché conclu avec la communauté de communes Champagne Vesle, en qualité de maître de l'ouvrage, et dont la maîtrise d'oeuvre avait été confiée un groupement composé de la SNC Lavalin, mandataire solidaire, et de la société Champagne bureau d'études, ne permettaient pas à la société Martins TP d'exécuter les travaux de voirie sans détériorer ou détruire certaines canalisations du réseau d'assainissement ;

3. Considérant que la fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception ; qu'il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ; que toutefois, si le dommage subi par le tiers trouve directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché, la responsabilité de l'entrepreneur envers le maître d'ouvrage peut être recherchée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ;

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que la réception des travaux du réseau d'assainissement des eaux usées et des eaux pluviales a été prononcée sans réserve le 11 février 2010 ; qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier et il n'est d'ailleurs pas soutenu que cette réception aurait été acquise à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives ; qu'il suit de là que la fin des rapports contractuels entre la communauté de communes Champagne Vesle et les sociétés SNC Lavalin, Champagne bureau d'études et Solotra consécutive à la réception sans réserve des travaux le 11 février 2010, fait obstacle à ce que ces sociétés soient ultérieurement appelées en garantie par la communauté de communes Champagne Vesle sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour les dommages dont la commune d'Ormes demande réparation, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception ;

En ce qui concerne la garantie décennale :

5. Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient la société Solotra, la communauté de communes Champagne Vesle peut rechercher sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs la responsabilité des sociétés SNC Lavalin, Champagne bureau d'études et Solotra à raison des désordres affectant le réseau d'assainissement des eaux usées et des eaux pluviales qui est un ouvrage au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'installation des canalisations de récupération des eaux pluviales et des eaux usées à une trop faible profondeur et du branchement des bouches avaloirs du réseau d'eau pluviale à une hauteur trop élevée sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination ; qu'au surplus, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert judiciaire, que certaines canalisations du réseau d'eaux usées étaient posées à moins de soixante dix centimètres du niveau supérieur de la voirie et étaient apparentes sur le fond de forme de la chaussée à construire ; que, par suite, et alors que les contrôles de compacité sur les tranchées que la communauté de communes Champagne Vesle a fait réaliser se sont révélés médiocres, les désordres affectant le réseau d'assainissement à l'origine des dommages subis par la commune d'Ormes étaient aisément décelables par la communauté de communes Champagne Vesle lors des opérations de réception du réseau d'assainissement et doivent, ainsi, être regardés comme apparents ; qu'il suit de là que les désordres affectant le réseau d'assainissement ne revêtaient pas un caractère décennal ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes Champagne Vesle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté son appel en garantie présenté sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ;

Sur les conclusions présentées par la commune d'Ormes :

8. Considérant que la commune d'Ormes a été appelée à l'instance par la cour en qualité de simple observateur ; que, par suite, les mémoires qu'elle a produit les 10 novembre 2015, 6 avril 2016 et le 3 mai 2016 ne constituent pas une intervention en défense, assortie de moyens propres, mais de simples observations ; qu'en sa qualité d'observateur, la commune n'est pas recevable à présenter des conclusions dans le cadre de l'appel interjeté par la communauté de communes Champagne Vesle ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce que toute demande faite à son encontre soit rejetée et qu'il soit mis à la charge de la communauté de communes Champagne Vesle, de la SNC Lavalin et de la société Solotra la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SNC Lavalin, de la société Solotra et de la société Champagne bureau d'études qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la communauté de communes Champagne Vesle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SNC Lavalin et de la société Solotra présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la communauté de communes Champagne Vesle est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Ormes sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la SNC Lavalin et de la société Solotra présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Champagne Vesle, à la SNC Lavalin, à la société Solotra, à la société Champagne bureau d'études, à la société Allianz Iard et à la commune d'Ormes.

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N° 15NC00185


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00185
Date de la décision : 15/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité du maître de l'ouvrage et des constructeurs à l'égard des tiers - Actions en garantie.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : CABINET JACQUEMET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-11-15;15nc00185 ?
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