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20/10/2016 | FRANCE | N°15NC01037

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 20 octobre 2016, 15NC01037


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Data Direct Indexagent a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle est redevable au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010.

Par un jugement n° 1300638 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa

demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Data Direct Indexagent a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle est redevable au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010.

Par un jugement n° 1300638 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 mai 2015 et 21 juin 2016, la société Data Direct Indexagent, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière ;

- l'administration fiscale a obtenu irrégulièrement, dans le cadre de l'exercice du droit de communication, des relevés bancaires du compte qu'elle a ouvert à l'agence de Thionville du Crédit Agricole de Lorraine dès lors que, d'une part, ce droit de communication ne peut concerner que les seuls contribuables imposables en France et que, d'autre part, l'administration aurait dû, conformément à l'article 22 de la convention conclue le 1er avril 1958 entre la France et le Grand-duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, s'adresser à l'administration fiscale luxembourgeoise ;

- l'administration fiscale était tenue de convenir, comme le prévoit l'article L. 45 du livre des procédures fiscales, avec l'administration fiscale luxembourgeoise de procéder à un contrôle simultané de l'établissement stable situé en France et de la société luxembourgeoise située en France ;

- l'administration fiscale a méconnu les règles de la territorialité du contrôle dès lors qu'à travers le contrôle de l'établissement stable et en exploitant les relevés de compte bancaire la concernant, elle a en réalité contrôlé la société de droit luxembourgeois ;

- l'administration fiscale a, en s'abstenant d'indiquer pour quels motifs les sommes enregistrées au crédit du compte bancaire de Thionville remplissaient les conditions légales pour être imposables en France, méconnu les dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ;

- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues faute pour le vérificateur d'avoir identifié les clients auprès desquels il a obtenu les factures sur lesquelles il s'est fondé pour estimer que les sommes encaissées sur le compte de l'agence de Thionville du Crédit Agricole de Lorraine se rattachaient à l'activité exercée par l'établissement stable de la société requérante située en France ;

- l'administration a commis un abus de droit rampant en regardant la société luxembourgeoise comme fictive ;

- c'est à tort que les sommes figurant au crédit du compte bancaire ouvert à son nom à l'agence de Thionville du Crédit Agricole de Lorraine ont été prises en compte pour la détermination du chiffre d'affaires de son établissement stable soit 534 512 euros toutes taxes comprises en 2008, 533 199 euros toutes taxes comprises en 2009 et 110 077 euros toutes taxes comprises en 2010 dès lors qu'elle dispose au Luxembourg des moyens matériels nécessaires à l'exploitation de son activité, que la direction y est effectivement exercée, qu'elle y a engagé des dépenses d'exploitation, que l'essentiel de son chiffre d'affaires est généré par M.B..., assisté de collaborateurs " free-lance " à partir du Luxembourg et que son établissement stable n'a pas utilisé le compte bancaire de Thionville ;

- la différence entre le montant des produits déclarés au titre de l'exercice 2010 soit 482 741 euros et le montant des sommes encaissées en 2010 sur le compte bancaire de l'agence de Thionville du Crédit Agricole de Lorraine soit 668 562 euros correspond à des créances non acquises et donc non imposables ;

- les opérations effectuées au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 n'étaient pas taxables en France en vertu du 4° de l'article 259 B du code général des impôts ;

- certaines des prestations effectuées au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 n'étaient pas taxables dès lors qu'elles ont été fournies à des preneurs situés dans un autre État membre de la Communauté européenne ;

- l'administration ne justifie pas que les sommes encaissées sur le compte ouvert à l'agence de Thionville du Crédit Agricole de Lorraine correspondent à des prestations taxables au sens de l'article 256 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre la France et le Grand-duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, en date du 1er avril 1958, modifiée par avenant signé le 24 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Etienvre ;

- et les conclusions de Mme Peton-Philippot, rapporteur public.

1. Considérant qu'à l'issue de vérifications de comptabilité, l'administration fiscale a notifié, par trois propositions de rectification des 19 décembre 2011, 2 avril 2012 et 19 avril 2012, à la société de droit luxembourgeois Data Direct Indexagent des rehaussements des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés réalisés, au cours des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, par son établissement stable situé en France, 16 rue des Telliers, à Reims ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 ; que la société Data Direct Indexagent relève appel du jugement du 24 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires sur les sociétés auxquelles elle a en conséquence été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010 et, d'autre part, de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

2. Considérant, que la société requérante soutient, en premier lieu, que l'administration fiscale a obtenu irrégulièrement, dans le cadre de l'exercice du droit de communication, des relevés bancaires du compte n° 86413186XXX qu'elle a ouvert à l'agence de Thionville du Crédit Agricole de Lorraine dès lors que, d'une part, ce droit de communication ne peut concerner que les seuls contribuables imposables en France et que, d'autre part, l'administration aurait dû, conformément à l'article 22 de la convention conclue le 1er avril 1958 entre la France et le Grand-duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, s'adresser à l'administration fiscale luxembourgeoise pour obtenir ces documents ;

3. Considérant qu'aux termes qu'aux termes de l'article 22 de la convention conclue le 1er avril 1958 entre la France et le Grand-duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune : " 1. Les autorités compétentes des deux États pourront, soit d'office, soit sur demande, échanger, sous condition de réciprocité, les renseignements que les législations fiscales des deux États permettent d'obtenir, dans le cadre de la pratique administrative normale, nécessaires pour une application régulière de la présente Convention. Tout renseignement échangé de cette manière doit être tenu secret et ne peut être révélé qu'aux personnes qui s'occupent de la perception des impôts auxquels se rapporte la présente Convention. Il ne pourra pas être échangé de renseignements qui dévoileraient un secret commercial, bancaire, industriel ou professionnel ou un procédé commercial. / 2. Les dispositions du présent article ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à l'un des États contractants l'obligation de prendre des mesures administratives dérogeant à sa propre réglementation ou à sa pratique administrative, ou contraires à sa souveraineté, à sa sécurité, à ses intérêts généraux ou à l'ordre public, ou de transmettre des indications qui ne peuvent être obtenues sur la base de sa propre législation et de celle de l'État qui les demande " ;

4. Considérant qu'il ne résulte pas de ces stipulations que l'administration fiscale ait été dans l'obligation de solliciter l'assistance de l'administration fiscale luxembourgeoise pour obtenir auprès de l'établissement bancaire de la société requérante, situé en France, des documents ou renseignements concernant son établissement stable de Reims ;

5. Considérant que, par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit n'interdisaient à l'administration fiscale d'obtenir des renseignements auprès d'un établissement bancaire situé en France et soumis au droit de communication prévu à l'article L. 83 du livre des procédures fiscale et celui prévu à l'article L. 85 du même livre au motif que le titulaire des comptes concernés par la mise en oeuvre de ce droit de communication était une société de droit luxembourgeois ; que le moyen tiré de ce que l'administration aurait commis un détournement de procédure doit être par suite écarté ;

6. Considérant que la société requérante soutient, en deuxième lieu, que l'administration fiscale était tenue de convenir, comme le prévoit l'article L. 45 du livre des procédures fiscales, avec l'administration fiscale luxembourgeoise de procéder à un contrôle simultané de l'établissement stable situé en France et de la société luxembourgeoise située au Luxembourg ;

7. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article L. 45 du livre des procédures fiscales : " En matière d'impôts directs et de taxes assises sur les primes d'assurance, lorsque la situation d'un ou plusieurs contribuables présente un intérêt commun ou complémentaire pour plusieurs États membres de la Communauté européenne, l'administration peut convenir avec les administrations des autres États membres de procéder à des contrôles simultanés, chacune sur le territoire de l'État dont elle relève, en vue d'échanger les renseignements ainsi obtenus " ;

8. Considérant que ces dispositions n'imposaient nullement à l'administration fiscale de demander à l'administration luxembourgeoise d'engager un contrôle simultané de la société de droit luxembourgeois ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 45 du livre des procédures fiscales doit être dès lors écarté ;

9. Considérant, en troisième lieu, que la société requérante soutient que l'administration fiscale a méconnu les règles de la territorialité du contrôle dès lors qu'à travers le contrôle de l'établissement stable et en exploitant les relevés de compte bancaire la concernant, elle a en réalité contrôlé la société de droit luxembourgeois ; que toutefois, il résulte de l'instruction que le service s'est borné à déterminer les résultats réellement imposables de l'établissement stable à travers lequel la société requérante exerçait son activité en France ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que la société requérante soutient que l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales en s'abstenant d'indiquer pour quels motifs les sommes enregistrées au crédit du compte bancaire de Thionville remplissaient les conditions légales pour être imposables en France ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) " ;

12. Considérant qu'il résulte de l'examen des propositions de rectification litigieuses que le vérificateur a indiqué qu'après exercice du droit de communication auprès de l'agence de Thionville du Crédit Agricole de Lorraine, il a obtenu les copies des chèques correspondant aux sommes encaissées sur le compte n° 86413186XXX ouvert au nom de la société requérante ; qu'il a, par la suite, exercé le droit de communication auprès d'un certain nombre de clients identifiés dont la liste est annexée aux propositions de rectification afin d'obtenir les factures au vu desquelles ces clients se sont acquittés des sommes encaissées ; que le vérificateur a indiqué en annexe III que ces documents faisaient apparaître de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6% et comportaient les références suivantes " Agent § Co 21 rue Le Sueur 75166 Paris SIRET 492 362 199 00027 RCS Paris 492 362 199 N° TVA FR00492362199 " soit l'adresse de domiciliation et le numéro SIRET de l'établissement stable ; que le vérificateur a également indiqué dans ces annexes que ces factures mentionnaient le prénom d'un télé-conseiller salarié de l'établissement stable et que les montants réglés par carte bancaire via internet étaient des sommes identiques à celles figurant sur les factures obtenues ou leurs multiples ; que le vérificateur en a déduit que l'établissement stable de la société requérante situé en France n'avait pas déclaré une partie de son activité et a pris en compte, en plus des sommes encaissées sur le second compte n° 86418228XXX dans le même établissement, celles encaissées sur le compte n° 86413186XXX pour la reconstitution des chiffres d'affaires et des résultats imposables de cet établissement ; que, ce faisant, le vérificateur a suffisamment précisé, dans les propositions de rectification, les motifs pour lesquels il a pris en considération comme produits imposables les sommes encaissées en 2008, 2009 et 2010 sur les comptes ouverts à l'agence de Thionville du Crédit Agricole de Lorraine ; que par suite les propositions de rectification en cause ne souffrent pas de l'insuffisance de motivation alléguée ;

13. Considérant, en cinquième lieu, que le vérificateur a identifié, en annexe, les clients auprès desquels il a obtenu les factures sur lesquelles il s'est fondé pour estimer que les sommes encaissées sur le compte n° 8641386XXX de l'agence de Thionville du Crédit Agricole de Lorraine se rattachaient à l'activité exercée par l'établissement stable de la société requérante située en France ; que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales selon lesquelles l'administration est tenue d'informer le contribuable de l'origine et la teneur des renseignements qui lui ont servi à établir l'imposition, ont été méconnues ; que la société requérante ne saurait pas non plus se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de doctrines de l'administration fiscale relatives à la procédure d'imposition ;

14. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification (...) " ;

15. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, auraient normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ; qu'il résulte également de ces dispositions que, lorsque l'administration invoque des faits constitutifs d'un abus de droit pour justifier un chef de redressement, le contribuable, qui n'a pas demandé la saisine du comité de l'abus de droit fiscal, doit être regardé comme ayant été privé de la garantie tenant à la faculté de provoquer cette saisine si, avant la mise en recouvrement de l'imposition, l'administration omet de l'aviser expressément que le redressement a pour fondement les dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

16. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration n'a aucunement regardé l'existence de la société requérante comme fictive ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales doit être dès lors écarté ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'impôt :

S'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

17. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 4 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise précitée : " Les revenus des entreprises (...) commerciales (...) ne sont imposables que dans l'État sur le territoire duquel se trouve un établissement stable " ; qu'aux termes du 3 de l'article 2 de la même convention : " 1) Le terme " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2) Au nombre des établissements stables figurent notamment : (...) b) les succursales ; c) les bureaux (...) " ;

18. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; qu'il incombe dès lors à la société requérante, en vertu des procédures d'imposition d'office mises en oeuvre, d'établir le caractère exagéré des impositions auxquelles elle a été assujettie ;

19. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'au vu notamment de l'examen des relevés du compte bancaire n° 86413186XXX ouvert au nom de la société requérante à l'agence de Thionville du Crédit Agricole de Lorraine et des résultats du droit de communication exercé auprès d'un certain nombre de clients ayant effectué des paiements encaissés sur ce compte, l'administration fiscale a estimé que les recettes figurant au crédit de ce compte avaient pour origine, comme celles encaissées sur le second compte n° 86418228XXX, l'activité déployée à partir de cet établissement qui disposait de moyens matériels, humains et financiers et non l'activité déployée depuis le Luxembourg ; qu'en se bornant à soutenir que c'est à tort que les sommes figurant au crédit des comptes bancaires ouverts au nom de la société requérante à l'agence de Thionville du Crédit Agricole de Lorraine ont été prises en compte pour la détermination du chiffre d'affaires de son établissement stable dès lors qu'elle dispose au Luxembourg des moyens matériels nécessaires à l'exploitation de son activité, que la direction y est effectivement exercée, qu'elle y a engagé des dépenses d'exploitation, que l'essentiel de son chiffre d'affaires est généré par M.B..., assisté de collaborateurs indépendants en " free-lance " à partir du Luxembourg et que son établissement stable n'a pas utilisé le compte bancaire de Thionville, la société requérante, qui ne peut se prévaloir d'une comptabilité régulière, ne fournit pas d'éléments tangibles à l'appui de ses allégations et ne justifie dès lors pas du caractère exagéré des impositions mises à sa charge ;

20. Considérant, en second lieu, que la société requérante n'établit pas davantage que tout ou partie des bénéfices imposables de l'exercice clos en 2010 tels qu'ils ont été évalués d'office correspondrait à des créances non acquises et par suite non imposables ;

S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

21. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, sortent de son champ d'application, en vertu de l'article 259 B du code général des impôts ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération ;

22. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) " ;

23. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6 % les sommes de 396 063 euros hors taxes au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008, de 467 908 euros hors taxes au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009 et de 618 472 euros hors taxes au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 ; que la somme de 396 063 euros hors taxes soit 473 692 euros toutes taxes comprises résulte de la différence entre le total des sommes encaissées sur les comptes bancaires n° 86418228XXX et n° 86413186XXX ouverts à l'agence de Thionville du Crédit Agricole de Lorraine (720 622 euros) et le chiffre d'affaires déclaré de 246 930 euros ; que la somme de 467 908 euros hors taxes soit 559 619 euros toutes taxes comprises résulte de la différence entre le total des sommes encaissées sur les deux mêmes comptes bancaires (747 464 euros) et le chiffre d'affaires déclaré de 187 845 euros ; que la somme de 618 472 euros hors taxes soit 739 693 euros toutes taxes comprises correspond au chiffre d'affaires toutes taxes comprises à déclarer (778 639 euros) dont a été déduite une somme de 38 946 euros au titre des exportations et livraisons intracommunautaires ; que la somme de 778 639 euros correspond au montant des sommes encaissées sur les deux comptes bancaires n° 86413186XXX et n° 86418228XXX ;

24. Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour prendre en compte, au titre des opérations taxables, les sommes encaissées sur le compte n° 8641386XXX ouvert à l'agence de Thionville du Crédit Agricole de Lorraine en 2008 (534 512 euros), 2009 (533 199 euros) et 2010 (110 077 euros), le vérificateur s'est notamment fondé sur les résultats du droit de communication exercé auprès des clients ayant acquitté ces sommes et l'examen de dix-sept factures qu'il a obtenues auprès de certains de ces clients ; que si la société requérante conteste le caractère taxable de ces sommes, notamment celles encaissées sur le compte n° 86418228XXX, elle s'est néanmoins abstenue de produire auprès du vérificateur un exemple de facture émise par son établissement au Luxembourg et de fournir un numéro valide d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée au Luxembourg et s'est en outre refusée à donner la moindre facture ou autre document permettant de justifier les opérations portées au crédit du compte bancaire de Thionville ; qu'en appel, la société Data Direct Indexagent ne donne, pas plus qu'en première instance, de document relatif à l'activité qu'elle aurait déployée à partir du Luxembourg ; qu'elle se retranche, pour l'essentiel, derrière sa nationalité luxembourgeoise et s'abstient de donner des précisions sur la nature des opérations figurant sur l'un ou l'autre des comptes bancaires en cause ; que, dans ces conditions, et alors qu'elle seule détient les éléments qui pourraient établir que tout ou partie seulement des sommes encaissées sur les comptes ouverts à l'agence de Thionville du Crédit Agricole de Lorraine ne correspondent pas à des opérations taxables, la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle est redevable ;

25. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 259 B du code général des impôts dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2010 : " Par dérogation à l'article 259, le lieu des prestations de services suivantes est réputé ne pas se situer en France lorsqu'elles sont fournies à une personne non assujettie qui n'est pas établie ou n'a pas son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre de la Communauté européenne :(...) 4° Prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d'études dans tous les domaines (...) " ;

26. Considérant que si la société requérante soutient que, s'agissant des opérations taxées au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, celles-ci n'étaient pas taxables en France en vertu du 4° de l'article 259 B du code général des impôts, elle ne produit toutefois aucun élément permettant d'établir que tout ou partie de ces opérations correspondaient à des prestations fournies à une personne non assujettie qui n'était pas établie ou n'avait pas son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre de la Communauté européenne ;

27. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 259 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2010 : " Le lieu des prestations de services est situé en France : 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ; 2° Lorsque le preneur est une personne non assujettie, si le prestataire : a) A établi en France le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France à partir duquel les services sont fournis ; b) Ou dispose d'un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, a en France son domicile ou sa résidence habituelle " ;

28. Considérant que si la société requérante soutient que certaines des prestations taxées au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 n'étaient pas taxables dès lors qu'elles ont été fournies à des preneurs situés dans un autre État membre de l'Union européenne, elle ne fournit cependant aucun document permettant d'en justifier ;

29. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Data Direct Indexagent n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

30. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Data Direct Indexagent demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Data Direct Indexagent est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Data Direct Indexagent et au ministre de l'économie et des finances.

2

N° 15NC01037


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01037
Date de la décision : 20/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme PETON-PHILIPPOT
Avocat(s) : FERNER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-10-20;15nc01037 ?
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