Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, d'une part, la décision du 21 février 2014 du directeur académique des services de l'éducation nationale des Ardennes refusant de reconnaître l'imputabilité au service de son arrêt de travail consécutif aux faits survenus le 2 octobre 2013, ainsi que la décision du 26 mai 2014 rejetant son recours gracieux formé contre cette décision.
Elle a demandé, d'autre part, l'annulation de la décision du 10 juin 2014 par laquelle le recteur de l'académie de Reims a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.
Par un jugement nos 1401499 et 1401693 du 8 avril 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 juin 2015 et le 9 septembre 2016, Mme B..., représentée par la SCP ACG, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler les décisions des 21 février et 26 mai 2014 du directeur académique des services de l'éducation nationale des Ardennes ;
3°) d'annuler la décision du 10 juin 2014 du recteur de l'académie de Reims ;
4°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Reims de se prononcer à nouveau sur ses demandes dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le syndrome dépressif dont elle souffre est imputable au service ;
- elle a subi des violences morales qui constituent des attaques au sens de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et qui justifiaient que lui soit octroyée la protection fonctionnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2016, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun moyen soulevé par la requérante n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 13 septembre 2016, le syndicat SGEN-CFDT est intervenu au soutien de la requête de MmeB....
Il soutient que :
- les faits dont est victime Mme B...constituent de véritables attaques ;
- les conclusions de l'expertise du docteur Collin sont contredites par ses propres confrères.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fuchs,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me Calot, avocat de MmeB....
1. Considérant que Mme B...a exercé les fonctions de professeur contractuel de l'éducation nationale entre septembre 2002 et août 2013 ; qu'elle a réussi l'examen professionnel réservé de professeur de lycée professionnel en sciences et techniques médico-sociales au titre de la session 2013 et a été affectée, pour effectuer son année de stage probatoire, au lycée Paul Verlaine de Rethel du 1er septembre 2013 au 31 août 2014 ; qu'à la suite d'une visite d'une inspectrice de l'éducation nationale le 2 octobre 2013, Mme B...a été placée en arrêt de travail du 3 au 12 octobre 2013 ; que sa demande tendant à ce que l'accident survenu le 2 octobre et l'arrêt de travail subséquent soient reconnus imputables au service a été rejetée par le directeur académique des services de l'éducation nationale des Ardennes par une décision du 21 février 2014, qui a également rejeté son recours gracieux le 26 mai 2014 ; que, par courrier du 17 mars 2014, Mme B...a également sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle au motif qu'elle serait en particulier victime de violences morales ; que le recteur de l'académie de Reims a refusé de faire droit à cette demande par une décision du 2 mai 2014, confirmée le 10 juin 2014 ;
2. Considérant que Mme B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, d'une part, les décisions du 21 février 2014 et du 26 mai 2014 refusant de reconnaître l'imputabilité au service des faits survenus le 2 octobre 2013 et de l'arrêt de travail, du 3 au 12 octobre, consécutif à ceux-ci et, d'autre part, les décisions du 2 mai 2014 et du 10 juin 2014 refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ; qu'elle relève appel du jugement du 8 avril 2015 par lequel ce tribunal administratif a rejeté ses demandes ;
Sur l'intervention du syndicat SGEN-CFDT :
3. Considérant que le syndicat SGEN-CFDT a intérêt à l'annulation de la décision attaquée ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation des décisions des 21 février et 26 mai 2014 :
4. Considérant que Mme B...soutient que le symptôme anxio-dépressif réactionnel qui lui a été diagnostiqué à la suite d'une visite par une inspectrice de l'éducation nationale le 2 octobre 2013 et a entraîné un arrêt de travail du 3 au 12 octobre 2013, est imputable au service ;
5. Considérant que pour rejeter la demande de MmeB..., le directeur académique des services de l'éducation nationale des Ardennes s'est notamment fondé sur le rapport d'expertise d'un psychiatre en date du 3 février 2014, rédigé à la demande de la commission de réforme, concluant à l'absence de lien direct entre la pathologie de l'intéressée et le service, en raison de troubles de la personnalité antérieurs aux faits du 2 octobre 2013 et de l'existence d'un sentiment de persécution rendant insupportable à l'intéressée la moindre critique, sentiment exacerbé par sa réussite au concours réservé de professeur ; que le directeur académique s'est également fondé sur deux avis négatifs de la commission de réforme compétente en date des 21 février et 23 mai 2014 ;
6. Considérant que pour remettre en cause l'appréciation portée par le directeur académique des services de l'éducation nationale des Ardennes, la requérante s'appuie en particulier sur l'arrêt de travail délivré par son médecin traitant, trois rapports rédigés par des psychiatres et un rapport émanant de psychologues du travail ; que ni l'arrêt de travail en date du 3 octobre 2013, qui se borne à mentionner sans autre précision l'existence d'un " syndrome anxio-dépressif réactionnel à des soucis professionnels ", ni le rapport de deux psychologues du travail en date du 19 février 2014, dans lequel ceux-ci ne font que reprendre les déclarations de l'intéressée, ne constituent des éléments suffisamment sérieux permettant de se prononcer sur l'imputabilité au service de son arrêt de travail ; que dans le rapport de contre-expertise du 3 avril 2014, le psychiatre se contente de faire état du niveau élevé de stress de l'intéressée et de l'intérêt qu'il y aurait à ce qu'elle puisse bénéficier d'une affectation plus proche de son domicile ; que le même psychiatre se borne à souligner, dans un certificat médical fort peu circonstancié du 24 novembre 2014, que la maladie de l'intéressée est imputable au service car celle-ci " fait bien le lien entre son état de santé (...) et ses difficultés professionnelles " et qu'elle ne bénéficiait pas auparavant de suivi psychologique ; que Mme B...produit encore le rapport d'un psychiatre, en date du 10 juin 2014, concluant de manière circonstanciée à l'absence de tout " argument clinique ou biographique qui contredit l'imputabilité " ; que ce dernier rapport, rédigé à la demande de la requérante, et alors même qu'il est conforté par l'analyse postérieure d'un neuropsychiatre, ne permet pas de remettre en cause l'analyse du psychiatre, praticien hospitalier, ayant rédigé l'expertise à la demande de l'administration, confirmée par deux avis de la commission de réforme compétente ; que les autres éléments médicaux qu'elle produit sont relatifs à un état de dépression postérieur à l'arrêt de travail du 3 au 12 octobre 2013, qui fait seul l'objet de la présente requête ; qu'en outre, aucune pièce du dossier ne permet d'établir que la visite de l'inspectrice de l'éducation nationale du 2 octobre 2013, évènement prévisible et habituel pour tout professeur stagiaire, se serait déroulée dans des conditions anormales ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le directeur académique des services de l'éducation nationale des Ardennes a estimé que les faits survenus le 2 octobre 2013 et l'arrêt de travail subséquent n'étaient pas imputables au service ;
7. Considérant que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions du 21 février 2014 et du 26 mai 2014 ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation des décisions des 2 mai et 10 juin 2014 :
8. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi
du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) " ; qu'aux termes de l'article 11 de la même loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) " ; que ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général ; que cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis ; que la mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre ; qu'il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;
9. Considérant, d'autre part, qu'il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
10. Considérant que Mme B...soutient, en premier lieu, qu'elle a été systématiquement affectée loin de son domicile ; qu'aucun élément ne permet toutefois d'établir que ses affectations en qualité de contractuelle de l'éducation nationale n'auraient pas été déterminées par l'intérêt du service ; que si elle a effectué son année de stage au lycée de Rethel, il ressort des pièces du dossier que la requérante avait elle-même émis le voeu, placé en troisième position, d'enseigner dans ce lycée ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que la requérante soutient avoir subi des attaques de la part de l'inspectrice de l'éducation nationale chargée de sa supervision ainsi que des tuteurs qui ont assuré son suivi ; qu'en ce qui concerne la période antérieure à l'année scolaire 2013-2014, la requérante ne produit aucun élément à l'appui de ses affirmations ; que, concernant son année de stage probatoire, aucune pièce du dossier, notamment les échanges de courriels entre l'intéressée et l'inspectrice, les rapports établis par cette dernière les 7 octobre 2013 et 21 février 2014 ainsi que les rapports concordants de ses deux tuteurs et celui du proviseur du lycée Paul Verlaine, ne permet de faire présumer que l'intéressée aurait fait l'objet d'un quelconque comportement ayant le caractère de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages ; que les éléments produits ne permettent pas plus de présumer que les personnes concernées auraient fait un usage anormal de leurs prérogatives mais établissent, au contraire, qu'ils ont évalué la capacité de l'intéressée à être titularisée sans excéder le cadre de leurs fonctions ;
12. Considérant, en troisième lieu, qu'aucun élément ne permet de présumer que Mme B...aurait été victime, comme elle le soutient, d'agissements de harcèlement moral de la part de l'administration ou de ses collègues ; qu'elle ne peut sérieusement soutenir que l'administration ne l'aurait pas accompagnée face à ses difficultés, alors que deux tuteurs ont été désignés afin de lui apporter le soutien nécessaire ; qu'enfin, la circonstance, au demeurant postérieure aux décisions contestées, que l'intéressée a déposé une plainte conduisant à ce qu'un juge d'instruction décide d'ouvrir une information judiciaire n'est pas, à elle seule, de nature à établir que Mme B...aurait été victime, à l'occasion de ses fonctions, d'agissements de la part de son administration impliquant que cette dernière la fasse bénéficier de la protection prévue par les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 11 juillet 1983 ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 2 mai et 10 juin 2014 lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requérante, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention du syndicat SGEN-CFDT est admise.
Article 2 : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêté sera notifié à Mme A...B..., à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au syndicat SGEN-CFDT de Champagne-Ardenne.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Reims.
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N° 15NC01263