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29/09/2016 | FRANCE | N°16NC00776

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2016, 16NC00776


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 12 juin 2015 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.

Par un jugement n° 1502228 du 16 décembre 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par u

ne requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er mai et

25 août 2016, MmeB..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 12 juin 2015 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.

Par un jugement n° 1502228 du 16 décembre 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er mai et

25 août 2016, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est signé par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé et comporte des erreurs matérielles ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen attentif et sérieux de sa situation ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît l'article préliminaire ainsi que les articles 1 alinéa 2, 2 et 3 du code de procédure pénale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article 9 du code civil ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu ;

- elle méconnaît l'article préliminaire ainsi que les articles 1 alinéa 2, 2 et 3 du code de procédure pénale ;

- elle méconnaît l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article 9 du code civil ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2016, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à Mme B...par une décision du 23 juin 2016.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Etienvre.

1. Considérant que MmeB..., ressortissante algérienne, entrée régulièrement en France le 19 octobre 2013, relève appel du jugement du 16 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Marne du 12 juin 2015 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2. Considérant que Mme B...se borne à reprendre en appel, sans critiquer la réponse faite par les premiers juges, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté et de son insuffisante motivation ; que ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal ;

En ce qui concerne le refus de séjour :

3. Considérant, en premier lieu, que Mme B...soutient que sa présence sur le territoire français est indispensable pour assurer la défense effective de ses droits, compte tenu de la plainte qu'elle a déposée en 2014 en raison de violences conjugales ; que, toutefois, la décision de refus de titre de séjour n'emporte pas nécessairement éloignement du territoire français et ne fait ainsi pas obstacle à ce que l'intéressée puisse être entendue par un juge d'instruction et être assistée ou représentée comme partie civile dans le cadre d'une procédure pénale ; qu'il suit de là que les moyens tirés de ce que le préfet de la Marne aurait à ce titre entaché la décision de refus de titre de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et aurait méconnu les stipulations de l'arti-

cle 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article préliminaire et les articles 1 alinéa 2, 2 et 3 du code de procédure pénale ne peuvent qu'être écartés ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, dans ces conditions, Mme B...ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...est entrée régulièrement en France le 19 octobre 2013 et a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de conjointe d'un ressortissant français ; qu'en raison de la rupture de la communauté de vie entre les époux, sa demande tendant à l'obtention de ce titre a été rejetée par le préfet de la Marne par la décision litigieuse ; que si MmeB..., se prévaut de sa bonne intégration, de l'absence d'attaches familiales en Algérie, ses parents étant décédés en 2002 et 2012, et de la présence en France d'une soeur, d'un frère, d'oncles et tantes ainsi que de cousins et cousines, le préfet n'a toutefois pas, pour autant, porté au droit de l'intéressée, compte tenu notamment du caractère récent de son entrée en France, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ; que les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de la requérante doivent être écartés pour les mêmes motifs ; qu'enfin, Mme B...ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article 9 du code civil selon lesquelles chacun a droit au respect de sa vie privée ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, nonobstant le fait que celui-ci se soit mépris de quelques semaines sur la date de naissance, la date d'entrée en France de Mme B...et la date à laquelle elle s'est séparée de son ex-époux, n'ait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de la requérante ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ;

9. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; que, dès lors, le moyen tiré de sa violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant ;

10. Considérant que le droit d'être entendu, partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de

l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

11. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la seule circonstance que le préfet de la Marne n'aurait pas expressément informé Mme B...qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, elle serait susceptible d'être contrainte de quitter le territoire français, en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder l'intéressée comme ayant été privée de son droit à être entendu ;

13. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B...n'est pas, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, fondée à exciper de l'illégalité de la décision préfectorale portant refus de séjour ;

14. Considérant, en troisième lieu, que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne fait pas par elle-même obstacle à ce que Mme B...puisse obtenir un visa pour revenir en France et y être entendue par un juge d'instruction et qu'elle puisse être assistée ou se faire représenter comme partie civile dans le cadre d'une procédure pénale ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article préliminaire, des articles 1 alinéa 2, 2 et 3 du code de procédure pénale ainsi que de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés ;

15. Considérant, en dernier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés au point 6, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la méconnaissance des dispositions de l'article 9 du code civil et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de

Mme B...doivent être écartés ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ; que la présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées par la requérante à ce titre ne peuvent également qu'être rejetées ;

D E C I D E:

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.

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N°16NC00776


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00776
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme PETON-PHILIPPOT
Avocat(s) : HAMI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-09-29;16nc00776 ?
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