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29/09/2016 | FRANCE | N°15NC02282

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2016, 15NC02282


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 février 2015 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1502038 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté du 26 février 2015, a enjoint au préfet de la Moselle

de délivrer à M. B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 février 2015 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1502038 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté du 26 février 2015, a enjoint au préfet de la Moselle de délivrer à M. B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 500 euros à verser à Me Dollé, avocat de M.B..., sous réserve que celui-ci renonce à la part contributive de l'Etat.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 novembre 2015, le préfet de la Moselle demande à la cour d'annuler le jugement n° 1502038 du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2015.

Il soutient qu'il n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que M. B...peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2016, M.B..., représenté par

MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'aucun traitement approprié à son état de santé n'existe dans son pays d'origine.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy en date du 26 mai 2016.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller ;

1. Considérant que M.B..., ressortissant kosovar, a déclaré être entré en France le 1er avril 2013 ; que, le 27 mai 2013, il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ; que, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande par une décision du 29 novembre 2013, confirmée le 19 juin 2014 par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il a sollicité le 3 juillet 2014 la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que, par un arrêté du 26 février 2015, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ; que le préfet de la Moselle relève appel du jugement du 15 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces décisions ;

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'État " ;

3. Considérant que pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet de la Moselle s'est fondé sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé de Lorraine du

8 décembre 2014 selon lequel si l'état de santé de M. B...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'extraits du registre des médicaments établi par l'Agence kosovare des médicaments et des dispositifs médicaux publié en 2014 et produits à hauteur d'appel par le préfet, que l'alprazolam, médicament prescrit à M.B..., est disponible dans son pays d'origine ; que, dès lors, l'unique attestation produite par le requérant d'un neuropsychiatre travaillant dans un centre spécialisé de Pejë (Kosovo) selon laquelle les médicaments Norset, Alprazolam et Noctamide ne seraient pas disponibles sur le marché pharmaceutique au Kosovo, au demeurant établie à la demande d'un patient, ne peut suffire à prouver que le principe actif de l'Alprazolam n'y est pas disponible ; qu'en outre, les certificats médicaux établis par le médecin-psychiatre de M. B..., dès lors qu'ils se bornent à reprendre les déclarations de l'intéressé, ne permettent pas de tenir pour établir le fait que ses troubles psychiatriques auraient pour origine des évènements traumatisants vécus dans son pays d'origine en raison de son orientation sexuelle ; que, par suite, le préfet de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 26 février 2015 par lequel il a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. B...et, par voie de conséquence, les décisions du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, le tribunal administratif de Strasbourg a relevé que l'intéressé ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif ;

Sur la décision de refus de titre de séjour :

5. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée, après avoir rappelé que la demande d'asile de M. B...a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, mentionne que l'intéressé peut, en conséquence, se voir refuser la délivrance d'un titre de séjour en application des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si le préfet n'a pas indiqué que M. B...ne remplissait pas non plus les conditions fixées par l'article L. 313-13 de ce code pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de bénéficiaire de la protection subsidiaire, cette circonstance n'est pas de nature à entacher la décision attaquée d'un défaut de motivation, le rejet de la demande par l'Office impliquant le refus d'accorder le bénéfice de cette protection ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si M. B...soutient que la décision attaquée ne précise pas les éléments de droit et de fait sur lesquels le préfet s'est fondé pour refuser son admission exceptionnelle au séjour, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est pas même allégué que le requérant aurait présenté une demande à ce titre, notamment sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ni ne s'est senti lié par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé du 8 décembre 2014 ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet de la Moselle aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de M.B... ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de séjour doit être écarté ;

10. Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision en litige, que le préfet se serait cru à tort lié par la décision de refus de titre de séjour pour édicter l'obligation de quitter le territoire français ;

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

11. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...). Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours " ;

12. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru lié par le délai de trente jours mentionné au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'aurait ainsi pas examiné, au vu des pièces dont il disposait, la possibilité d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ; que, d'autre part, la circonstance que M. B...bénéficie d'un suivi psychothérapique ne suffit pas à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation du requérant en limitant à trente jours le délai qui lui a été accordé pour son départ volontaire ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

13. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'après avoir rappelé que la demande d'asile de M. B...a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, elle précise qu'il n'est pas démontré que sa vie ou sa liberté serait menacée en cas de retour dans son pays d'origine, ni qu'il serait exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, la décision attaquée, qui comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ;

14. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que M. B..., dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 novembre 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 19 juin 2014, soutient qu'il encourt le risque de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de retour Kosovo ; que, toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il se trouverait personnellement exposé à un risque réel, direct et sérieux pour sa vie ou sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 26 février 2015 refusant de délivrer un titre de séjour à M. B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays destination ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas dans les présentes instances la partie perdante, soit condamné à verser à M. B...une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1502038 du tribunal administratif de Strasbourg du

15 octobre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande de M. B...devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.

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N° 15NC02282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02282
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: Mme PETON-PHILIPPOT
Avocat(s) : PAULHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-09-29;15nc02282 ?
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