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29/09/2016 | FRANCE | N°15NC01949

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2016, 15NC01949


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Immo Colruyt France venant aux droits de la société Codi-France a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle mise à sa charge au titre de l'année 2009 dans les rôles de la commune de Rochefort-sur-Nenon.

Par un jugement n° 1301198 du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un

mémoire, enregistrés le 9 septembre 2015 et le 19 février 2016, la SAS Immo Colruyt France, repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Immo Colruyt France venant aux droits de la société Codi-France a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle mise à sa charge au titre de l'année 2009 dans les rôles de la commune de Rochefort-sur-Nenon.

Par un jugement n° 1301198 du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 septembre 2015 et le 19 février 2016, la SAS Immo Colruyt France, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 9 juillet 2015 ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle mises à sa charge au titre de l'année 2009 dans les rôles de la commune de Rochefort-sur-Nenon ;

3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'État sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la doctrine administrative référencée 6 C-234 qualifie les entrepôts d'établissements spéciaux assimilés à des locaux commerciaux et préconise alors l'évaluation de ces établissements selon la méthode par comparaison ; ainsi, indépendamment de l'existence éventuelle de moyens techniques importants jouant un rôle prépondérant, cette doctrine réserve un traitement fiscal spécial aux entrepôts à raison de leur destination particulière ; elle s'applique à tous les entrepôts et pas seulement à ceux affectés à un usage exclusif de stockage ; les locaux en cause sont des entrepôts de stockage et non une plate-forme ;

- au demeurant, l'entrepôt de Rochefort-sur-Nenon a un caractère commercial et non un caractère industriel dès lors que les moyens techniques que la société requérante y met en oeuvre ne sont ni importants ni même nécessaires et ne jouent pas non plus un rôle prépondérant dans l'activité exercée ; les moyens techniques relevés par l'administration se rapportent principalement aux espaces dits " frais " qui représentent moins de 17% de la surface totale de l'entrepôt et plus de deux cents personnes sont affectées à une activité administrative ; enfin, la valeur des installations techniques n'excède pas la moitié de la valeur des bâtiments ;

-subsidiairement, il y a lieu de scinder l'entrepôt en unités foncières distinctes justifiant une évaluation distincte selon une méthode propre à chaque unité , en distinguant les parties " bureaux ", " sec " et " froid " ; en conséquence, seule la partie " froid " pourrait fait l'objet de la méthode d'évaluation prévue à l'article 1499 du code général des impôts ;

- l'imposition litigieuse entraîne une rupture d'égalité devant l'impôt dans la mesure où l'administration a écarté la qualification d'établissement industriel pour d'autres établissements présentant les mêmes caractéristiques que son exploitation de Rochefort-sur-Nenon et dont certains appartiennent à une société soeur relevant du même groupe fiscalement intégré ; en outre, dès lors que l'administration avait écarté la qualification d'établissement industriel pour un autre établissement appartenant à la société Immobilière Colruyt présentant les mêmes caractéristiques, cette prise de position formelle lui est opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

Par des mémoires, enregistrés le 15 décembre 2015 et le 24 mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Immo Colruyt France ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Didiot,

- et les conclusions de Mme Peton-Philippot, rapporteur public,

Sur les conclusions aux fins de décharge présentées à titre principal :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " La taxe professionnelle a pour base : 1° Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2° : a. la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A, 1518 A bis et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période (...) ". ; qu'aux termes de l'article 1469 de ce code ; alors en vigueur " La valeur locative est déterminée comme suit : 1° Pour les biens passibles d'une taxe foncière, elle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe (...) ". ; qu'aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'État (...) " ;

2. Considérant que les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont différemment définies, à l'article 1496 du code général des impôts pour ce qui est des locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice soit d'une activité salariée à domicile, soit d'une activité professionnelle non commerciale, à l'article 1498 en ce qui concerne tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496, et à l'article 1499 s'agissant des immobilisations industrielles ; que revêtent un caractère industriel, au sens de ce dernier article, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant ;

3. Considérant que la société requérante exerce, dans son établissement de Rochefort-sur-Nenon, une activité de réception, entreposage, préparation, conditionnement et expédition de marchandises vers 63 magasins de l'enseigne Colruyt et 4 centres d'éclatement en France ; qu'elle y dispose de 6 quais de livraison et que la gestion des marchandises est assurée par un logiciel informatique ; que cet établissement dispose d'une surface totale de 25 929 m², comprenant notamment un entrepôt sec, deux entrepôts froids ainsi que des locaux techniques et de charge : qu'il est équipé de 140 engins de motricité d'une valeur de 1 390 583 euros, comportant 12 gerbeurs de marque Fenwick, 25 chariots élévateurs et 103 transpalettes, le prix de revient des installations frigorifiques s'élevant par ailleurs à 3 856 000 euros ; que les 40 camions dont elle dispose par ailleurs effectuent entre une et deux livraisons quotidiennes ; qu'il résulte de ces données objectives que l'activité de cet établissement nécessite des moyens techniques importants qui jouent un rôle prépondérant dans sa réalisation ; que si la société fait valoir que les espaces de stockage réfrigérés ne représentent que 17% de la surface totale de l'établissement, cette seule circonstance ne suffit pas à remettre en cause la qualification d'établissement industriel compte tenu de l'importance des matériels de transport et de levage, lesquels sont indispensables à la manutention des produits en vue de leur distribution entre les différents magasins du groupe ; que par suite, c'est à bon droit que l'administration a retenu le caractère industriel dudit établissement au sens des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts ;

En ce qui concerne l'application des articles L 80 A et L 80 B du livre des procédures fiscales :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) " ; que l'article L. 80 B du même code dispose que : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi (...) " ;

5. Considérant que l'interprétation de la loi fiscale par l'instruction 6 C-234 porte sur la catégorie des " établissements spéciaux " entrant dans celle des " locaux commerciaux et biens divers ordinaires " ; qu'elle n'a pas pour objet la définition des critères d'identification entre les établissements industriels et commerciaux et ne comporte pas sur ce point d'interprétation formelle différente de la loi ; que la société requérante ne saurait par conséquent s'en prévaloir pour contester l'évaluation de son entrepôt selon la méthode prévue à l'article 1499 applicable aux établissements industriels ;

6. Considérant que la société Immo Colruyt France ne saurait davantage tirer argument de la position qu'aurait prise l'administration en procédant à l'évaluation de la valeur locative selon la méthode prévue à l'article 1498 d'établissements autres que celui situé à Rochefort-sur-Nenon et exploités par elle ou par une de ses filiales au titre de la cotisation foncière des entreprises due pour l'année 2012, dès lors que cette évaluation porte sur des années d'imposition différentes et sur des locaux différents ; qu'ainsi, à la supposer même établie, l'appréciation portée par l'administration sur la situation de ces autres établissements ne peut être regardée comme une interprétation de la loi ou une prise de position formelle au sens des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales dont la société requérante, nonobstant son appartenance à un groupe fiscalement intégré, pourrait elle-même se prévaloir ; que dès lors que son imposition a été établie conformément à la loi et sans méconnaître les dispositions des articles L 80 A et L 80 B précitées, la société requérante ne peut pas davantage soutenir utilement que cette évaluation porterait atteinte au principe d'égalité et au principe de sécurité juridique ;

Sur les conclusions aux fins de réduction présentées à titre subsidiaire :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 1494 du code général des impôts : " La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe d'habitation ou d'une taxe annexe établie sur les mêmes bases est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte " ; qu'aux termes de l'article 324 A de l'annexe III au même code: " Pour l'application de l'article 1494 du code général des impôts on entend : / 1° Par fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte lorsqu'ils sont situés dans un immeuble collectif ou un ensemble immobilier : b. En ce qui concerne les établissements industriels l'ensemble des sols terrains bâtiments et installations qui concourent à une même exploitation et font partie du même groupement topographique (...) " ;

8. Considérant que la société requérante soutient que l'établissement de Rochefort-sur-Nenon comporte une zone " froid " qui doit être évaluée selon une méthode distincte de celle de la zone " sec " et de celle affectée aux bureaux, au motif que seule la zone " froid " est exploitée au moyen d'un outillage important jouant un rôle prépondérant dans l'exercice de l'activité de stockage et de livraison ; que cependant, il n'est pas contesté que les locaux affectés à l'exploitation de l'activité de réception, entreposage, préparation, conditionnement et expédition de marchandises et ceux affectés à l'activité administrative sont situés sur un même site et font partie du même groupement topographique ; qu'il n'est en outre pas établi que les personnels administratifs ne participeraient pas à l'exploitation de cette activité en étant affectés à une activité distincte de celle menée dans cet établissement ; que dans ces conditions, les locaux à usage de bureaux ne peuvent être artificiellement séparés du reste des locaux et être regardés comme une fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte au sens du b du 1° de l'article 324 A de l'annexe III au code général des impôts ; que par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le service aurait dû faire application des dispositions précitées pour procéder à l'évaluation de la valeur locative de la zone " sec " de l'installation ainsi que celle de la partie administrative du site ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Immo Colruyt France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle mise à sa charge au titre de l'année 2009 dans les rôles de la commune de Rochefort-sur-Nenon ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la société requérante une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Immo Colruyt France venant aux droits de la société Codi-France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Immo Colruyt France venant aux droits de la société Codi-France et au ministre de l'économie et des finances.

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N° 15NC01949


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01949
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-03-04-04 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxe professionnelle. Assiette.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Sandra DIDIOT
Rapporteur public ?: Mme PETON-PHILIPPOT
Avocat(s) : DU PARC CURTIL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-09-29;15nc01949 ?
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