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29/09/2016 | FRANCE | N°15NC01743

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2016, 15NC01743


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2014 par lequel le préfet du Doubs a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 1401905 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 août

2015 et un mémoire complémentaire enregistré le 1er octobre 2015, M.B..., représenté par Me Bertin, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2014 par lequel le préfet du Doubs a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 1401905 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2015 et un mémoire complémentaire enregistré le 1er octobre 2015, M.B..., représenté par Me Bertin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 19 mars 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 19 septembre 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, avec remise sous huit jours d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, à titre subsidiaire, de lui délivrer, sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de son droit au séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros à verser à Me Bertin sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière en raison du caractère incomplet de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé qui ne comporte aucune mention quant à sa possibilité de voyager ;

- en s'écartant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet a pris une décision contraire à l'esprit des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a ainsi commis une erreur de droit ;

- la décision portant refus de titre méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'aucun traitement approprié à son état de santé n'existe dans son pays d'origine et que le préfet n'a pas examiné sa capacité à voyager ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2015, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la décision n'est pas intervenue au terme d'une procédure irrégulière dès lors que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé a estimé que M. B...ne disposait pas de traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ;

- il n'a commis aucune erreur de droit en s'écartant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé pour considérer que l'intéressé disposait d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- c'est à bon droit qu'il a considéré que l'intéressé disposait d'un traitement approprié au Sri Lanka ;

- la décision portant refus de titre de séjour ne méconnaît ni les stipulations de

l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination n'est pas contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du président du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 25 juin 2015.

Par ordonnance du 30 décembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au

13 janvier 2016.

Un mémoire présenté pour M. B...a été enregistré le 30 août 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller.

1. Considérant que M.B..., né le 8 octobre 1993 et de nationalité sri-lankaise, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 2 février 2010 afin de rejoindre son oncle et sa tante et d'y solliciter le statut de réfugié ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 avril 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 17 octobre 2013 ; qu'après l'annulation par le tribunal administratif de Besançon d'un premier arrêté du 12 décembre 2013 portant refus de délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet du Doubs a examiné la demande de titre de séjour présentée par M. B...à raison de son état de santé ; que, par un arrêté du 19 septembre 2014, le préfet du Doubs a pris un nouvel arrêté refusant de délivrer un titre de séjour à M.B..., l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit ; que, par un jugement du 19 mars 2015, dont l'intéressé relève appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) " ;

3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; qu'ainsi, la charge de la preuve de la disponibilité du traitement médical ne pèse pas sur l'administration, pas plus qu'elle ne pèse sur l'étranger, dès lors que s'applique en la matière le régime de la preuve objective ;

4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ;

5. Considérant que, par un avis du 25 mars 2014 dont M. B...se prévaut, le médecin de l'agence régionale de santé de Franche-Comté a estimé que l'état de santé de ce dernier nécessitait, au vu de son dossier, une prise en charge médicale d'une durée de douze mois, dont le défaut pouvait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine, le Sri Lanka, pour sa prise en charge médicale ; que, pour estimer que M. B... pouvait bénéficier de soins appropriés au Sri Lanka, le préfet, qui ne conteste pas que l'état de santé du requérant nécessite des soins dont le défaut de prise en charge pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, s'est borné à se fonder sur les éléments d'information contenus dans deux courriers électroniques des 15 et 16 septembre 2014 émanant d'un fonctionnaire de l'ambassade de France au Sri Lanka et aux Maldives retranscrivant de façon indirecte l'avis d'un premier médecin, dont la spécialité n'est pas même précisée, selon lequel il existerait un traitement possible au Sri Lanka pour la pathologie que présente l'intéressé, soit une thrombose veineuse cérébrale du sinus longitudinal supérieur et du sinus transversal et sigmoïde ainsi que de la jugulaire interne à droite qui nécessite un traitement anticoagulant, ainsi que l'avis d'un second médecin selon lequel les pathologies présentées par l'intéressé sont " opérables " et " traitables " au Sri Lanka, y compris lorsqu'elles se traduisent par un accident vasculaire cérébral (AVC), hormis dans le secteur public ; que dans les termes généraux et indirects dans lesquels ils sont rédigés, alors que l'état de santé de l'intéressé suscite des interrogations sur la capacité de l'intéressé à voyager sans risque vers son pays d'origine et que celui-ci produit des certificats médicaux selon lesquels un suivi régulier à la fois endovasculaire et neurologique est indispensable à l'intéressé, les courriers électroniques émanant de l'ambassade de France au Sri Lanka produits par le préfet ne peuvent par eux-mêmes suffire à établir l'existence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que, dès lors, M. B... est fondé à soutenir qu'en rejetant sa demande de titre de séjour, le préfet du Doubs a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 19 septembre 2014 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique seulement que la demande de M. B... soit réexaminée ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, durant cette période d'instruction, M. B...sera muni d'une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que

Me Bertin, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Me Bertin de la somme de 1 500 euros ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1401905 du tribunal administratif de Besançon du

19 mars 2015, ainsi que l'arrêté du préfet du Doubs du 19 septembre 2014 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M.B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de procéder au réexamen de la demande de M. B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen.

Article 3 : L'Etat versera à Me Bertin une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bertin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.

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N° 15NC01743


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01743
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: Mme PETON-PHILIPPOT
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-09-29;15nc01743 ?
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