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29/09/2016 | FRANCE | N°15NC01371

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2016, 15NC01371


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Perspectives d'Avenir Expertise Comptable d'Alsace (PAECA) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 ainsi que des pénalités dont ces droits ont été assortis.

Par un jugement n° 1105436 du 21 avril 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

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Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin 2015 et 1er avril 2016, la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Perspectives d'Avenir Expertise Comptable d'Alsace (PAECA) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 ainsi que des pénalités dont ces droits ont été assortis.

Par un jugement n° 1105436 du 21 avril 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin 2015 et 1er avril 2016, la SARL PAECA, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration fiscale devait l'informer, avant l'envoi de la seconde proposition de rectification, par un courrier spécifique du maintien de son intention de l'imposer ;

- elle a été privée des garanties attachées à la procédure de répression des abus de droit alors que le vérificateur a écarté comme fictifs les contrats de travail de MM. C...etB... ;

- l'évaluation des cessions de clientèles ne repose pas sur des éléments de comparaison intrinsèquement similaires ;

- l'administration fiscale ne justifie pas de la mauvaise foi du contribuable ; les pénalités de 40 % sont en conséquence injustifiées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Etienvre ;

- et les conclusions de Mme Peton-Philippot.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Perspectives d'Avenir Expertise Comptable d'Alsace (PAECA), qui exerce une activité d'expertise comptable, a fait l'objet, en 2009, d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le vérificateur a estimé que la cession de clientèle faite, sans contrepartie financière, par la société à responsabilité limitée (SARL) Gestion Et Expertise-Comptable d'Alsace (GEECA), par actes du 2 août et du 30 septembre 2007, avait été réalisée pour un prix délibérément minoré par les parties ; que la valeur vénale des clientèles ainsi cédée a été fixée par le vérificateur à 287 000 euros ; que cette somme a été regardée comme une libéralité réintégrée dans les résultats imposables de la SARL PAECA sur le fondement de l'article 38.1 du code général des impôts ; que la SARL PAECA en a été informée par proposition de rectification du 22 juin 2009 ; que la cotisation d'impôt sur les sociétés en résultant a été mise en recouvrement le 22 décembre 2009 avant de faire l'objet d'un dégrèvement le 22 juillet 2010 ; que le service a notifié à la SARL PAECA une seconde proposition de rectification le 25 août 2010 ; que la société a présenté des observations auxquelles l'administration a répondu en ramenant le montant de 287 000 euros à 187 000 euros ; que la SARL PAECA a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été en conséquence assujettie au titre de l'année 2008 et mise en recouvrement le 24 janvier 2011 ; que le tribunal a, après avoir fait droit à la demande de l'administration fiscale tendant à ce que l'article 38-2 du code général des impôts soit substitué à l'article 38-1 du même code, rejeté cette demande par jugement du 21 avril 2015 dont la SARL PAECA relève appel ;

Sur les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions du livre des procédures fiscales relatives tant à la procédure de redressement contradictoire qu'aux procédures d'imposition d'office, et, en particulier de celles des articles L. 57 et suivants et de l'article L. 75 de ce livre, qu'après avoir prononcé le dégrèvement d'une imposition, l'administration ne peut établir, sur les mêmes bases, une nouvelle imposition sans avoir, préalablement, informé le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir prononcé, le 22 juillet 2010, le dégrèvement de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la SARL PAECA avait été assujettie sur les bases de la rectification notifiée par proposition du 22 juin 2009, l'administration fiscale a informé la société de la persistance de son intention de l'imposer, en raison de la libéralité consentie par la SARL GEECA, celle-ci étant toutefois désormais évaluée à 187 000 euros, par la notification, le 25 août 2010, d'une nouvelle proposition de rectification présentée comme annulant et remplaçant celle du 22 juin 2009 ; que si la société requérante soutient que le service aurait dû faire précéder cette seconde proposition de rectification d'un courrier d'information spécifique, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne mettait une telle obligation à la charge de l'administration fiscale ; que par suite ledit moyen doit être écarté ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement " ;

5. Considérant que, comme l'ont indiqué les premiers juges, l'administration fiscale n'a aucunement écarté comme fictifs les avenants aux contrats de travail conclus entre MM. C... et B...et la SARL GEECA ; qu'elle a simplement estimé que ces contrats n'étaient pas de nature à justifier le principe d'une cession des clientèles à titre gratuit dès lors que, notamment, les deux salariés n'étaient pas propriétaires de ces clientèles et que les conventions des 2 août et 30 septembre 2007 conclues entre la SARL GEECA et la SARL PAECA ne mettaient aucune obligation de reprise des deux contrats de travail à la charge de la SARL PAECA ; que, dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale l'a irrégulièrement privée des garanties inhérentes à la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'impôt :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 38.2 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés " ; que selon l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : (...) b. Pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale (...) " ;

7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dernières dispositions que, dans le cas où l'acquisition d'une immobilisation a été volontairement effectuée à titre gratuit par les parties pour dissimuler une libéralité faite par le vendeur à l'acquéreur, l'administration est fondée à comptabiliser l'immobilisation pour sa valeur vénale, augmentant ainsi l'actif net de l'acquéreur, l'acquisition faite à titre gratuit correspondant, au demeurant, si le vendeur est une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés, à un revenu distribué imposable entre les mains de l'acquéreur en vertu du c) de l'article 111 du code général des impôts ;

8. Considérant, d'autre part, qu'il incombe, en principe, à l'administration fiscale d'apporter la preuve qu'un contribuable a cédé un élément d'actif à un prix inférieur à sa valeur vénale ;

9. Considérant que, pour fixer la valeur réelle de la clientèle cédée par la société GEECA à la société requérante, le vérificateur a appliqué au chiffre d'affaires généré par cette clientèle un ratio de 90 % obtenu à partir de la comparaison de sept conventions de présentation de clientèles conclues l'année précédente à Schiltigheim et à Saverne ; que cette opération a permis de fixer la valeur de la clientèle ainsi cédée à 187 000 euros ;

10. Considérant que la société requérante conteste l'évaluation de la clientèle suivie par M.B..., salarié de la SARL GEECA à 90 000 euros et celle de la clientèle suivie par M. C..., salarié de la même société, à 97 000 euros à partir notamment de ratios relatifs à des cessions de clientèles dont l'exploitation ne comporte pas un niveau de rémunération identique à celui de MM. C...etB..., salariés employés par elle à compter du 1er octobre 2007 ; qu'elle soutient que la valeur de ces clientèles était égale à zéro dès lors que la SARL GEECA s'était engagée à ne céder celles-ci qu'à une société qui reprendrait les contrats de travail des deux salariés, aux mêmes conditions de rémunération ou à défaut à indemniser lesdits salariés ;

11. Considérant toutefois, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction et notamment des deux conventions de présentation de clientèle des 2 août et 30 septembre 2007 que les cessions de clientèle aient été accordées par la SARL GEECA à la SARL PAECA à la condition que cette dernière s'engage à reprendre les contrats de travail de MM. C...etB... ; que dans ces conditions, aucune charge ne pouvait être retenue en diminution de la valeur de la clientèle cédée ; que la société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que les conventions de présentation retenues comme termes de comparaison ne seraient pas intrinsèquement similaires, au motif qu'elles ne seraient pas assorties de charges ; que faute, d'autre part, pour la société requérante de produire, en appel pas plus qu'en première instance, d'éléments justifiant un intérêt propre du cessionnaire à réaliser l'opération à ce prix, la transaction litigieuse intervenue à un prix minoré, entre deux sociétés exerçant la même activité et comptant des associés communs, doit être réputée constituer un avantage consenti sans contrepartie au bénéfice de la société cessionnaire ; que l'administration établit que l'acquisition par la SARL PAECA de la clientèle confiée à MM. B...et C...a été volontairement effectuée à titre gratuit par les parties pour dissimuler une libéralité faite par le vendeur à l'acquéreur ; qu'elle était dès lors fondée à comptabiliser cette clientèle, qui constitue un élément incorporel du fonds commercial de la SARL PAECA qui l'exploite, à l'actif du bilan de ladite société pour sa valeur vénale, d'un montant de 187 000 euros, et à imposer la société sur la base d'un produit d'égal montant pour l'exercice clos en 2008 ;

En ce qui concerne les pénalités :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré " ; qu'aux termes de l' article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ;

13. Considérant que pour écarter le moyen tiré de ce que l'administration fiscale n'apportait pas la preuve de la mauvaise foi de la société requérante, le tribunal a considéré que l'administration a fait valoir que la SARL PAECA a acquis sans aucune contrepartie financière la clientèle de la SARL GEECA et que, compte tenu, d'une part , de l'importance de la sous-évaluation en cause, révélée notamment par le rapport de gérance de la SARL GEECA présenté à l'assemblée générale ordinaire du 31 mars 2008 et estimant à un montant de 200 000 euros la clientèle cédée, et, d'autre part, de la nature de l'activité exercée par la société requérante, qui exploite un cabinet d'expertise-comptable, la société requérante ne pouvait ignorer que le prix convenu était inférieur à la valeur de cette clientèle et que ce montant aurait dû être pris en compte dans ses éléments d'actif ; qu'ainsi, les faits relevés par le service traduisent en l'espèce la volonté délibérée, de la part de la société requérante, d'éluder une partie de l'impôt dû ; qu'en se bornant en appel à soutenir qu'elle n'a fait que tirer les conséquences économiques des contrats de travail des deux salariés et que la valeur des clientèles ne pouvait être appréciée qu'au vu de ces contrats de travail, la SARL PAECA ne conteste pas le bien-fondé des motifs retenus à bon droit par les premiers juges et qu'il convient d'adopter ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL PAECA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la SARL PAECA demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL PAECA est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL PAECA et au ministre de l'économie et des finances.

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N° 15NC01371


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