La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2016 | FRANCE | N°14NC01211

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2016, 14NC01211


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du Pays de Pont-à-Mousson, aux droits de laquelle est venue la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson, a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner conjointement et solidairemment M.D..., M.B..., la société AC Ingénierie Lorraine, venant aux droits du BET SFERE Lorraine, la société Fluid Concept, la société Bureau Veritas, la société Sutter, la société par actions simplifiée (SAS) Snidaro, la société auxerroise des établissements Bonhauser Molin

ari (ABM), la société Setea et la société GDF-Suez Cofely à lui payer diverses som...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du Pays de Pont-à-Mousson, aux droits de laquelle est venue la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson, a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner conjointement et solidairemment M.D..., M.B..., la société AC Ingénierie Lorraine, venant aux droits du BET SFERE Lorraine, la société Fluid Concept, la société Bureau Veritas, la société Sutter, la société par actions simplifiée (SAS) Snidaro, la société auxerroise des établissements Bonhauser Molinari (ABM), la société Setea et la société GDF-Suez Cofely à lui payer diverses sommes en réparation des désordres apparus à la suite des travaux d'extension et de réhabilitation de la piscine communautaire et des préjudices y afférents ainsi que de mettre à leur charge les frais d'expertise qu'elle avait avancés.

Par jugement n° 1000002 du 22 avril 2014, le tribunal administratif de Nancy a condamné :

Au titre des désordres affectant les plages et du préjudice financier :

- conjointement et solidairement M.D..., la société AC Ingénierie, la société bureau Veritas et la société Snidaro à payer à la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson la somme de 161 039,40 euros, les parties devant se garantir mutuellement à concurrence respective de 55 %, 20 %, 15 % et 10 %.

Au titre des désordres affectant les goulottes du petit bassin :

- la société Snidaro à payer à la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson la somme de 6 264 euros.

Au titre de divers autres chefs de préjudice :

- la société AC Ingénierie à payer à la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson la somme de 132 350,71 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 25 juin 2014, 19 mai et 18 juillet 2016, la société Snidaro, représentée par Me Manhouli, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 avril 2014 du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre ;

2°) de condamner la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson à lui payer la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Au titre des désordres affectant les plages :

- la cause principale des désordres réside dans l'absence d'étanchéité sous carrelage ;

- elle a averti le maître d'oeuvre du risque que comportait la suppression de la couche d'imperméabilisation ;

- elle a proposé une solution alternative respectant les règles de l'art qui a été rejetée en raison de son surcoût ;

- elle a été contrainte d'adopter une autre solution devant le refus de celle qu'elle avait préconisée ;

- elle ne pouvait pas refuser d'exécuter ces travaux de sorte que sa responsabilité ne pouvait être retenue ;

- elle a parfaitement satisfait à son obligation de conseil ;

- l'avis n° 38 délivré le 16 juillet 2003 démontre que la société Bureau Veritas a non seulement considéré que l'étanchéité des plages relevait de sa mission, mais surtout qu'il n'a émis aucune réserve quant aux documents transmis ;

Au titre des désordres affectant les goulottes du petit bassin :

- les désordres ont pour origine une incompatibilité du produit de nettoyage avec la résine d'étanchéité ;

- elle a communiqué, en temps utile, au maître d'ouvrage l'ensemble des éléments nécessaires à l'entretien des éléments qu'elle avait installés ;

- il appartient à la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson de prouver l'existence d'une faute de sa part conformément aux exigences de la responsabilité contractuelle ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu sa responsabilité à hauteur de 60 % dans la survenance de ces désordres alors que la responsabilité pleine et entière de la communauté de communes résulte des pièces du dossier ;

Au titre du préjudice de perte d'exploitation :

- l'annulation du jugement sur les deux chefs de préjudices retenus emporte l'annulation de sa condamnation solidaire au titre du préjudice né de la fermeture de la piscine pendant le temps des travaux de reprise ;

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 février 2015, 23 mai et 15 juillet 2016, la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Snidaro ;

2°) de rejeter l'appel incident de la société Bureau Veritas et toutes ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes écritures ;

3°) de déclarer recevable et bien fondé son appel provoqué à l'encontre de M.D..., la société AC Ingénierie Lorraine et la société Bureau Veritas ;

4°) de condamner conjointement et solidairement M.D..., la société AC Ingénierie Lorraine, la société Bureau Veritas et la société Snidaro, sur le fondement de la garantie décennale, à lui payer la somme de 133 958,00 euros hors taxes en réparation des désordres affectant l'étanchéité des plages et de 10 440 euros au titre de la réparation des désordres affectant les goulottes et regards de vidange ;

5°) de condamner la société Snidaro, ainsi que tout succombant définitif à lui verser une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

A titre principal :

En ce qui concerne les désordres affectant les plages :

- l'entrepreneur est tenu à une obligation de résultat dans le cadre de l'exécution de son marché et à une obligation de conseil ;

- la solution d'imperméabilisation mise en oeuvre et qui est à l'origine des désordres a été préconisée par l'entreprise Snidaro ;

- cette société a proposé une variante économique non satisfaisante et non comprise dans le CCTP et a accepté de la mettre en oeuvre en toute connaissance de cause ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la responsabilité de l'entreprise Snidaro ;

- les conclusions de l'expert invalident techniquement l'argumentaire du Bureau Veritas ;

- il existe un lien étroit de causalité entre la mission de la société Bureau Veritas et les désordres qui portent atteinte à la solidité de l'ouvrage ;

- l'étanchéité adhérente au support béton des plages fait partie du clos et du couvert ;

En ce qui concerne les désordres affectant les goulottes du petit bassin :

- les recommandations concernant les produits lessiviels recommandés ou proscrits par les fournisseurs ainsi que la notice d'entretien des carrelages ne lui ont été remises par la société Snidaro que le 8 octobre 2004 alors que la piscine a ouvert ses portes au public le 2 août 2004 ;

- les produits de nettoyage qu'elle a utilisés sont, contrairement à ce que soutient l'expert, de nature classique et couramment utilisés pour l'entretien des piscines ;

- aucune faute ne saurait lui être imputable et la société Snidaro, qui était parfaitement informée de la date d'ouverture de la piscine, aurait dû veiller à attirer son attention sur la spécificité des matériaux et de l'entretien à mettre en oeuvre ;

- l'expert ne disposait d'aucun élément dans le dossier permettant de démontrer que la mise en oeuvre de l'étanchéité avait été réalisée de manière correcte par la société Snidaro ;

A titre subsidiaire :

En ce qui concerne les désordres affectant les plages :

- si la cour décidait de faire droit, même partiellement aux demandes de la société Snidaro, cette décision aurait pour effet d'aggraver sa situation, elle est donc recevable à interjeter appel provoqué pour préserver ses droits ;

- la satisfaction, même partielle des demandes de la société Snidaro conduira la cour à procéder à un nouveau partage de responsabilité ;

- elle demande à être exonérée de toute responsabilité en ce qui concerne les désordres affectant le défaut d'étanchéité des plages ;

- la circonstance qu'elle disposait d'un service technique ne saurait suffire à retenir à son encontre une part de responsabilité ;

- l'expert a retenu que les désordres affectant le défaut d'étanchéité des plages étaient constitutifs à plusieurs erreurs commises par la maîtrise d'oeuvre, l'entreprise en charge du lot gros oeuvre et du bureau de contrôle technique ;

En ce qui concerne les désordres affectant les goulottes du petit bassin :

- si la cour devait faire droit à la demande de la société Snidaro, cela ne pourrait être que de façon partielle ;

- l'absence de production des documents par la société Snidaro et l'inertie du maître d'oeuvre ont incontestablement concouru à la survenance des désordres.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2016, la société Bureau Veritas, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée in solidum avec la société Snidaro, M. D...et la société AC ingénierie à payer à la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson la somme de 152 172,12 euros toutes taxes comprises et 8 237,28 euros au titre de la réparation de ces désordres et du préjudice lié à cette réparation, et en ce qu'il a mis à sa charge au profit de cette dernière une somme de 4 000 euros en règlement des frais d'expertise et de

1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de débouter la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson, de même que tout autre partie de toutes leurs demandes dirigées à son encontre ;

3°) de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité conjointe et solidaire de la société Snidaro, de M. D...et de la société AC Ingénierie dans la survenance des désordres, en ce qu'il a laissé à la charge du maître de l'ouvrage une part de responsabilité de 5 % et en ce qu'il a fixé la quote-part de sa responsabilité à 15 % ;

4°) de condamner in solidum la société Snidaro, M. D...et la société AC Ingénierie à le relever et le garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au titre de la réparation des désordres dans les proportions retenues par le tribunal ;

5°) de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a prononcé aucune condamnation à son encontre au titre de la réparation des désordres affectant l'étanchéité des goulottes ;

6°) de débouter la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson, de même que toute autre partie, de toutes leurs demandes dirigées à son encontre au titre de la réparation des désordres affectant l'étanchéité des goulottes ;

7°) de condamner in solidum la société Snidaro, M. D...et la société AC Ingénierie à la relever et la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au titre de la réparation des désordres affectant l'étanchéité des goulottes ;

8°) de condamner la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson à lui payer une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le contrôleur technique exécute sa mission en donnant de simples avis au maître d'ouvrage, celui-ci ne disposant d'aucun moyen de coercition pour s'assurer des suites qui y sont données par ce dernier ;

- la présomption de responsabilité édictée par l'article 1792 du code civil ne pèse sur le contrôleur technique que dans les limites de la mission qu'il a reçue ;

- l'action de la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson relative aux désordres affectant l'étanchéité des plages du grand bassin et des goulottes ne pouvait être fondée sur la garantie décennale dans la mesure où elle a refusé de réceptionner le lot n° 9 confié à l'entreprise Snidaro ;

- il convient, pour engager sa responsabilité, de rapporter la preuve que lesdits désordres seraient en rapport avec la mission qui lui a été confiée ou qu'ils trouveraient leur origine dans un ouvrage soumis à son contrôle, ce qui n'est pas le cas ;

- le fait que la société Snidaro lui ait transmis un dossier technique n'implique en aucune manière que la vérification des éléments de ce dossier relevait de sa mission ;

- elle s'est abstenue de tout avis technique sur le document intitulé " localisation de la prestation étanchéité (variante) " ;

Par un mémoire, enregistré le 30 mai 2016, la société AC Ingénierie, représentée par

MeE..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Snidaro ;

2°) de rejeter l'appel provoqué de la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson ;

3°) de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a retenu une part de responsabilité de 5 % de la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson au titre des désordres relatifs à l'étanchéité des plages ;

4°) de condamner la société Snidaro, la société Bureau Veritas et la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson à la garantir des condamnations susceptibles d'intervenir à son encontre dans les proportions retenues par la cour et, à minima, dans les proportions du rapport d'expertise ;

5°) de condamner la société Snidaro, la société Bureau Veritas et la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson à lui verser la somme de 5 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'exécution du lot carrelage par la société Snidaro figure parmi les causes d'apparition des désordres ;

- la société Snidaro ayant mis en oeuvre une solution inadaptée à l'ouvrage doit répondre de son fait ;

- la société Snidaro a commis un manquement grave à son obligation de résultat et il n'appartenait pas au maître d'oeuvre de se substituer à un étanchéiste défaillant ;

- les premiers juges n'ont retenu à l'encontre de la société AC Ingénierie aucune part de responsabilité dans les désordres affectant l'étanchéité des goulottes ;

- il était de l'essence même de la mission confiée au Bureau Veritas de se préoccuper des défauts d'étanchéité et de l'insuffisance de traitement des points singuliers ;

- il appartient au contrôleur technique, dans le cadre d'une mission LP, de prévenir les aléas techniques découlant du défaut d'application des textes techniques à caractère réglementaire ou normatif ;

- le Bureau Veritas avait également la mission contractuelle de vérification de solidité des ouvrages existants ;

- la part de responsabilité du Bureau Veritas est nécessairement supérieure à 30 % ;

- le maître d'ouvrage a également une part de responsabilité dans la survenance des désordres affectant l'étanchéité des plages ;

- les représentants des services techniques de la communauté de communes auraient dû émettre toutes réserves utiles.

Par lettre du 25 juillet 2016, adressée sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la cour a informé les parties qu'elle était susceptible de soulever d'office des moyens d'ordre publics auxquelles a répondu, le 11 août 2016, la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Etienvre,

- les conclusions de Mme Peton-Philippot, rapporteur public,

- et les observations de Me Manhouli, avocat représentant la société Snidaro et de Me Coissard, avocat, substituant Me C...représentant la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson.

1. Considérant que, dans le cadre des travaux d'extension et de réhabilitation de la piscine communautaire, la communauté de communes du Pays de Pont-à-Mousson, aux droits de laquelle est venue la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson, a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour un marché réparti en vingt-et-un lots ; que, par acte d'engagement du 15 octobre 1999, la maitrise d'oeuvre a été confiée à un groupement solidaire constitué de M.D..., architecte de conception, de M.B..., architecte d'exécution, de la société SFERE Lorraine, bureau d'études tous corps d'état, aux droits de laquelle est venue la société AC Ingénierie et de la société Fluid Concept, bureau d'études spécialisé en matière de fluides ; que le lot n° 9 " Carrelage " a été attribué à la société Snidaro et le contrôle technique à la société Bureau Veritas ; que la réception des travaux a été prononcée le 22 juillet 2004 pour l'ensemble des lots, à l'exception du lot 9 pour lequel elle est intervenue le 16 octobre 2009 avec effet au 29 novembre 2008 ; que postérieurement à l'ouverture au public de la piscine, le 2 août 2004, des désordres sont apparus ; que, par ordonnance du 11 mai 2005, le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a, à la demande de la communauté de communes du Pays de Pont-à-Mousson, prescrit une expertise aux fins de décrire ces désordres, déterminer la date de leur apparition, leur origine et les remèdes à y apporter ainsi que d'en chiffrer le coût ; que l'expert ainsi désigné a rendu son rapport le 29 février 2008 ; que la société Snidaro relève appel du jugement du 22 avril 2014 en tant que le tribunal administratif de Nancy l'a condamnée, sur le fondement de la garantie décennale, à payer à la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson, d'une part, la somme de 6 264 euros toutes taxes comprises au titre des désordres affectant les goulottes du petit bassin et, d'autre part, conjointement et solidairement avec M.D..., la société AC Ingénierie et la société bureau Veritas, la somme de 161 039,40 euros toutes taxes comprises au titre des désordres affectant l'étanchéité des plages et du préjudice dû à la fermeture de la piscine pendant les travaux de réfection du lot 9 ; que, par la voie de conclusions d'appel incident et provoqué, la société Bureau Veritas demande la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée in solidum avec la société Snidaro, M. D...et la société AC Ingénierie à payer à la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson les sommes de 152 172,12 euros et 8 327,28 euros toutes taxes comprises au titre des désordres affectant les plages et du préjudice lié à leur réparation, et en tant qu'il a mis à sa charge au profit de la communauté de communes une somme de 4 000 euros au titre des frais d'expertise ; que la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson demande, également, par la voie de conclusions d'appel provoqué, la prise en charge intégrale des désordres affectant les plages par la société AC Ingénierie, M. D...et la société Bureau Veritas ; qu'enfin, la société AC Ingénierie demande aussi, par la voie de conclusions d'appel incident et provoqué, la prise en charge de ces mêmes désordres par la société Snidaro, M. D...et la société Bureau Veritas ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne les désordres affectant l'étanchéité des plages des bassins :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les désordres affectant les plages des bassins et leurs conséquences ont pour origine l'infiltration des eaux chlorées au travers des bétons des plages non revêtus du fait, d'une part, de l'absence d'une véritable étanchéité sous carrelage et, d'autre part, d'un manque de détail d'étanchéité au droit des points singuliers insuffisamment protégés ; que les premiers juges ont estimé que la communauté de communes du Pays de Pont-à-Mousson avait contribué par sa faute à la réalisation du dommage en acceptant la solution d'une étanchéité partielle et a laissé à sa charge 5 % des conséquences dommageables des désordres et ont condamné solidairement, sur le fondement de la garantie décennale, M.D..., mandataire du groupement de maîtrise d'oeuvre, en charge de la conception, le BET AC ingénierie, membre du groupement de maîtrise d'oeuvre, en charge du gros oeuvre, le bureau de contrôle Veritas et la société Snidaro à lui payer la somme de 161 039,40 euros ; qu'ils ont estimé que chacun de ces constructeurs avaient contribué, par leurs fautes respectives, à ces désordres à hauteur de 55 % pour M.D..., 20 % pour la société AC Ingénierie, 15 % pour la société Bureau Veritas et 10 % pour la société Snidaro ;

S'agissant de la mise en oeuvre de la solidarité :

3. Considérant qu'il résulte des principes, qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs, que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ; que le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables ;

4. Considérant que comme il vient d'être dit au point 2, les désordres litigieux ont pour origine des défauts d'étanchéité des carrelages des plages des bassins ; qu'ils sont dès lors imputables à la société Snidaro, qui a réalisé personnellement les travaux dont elle avait la charge dans le cadre de l'attribution du lot n° 9 " Carrelages " ; que celle-ci, qui ne peut ni se placer, comme elle le fait, sur le terrain de la responsabilité contractuelle qui a été écartée par les premiers juges ni faire valoir qu'elle n'a pas manqué à son devoir de conseil vis-à-vis du maître de l'ouvrage pour demander d'être exonérée, n'est, en conséquence, pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a déclarée responsable solidairement de ces désordres avec M.D..., la société AC Ingénierie et la société bureau Veritas ;

S'agissant de la part de responsabilité de la société Snidaro :

5. Considérant que si la société Snidaro a effectivement fait savoir au maître d'ouvrage, par un courrier du 25 juin 2003, que le système d'imperméabilisation prévu au cahier des clauses techniques particulières du marché, pour lequel elle s'est portée candidate, n'était finalement pas applicable sur des bétons existants et si elle a formulé, à titre de variante, la proposition d'assurer une véritable étanchéité sous carrelage que le maître d'ouvrage n'a pas retenue en raison du coût supplémentaire de 9 320 euros hors taxes en découlant, il résulte cependant de l'instruction qu'elle a, également, proposé à cette occasion, une solution alternative d'étanchéité partielle dont elle n'ignorait pas qu'elle n'était pas satisfaisante techniquement sans informer plus précisément le maître d'ouvrage des risques encourus ; qu'en formulant une telle proposition, avant toute prise de position du maître d'ouvrage sur la solution envisagée pour assurer l'étanchéité totale, la société Snidaro, entreprise spécialisée, qui n'a formulé aucune réserve formelle lorsqu'il lui a été demandé de réaliser les travaux d'étanchéité dans les conditions qu'elle avait proposées à titre alternatif, a commis une faute qui a contribué à l'apparition des désordres en litige ; qu'en estimant que la société Snidaro était responsable de ces désordres à hauteur de 10 %, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur d'appréciation ; que, par suite, la société Snidaro n'est pas fondée à demander la réformation du jugement attaqué sur ce point ;

En ce qui concerne les désordres affectant les goulottes du petit bassin :

6. Considérant que la société Snidaro, qui a été déclarée par le tribunal responsable à hauteur de 60 % de ces désordres, a été condamnée à payer à ce titre à la communauté de communes du Bassin de Pont-à-Mousson, responsable pour sa part à hauteur de 40 %, la somme de 6 264 euros ; que, pour demander l'annulation de l'article 6 du jugement attaqué par lequel elle a été ainsi condamnée, la société requérante soutient que l'engagement de sa responsabilité contractuelle exige que la preuve d'une faute dans l'exécution de ses obligations soit apportée par la communauté de communes ;

7. Considérant toutefois que, comme l'ont relevé les premiers juges, la demande de la communauté de communes n'a été enregistrée au greffe du tribunal administratif que le 4 janvier 2010 alors que la réception du lot n° 9 a été prononcée sans réserve le 16 octobre 2009, avec effet au 29 novembre 2008 et que le décompte général et définitif de ce lot est intervenu postérieurement à la réception des ouvrages ; que le tribunal en a déduit à juste titre que la responsabilité contractuelle de la société Snidaro ne pouvait plus être invoquée ; que celle-ci n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le régime de responsabilité applicable pour ce chef de préjudice serait celui de la responsabilité contractuelle ;

8. Considérant qu'il résulte, par ailleurs, de l'instruction, et, en particulier, du rapport d'expertise, que la quasi-totalité des étanchéités de type Triletex (N) mises en oeuvre dans les goulottes, regards et caniveaux n'adhéraient plus au support béton ; que ces désordres ont pour origine, d'une part, l'absence d'une correcte mise en oeuvre, par la société Snidaro, de cette étanchéité laquelle nécessitait une préparation particulière des supports dont aucun élément du dossier ne permet d'établir qu'elle a été respectée et, d'autre part, un excès de chlore dans les premiers temps de l'installation en raison de l'emploi d'un produit de nettoyage par le maître d'ouvrage incompatible avec la résine d'étanchéité et l'utilisation, au début de la mise en fonctionnement, d'un matériel à haute pression ; qu'il n'est pas contesté que la société Snidaro n'a communiqué au maître d'ouvrage les informations nécessaires à un entretien adapté des carrelages que le 8 octobre 2004 alors que la piscine a été ouverte au public le 2 août précédent ; que, contrairement à ce que soutient l'entreprise, qui ne pouvait ignorer la date de cette ouverture, en participant aux réunions de chantier, ou qui du moins devait s'en enquérir en temps utile pour satisfaire à ses obligations, les stipulations contractuelles de l'article 1.5.4 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot 9, qui prévoyaient, notamment, la remise au maître d'ouvrage d'une notice d'entretien des carrelages définissant les produits à utiliser avec les machines de ce dernier et prescrivant l'usage de certains produits, ne sauraient être entendues comme obligeant l'entrepreneur à remettre ces documents seulement à la date où le maître d'ouvrage les réclame, mais impliquaient la communication de cette notice préalablement à la mise en service effective de l'ouvrage ; que, dès lors, la société Snidaro n'est pas fondée à soutenir que sa responsabilité ne peut être engagée sur le fondement des principes évoqués au point 3 ; que la circonstance qu'elle n'aurait pas commis de faute n'est pas de nature à l'exonérer de la responsabilité encourue à ce titre vis-à-vis du maître d'ouvrage ; que, par suite, elle n'est fondée, par les moyens invoqués, à soutenir ni que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu sa responsabilité ni que, compte tenu des fautes retenues à l'encontre du maître de l'ouvrage, le tribunal a commis une erreur d'appréciation en estimant qu'elle était responsable à hauteur de 60 % ;

En ce qui concerne le préjudice d'exploitation :

9. Considérant que les conclusions de la société Snidaro tendant à la réformation du jugement la condamnant au titre des désordres susévoqués étant rejetées, celles concernant la réformation du jugement attaqué la condamnant solidairement au titre du préjudice de perte d'exploitation subi par la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson pendant la période de réfection de la piscine, qui est une conséquence directe des désordres affectant les plages, ne peuvent qu'être également rejetées ;

Sur les conclusions d'appel incident de la société Bureau Veritas :

10. Considérant que la société Bureau Veritas demande la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée solidairement avec M.D..., la société AC Ingénierie et la société Snidaro au titre des désordres affectant les plages ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation dans sa version applicable au litige : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. / Il intervient à la demande du maître d'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personne. " ; qu'aux termes de l'article L. 111-24 du même code : " Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 2270 du même code reproduit à l'article L. 111-20 " ; qu'aux termes de l'article R.111-40 : " Au cours de la phase de conception, le contrôleur technique procède à l'examen critique de l'ensemble des dispositions techniques du projet. / Pendant la période d'exécution des travaux, il s'assure notamment que les vérifications techniques qui incombent à chacun des constructeurs énumérés à l'article 1792-1 (1°)du code civil s'effectuent de manière satisfaisante " ;

12. Considérant qu'il ressort de l'acte d'engagement conclu entre la communauté de communes du Pays de Pont-à-Mousson et la société Bureau Veritas que les missions confiées à celle-ci portaient notamment sur le domaine suivant : " LP " relatif à la solidité des ouvrages et éléments d'équipements dissociables et indissociables portant sur le domaine d'intervention défini dans les modalités spéciales de la mission et que ces missions porteraient, notamment, sur la phase de contrôle du chantier des ouvrages et éléments d'équipement ; que l'objet de cette mission " LP " est ainsi défini : " Les aléas techniques à la prévention desquels le contrôleur technique contribue (...) sont ceux qui, découlant des défauts dans l'application des textes techniques à caractère réglementaire ou normatif, sont susceptibles de compromettre la solidité de la construction achevée ou celle des ouvrages et éléments d'équipement dissociables ou indissociables qui la constituent " ; que, comme il a été dit précédemment, les désordres litigieux ont pour origine l'absence d'une véritable étanchéité sous carrelage des plages et un manque de détail d'étanchéité au droit des points singuliers insuffisamment protégés ; qu'il n'est pas contesté que ces désordres portent atteinte à la solidité de l'ouvrage, du fait de la détérioration des bétons, l'oxydation et la corrosion des armatures de béton armé et le rendent impropre à sa destination ; que l'étanchéité sous carrelage ne peut être dissociée des éléments d'équipement dissociables ou indissociables qui constituent l'ouvrage ayant fait l'objet de la convention de contrôle technique dès lors qu'elle constitue une nécessité lorsque les plages de la piscine recouvrent des locaux nobles ou techniques ; que la mission " LP " portait, notamment, sur la phase de contrôle sur chantier des ouvrages et éléments d'équipement ; qu'il n'est pas contesté que le Bureau Veritas a été amené à se prononcer sur des documents d'exécution, relatifs aux questions d'étanchéité, fournis par la société Snidaro ; qu'en ne faisant pas état, dans le cadre de sa mission, d'une quelconque difficulté en rapport avec la mise en oeuvre du procédé d'étanchéité proposé, la société Bureau Veritas doit être regardée comme ayant contribué à la survenance des désordres litigieux ; qu'en la condamnant à assumer une part correspondant à 15 % du coût de la réparation des désordres mis à la charge des constructeurs, les premiers juges n'ont pas fait une appréciation inexacte de la responsabilité encourue par celle-ci ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Bureau Veritas, par la voie de l'appel incident, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a retenu sa responsabilité solidaire au titre des désordres affectant les plages et a fixé à 15 % sa part de responsabilité ;

Sur les conclusions d'appel incident de la société AC Ingénierie :

14. Considérant que la société AC Ingénierie conteste la part de 20 % de responsabilité mise à sa charge dans la réparation des désordres affectant les plages ; qu'il est toutefois, d'une part, sans incidence que sa responsabilité n'ait pas été retenue pour les désordres affectant l'étanchéité des goulottes ; qu'eu égard, d'autre part, à la faute commise par la société Snidaro et la propre faute qu'elle a commise, dans le cadre de la mission qui lui était dévolue en sa qualité de membre du groupement de maîtrise d'oeuvre, laquelle lui imposait, comme l'a indiqué le tribunal, non de se substituer au titulaire du lot " Carrelages ", mais d'informer, en tant que bureau d'études chargé du gros oeuvre, l'architecte des obligations pesant en matière d'étanchéité à propos notamment des dalles en béton des plages du bassin de la piscine, elle n'est pas fondée à demander, par la voie de l'appel incident, que la part de responsabilité de la société Snidaro dans l'apparition de ces désordres soit accrue et que celle qui lui a été imputée soit diminuée en conséquence ;

Sur les conclusions d'appel provoqué de la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson, de la société Bureau Veritas et de la société AC Ingénierie :

15. Considérant que le rejet de la requête de la société Snidaro et des conclusions d'appel incident présentées par la société Bureau Veritas et la société AC Ingénierie n'aggravant pas la situation de la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson, de la société Bureau Veritas et de la société AC Ingenierie, les conclusions d'appel provoqué que ces constructeurs présentent sont irrecevables ;

Sur les frais d'expertise :

16. Considérant qu'il y a lieu de laisser les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 41 340,04 euros, à la charge de la société AC Ingénierie, de M.D..., de la société Fluid Concept, de la société Bureau Veritas, de la société ABM , de la société Snidaro, de la société Setea et de la société Sutter à concurrence respectivement de 16 340,40 euros, 10 000 euros, 4 000 euros,

4 000 euros, 2 000 euros, 2 000 euros, 2 000 euros et 1 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient accueillies les conclusions présentées par la société Snidaro, celles présentées par la société Bureau Veritas et par la société AC Ingénierie ainsi que celles dirigées par la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson contre les autres constructeurs ; qu'il n'y a, par ailleurs, pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Snidaro le versement de la somme demandée par la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Snidaro est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident présentées respectivement par la société Bureau Veritas et la société AC Ingénierie ainsi que les conclusions d'appel provoqué présentées respectivement par la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson, la société Bureau Veritas et la société AC Ingénierie sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Snidaro, à la communauté de communes du bassin de Pont-à-Mousson, à la société Bureau Veritas, à la société AC Ingénierie et à M.D....

''

''

''

''

2

14NC01211


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01211
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme PETON-PHILIPPOT
Avocat(s) : MANHOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-09-29;14nc01211 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award