Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Eurométropole de Strasbourg, venant aux droits de la communauté urbaine de Strasbourg, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la société Soderef à lui verser la somme de 86 152,20 euros en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait des erreurs affectant les plans d'exécution des travaux de réaménagement des rues Loucheur, Hoepffner, Schulmeister, Normandie et Picardie situées à Strasbourg.
Par un jugement n° 1202001 du 12 mars 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 avril 2015 et 13 avril 2016, l'Eurométropole de Strasbourg, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 mars 2015 ;
2°) de condamner la société Soderef à lui verser la somme de 86 152,20 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des erreurs affectant les plans d'exécution des travaux de réaménagement des rues Loucheur, Hoepffner, Schulmeister, Normandie et Picardie situées à Strasbourg, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2012 ;
3°) de mettre à la charge de la société Soderef la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société Soderef, maître d'oeuvre, a commis une erreur de conception des plans d'exécution des travaux qui ont conduit à une mauvaise implantation de l'ouvrage projeté ainsi qu'à des travaux supplémentaires ;
- l'implantation topographique par le maître de l'ouvrage consistait en une simple matérialisation sur le terrain des limites telles que définies dans les plans d'exécution réalisés par la maîtrise d'oeuvre, or ces plans étaient erronés ;
- dans le cadre de sa mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination du chantier, la société Soderef aurait dû comparer les plans qu'elle avait produits avec ceux prévus pour la construction, afin de pouvoir constater les incohérences d'implantations ;
- la société Soderef a manqué à ses missions de contrôle et de suivi dès lors qu'elle n'a pas vérifié la faisabilité et la réalité des travaux effectués.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 avril 2016 et le 28 avril 2016, la société Soderef, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que la société Tekton architecture la garantisse de toute condamnation à hauteur de 80 % ;
3°) de condamner l'Eurométropole de Strasbourg aux dépens ;
4°) de mettre à la charge de l'Eurométropole de Strasbourg une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les plans d'exécution n'ont pas vocation à déterminer l'implantation des ouvrages, mais seulement à être utilisés par les entrepreneurs chargés des travaux et ne comportent ni les limites de propriété ni une quelconque cote pour situer les ouvrages neufs par rapport aux existants ;
- la communauté urbaine de Strasbourg avait en charge l'implantation de l'ouvrage et son contrôle ;
- aucune erreur de coordination ou de contrôle interne ne saurait lui être reprochée, le plan d'exécution qu'elle a fourni n'étant pas à l'origine de l'erreur d'implantation des points polygonaux qui a conduit au décalage entre les limites des domaines publics et privés ;
- à titre subsidiaire, en cas de responsabilité de la société Soderef, l'erreur de conception des plans trouve son origine dans ceux fournis par la société Tekton architecture et validés par la communauté urbaine de Strasbourg ; la part de responsabilité de la société devra ainsi être limitée à 20 %.
Par des mémoires en défense enregistrés le 1er avril 2016 et le 12 avril 2016, la société Tekton architecture, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de rejeter l'appel en garantie formé à son encontre par la société Soderef ;
3°) de condamner la société Soderef aux dépens ;
4°) de mettre à la charge de la société Soderef une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les plans qu'elle avait en charge d'établir étaient exempts de toute erreur ;
- les plans qu'elle a rédigés au stade de l'avant projet comportaient deux variantes, chacune mentionnant une limite de propriété différente du fait de l'absence de fichier géomètre de référence ;
- il appartenait à la société Soderef conjointement avec le maître de l'ouvrage au stade du projet définitif de définir les limites réelles de propriété.
Par ordonnance du 15 avril 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 28 avril 2016.
Un mémoire présenté pour l'Eurométropole de Strasbourg a été enregistré le 2 août 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la société Tekton architecture.
1. Considérant que par un acte d'engagement du 20 mai 2010, la communauté urbaine de Strasbourg, devenue Eurométropole de Strasbourg, a confié à un groupement composé de la société Soderef, mandataire, et de la société Tekton architecture, la mission de maîtrise d'oeuvre des travaux de réaménagement des rues Loucheur, Hoepffner, Schulmeister, Normandie et Picardie situées à Strasbourg ; que la réalisation des travaux de voirie a été confiée à la société Eurovia par un acte d'engagement du 25 mai 2011 ; que ces travaux, démarrés le 5 septembre 2011, ont été suspendus le 10 octobre 2011, dès lors qu'il est apparu que l'emprise des travaux rue Loucheur excédait les parcelles d'assiette, empiétant ainsi sur une largeur d'environ 50 cm sur une propriété appartenant à l'office public de l'habitat de la communauté urbaine de Strasbourg ; qu'après modification de l'implantation de la voie, les travaux ont repris le 14 novembre 2011 ; que l'Eurométropole de Strasbourg a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation de la société Soderef à lui verser une somme de 86 152,20 euros en remboursement des travaux supplémentaires rendus nécessaires par la modification de l'implantation de la rue Loucheur ; que par un jugement du 12 mars 2015, dont l'Eurométropole de Strasbourg relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des stipulations de l'article 1er du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché concernant la phase études que les coordonnées en x/y correspondant à l'emprise de la voie en largeur et en longueur sont fournies au titulaire du marché de maîtrise d'oeuvre et que les coordonnées en z, correspondant à la profondeur altimétrique de la voie, sont relevées par le maître d'oeuvre et transmises au maître de l'ouvrage ; que le même article du CCTP stipule s'agissant des implantations en phase travaux que : " - Les implantations, sur le terrain, des points polygonaux seront réalisés par les services du Maître d'ouvrage. / - Toutes les autres implantations, y compris celles nécessaires aux gestionnaires de réseaux, sont à la charge des entreprises. / Le Maître d'oeuvre contrôle ces autres implantations et rend compte au Maître C... sur leurs conformités par rapport aux plans validés (...) " ; que l'annexe 4 du CCTP du marché relative à l'implantation stipule, s'agissant de la planimétrie des aménagements urbains, que : " Les points principaux de l'ouvrage devront être implantés à partir des points polygonaux, fournis par le Maître C... soit par intersection, soit par rayonnement (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les plans établis par la société Soderef au titre de sa mission d'études d'exécution ne correspondaient pas aux limites réelles du terrain concerné, rue Loucheur, un empiètement de 52 centimètres de la voie ayant été constaté sur la propriété de l'office public de l'habitat de la communauté urbaine de Strasbourg ; que l'Eurométropole de Strasbourg soutient que les travaux supplémentaires réalisés pour reprendre l'aménagement de la voirie à la suite de cette erreur sont imputables à la maîtrise d'oeuvre dès lors que le maître de l'ouvrage s'est fondé sur les plans d'exécution établis par la société Soderef pour réaliser les implantations sur le terrain des points polygonaux ; qu'il résulte de l'instruction que la société Tekton architecture, au stade de l'avant projet, a établi aux mois de juillet et août 2010 deux variantes d'aménagement de la rue Loucheur, en raison de l'absence de fichier géomètre de référence déterminant l'implantation exacte des limites de propriété des différents aménageurs intervenant sur cette zone ; que la société Soderef a établi ses plans sur la base de la variante 1 qui mentionnait les profondeurs altimétriques à respecter par l'entreprise titulaire des travaux (coordonnées en z) mais ne comportait pas les données relatives l'emprise de la voie en largeur et en longueur (coordonnées en x/y) ; qu'il résulte des stipulations précitées de l'article 1er du CCTP que la communauté urbaine de Strasbourg devait, en phase études, fournir les coordonnées en x/y à la maîtrise d'oeuvre et, en phase travaux, implanter sur le terrain les points polygonaux en se fondant sur ses propres plans sans que le maître d'oeuvre n'ait à assurer le contrôle de ces implantations ; qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la communauté urbaine de Strasbourg s'est fondée sur les plans de la société Soderef pour procéder à l'implantation des points polygonaux sans avoir préalablement fourni au maître d'oeuvre les coordonnées en x/y et qu'il n'appartenait pas à la société Soderef de contrôler cette implantation réalisée sous la seule responsabilité du maître de l'ouvrage ; que, par suite, aucune erreur de conception ne saurait être retenue à l'encontre de la société Soderef ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que si la communauté urbaine de Strasbourg soutient que la société Soderef a manqué à ses obligations de contrôle interne et de coordination dès lors qu'elle n'a pas procédé à la comparaison de ses plans avec ceux des autres aménageurs et notamment ceux de l'office public de l'habitat de la communauté urbaine de Strasbourg, il résulte des stipulations précitées de l'article 1er du CCTP qu'il appartenait au seul maître de l'ouvrage de procéder à l'implantation des points polygonaux et d'en assurer le contrôle ;
5. Considérant, en dernier lieu, que les travaux de voirie ayant été suspendus seulement un mois après leur début à la suite de la découverte de l'erreur d'implantation, aucune méconnaissance de l'obligation de suivi des travaux ne saurait être retenue à l'encontre de la société Soderef ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Eurométropole de Strasbourg n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'indemnisation au titre des travaux supplémentaires ;
Sur l'appel en garantie :
7. Considérant qu'aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre de la société Soderef par le présent arrêt, son appel en garantie est dépourvu d'objet ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Soderef, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les dépens ainsi que le versement de la somme que la société Tekton architecture demande sur le fondement de ces dispositions ; que pour le même motif, les conclusions présentées par l'Eurométropole de Strasbourg au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Eurométropole de Strasbourg une somme de 1 500 euros à verser à la société Soderef sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'Eurométropole de Strasbourg est rejetée.
Article 2 : L'Eurométropole de Strasbourg versera à la société Soderef une somme de 1 500 (mille-cinq-cents) euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la société Tekton architecture présentées sur le fondement des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Eurométropole de Strasbourg, à la société Soderef et à la société Tekton architecture.
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N° 15NC00750