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27/09/2016 | FRANCE | N°15NC00568

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 27 septembre 2016, 15NC00568


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Allevard Rejna Autosuspensions a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 27 novembre 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a déclaré Mme C...apte au poste de " zippage/étiquetage ".

Par un jugement n° 1300169 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 26 mars 2015 et le 10 avril 2015, la société Alleva

rd Rejna Autosuspensions, représentée par la SELARL Christian Benoit, demande à la cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Allevard Rejna Autosuspensions a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 27 novembre 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a déclaré Mme C...apte au poste de " zippage/étiquetage ".

Par un jugement n° 1300169 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 26 mars 2015 et le 10 avril 2015, la société Allevard Rejna Autosuspensions, représentée par la SELARL Christian Benoit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 3 février 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 27 novembre 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a déclaré Mme C...apte au poste de " zippage/étiquetage ", confirmée par décision du ministre chargé du travail du 28 mars 2013 ;

3°) de condamner l'Etat à lui rembourser l'intégralité des salaires versés à Mme C...depuis le 27 novembre 2012, chiffrés à 72 000,98 euros au mois de mars 2015 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 27 novembre 2012 a été signée par une autorité incompétente ;

- il n'est pas établi que Mme C...a envoyé son recours à l'inspecteur du travail par lettre recommandée avec accusé de réception ;

- l'inspecteur n'a pas rendu sa décision dans le délai de deux mois prévu par l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 ;

- l'inspecteur du travail a eu une appréciation erronée de l'aptitude de MmeC..., en totale contradiction avec le rapport de l'expert judiciaire ;

- l'inspecteur a pris sa décision pour des motifs d'opportunité et l'a ainsi entachée de détournement de pouvoir ;

- la société rémunère Mme C...depuis le mois d'octobre 2012 alors même que la salariée est dispensée d'exécuter sa prestation pour des raisons de sécurité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2015, Mme D...C..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Allevard Rejna Autosuspensions sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les conclusions indemnitaires présentées pour la première fois en appel sont irrecevables et que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du ministre confirmant la décision de l'inspecteur du travail et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à rembourser à la société requérante les salaires versés à MmeC....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public.

1. Considérant que Mme C...a été embauchée par la société Allevard Rejna Autosuspensions en 2003 en qualité d'opératrice de production ; que l'intéressée ayant été victime de douleurs au niveau du dos et de la poitrine apparues le 28 juin 2012 sur son lieu de travail, elle a été placée en arrêt de travail ; qu'à l'issue d'une visite de reprise organisée en juillet 2012, le médecin du travail a rendu un avis d'aptitude assorti d'importantes restrictions ; qu'à la suite d'une visite de l'entreprise le 31 juillet 2012, le médecin du travail a rendu un nouvel avis, daté du 30 août 2012, par lequel il a conclu que Mme C...était inapte au poste occupé, puis, le 17 septembre 2012, qu'elle était inapte à tout poste ; que Mme C...a formé un recours contre l'avis du 17 septembre 2012 devant l'inspecteur du travail qui, par une décision du 27 novembre 2012 a réformé l'avis d'inaptitude totale en une inaptitude partielle au poste ; que cette décision a été confirmée, sur recours hiérarchique de l'employeur, par une décision du ministre du travail du 28 mars 2013 ; que la société Allevard Rejna Autosuspensions relève appel du jugement du 3 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 novembre 2012 ;

Sur la recevabilité :

2. Considérant que la société Allevard Rejna Autosuspensions demande l'annulation de la décision du ministre chargé du travail du 28 mars 2013 et la condamnation de l'Etat au remboursement des salaires versés à Mme C...depuis le 27 novembre 2012 ; que ces conclusions qui n'ont pas été formulées devant le tribunal administratif sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 novembre 2012 :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4624-1 dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail " ; qu'aux termes de l'article R. 4624-31 du même code : " Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé : 1° Une étude de ce poste ; 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. / Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen " ; qu'aux termes de l'article R. 4624-35 du même code : " En cas de contestation de cet avis médical par le salarié ou l'employeur, le recours est adressé dans un délai de deux mois, par lettre recommandée avec avis de réception, à l'inspecteur du travail dont relève l'entreprise. La demande énonce les motifs de la contestation " ;

4. Considérant, en premier lieu, que la décision en litige a été signée par M.B..., inspecteur du travail chargé, par une décision du 2 juillet 2012 publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Marne du 15 juillet 2012, de la section 1 des services d'inspection du travail de la Haute Marne, section qui recouvre l'arrondissement de Saint-Dizier au sein duquel se situe Fronville, siège de l'établissement disposant d'une autonomie de gestion où était affectée Mme C...; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 27 novembre 2012 doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la seule circonstance que Mme C...n'aurait pas adressé son recours à l'inspecteur du travail par lettre recommandée avec accusé de réception, contrairement aux prescriptions précitées de l'article R. 4625-35 du code du travail, n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision prise sur ce recours par l'inspecteur du travail ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions du code du travail, en cas de difficulté ou de désaccord sur les propositions formulées par le médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié à occuper son poste de travail, il appartient à l'inspecteur du travail, saisi par l'une des parties, de se prononcer définitivement sur cette aptitude ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...était employée en qualité d'opératrice " Ressorts Hélicoïdaux " et que son poste comportait deux activités, " l'emballage " et le " zippage/étiquetage " ; que, pour considérer que Mme C...était médicalement apte au poste de " zippage/étiquetage ", l'inspecteur du travail s'est fondé, d'une part, sur l'avis du médecin inspecteur régional du travail et, d'autre part, sur l'enquête contradictoire menée au sein de l'entreprise dont il est ressorti que l'activité de " zippage/étiquetage " était majoritaire dans le cadre du poste occupé par l'intéressée et qu'il existait au sein de l'entreprise d'autres postes respectant les contre-indications liées à l'état de santé de Mme C...; qu'en se bornant à reprendre les termes du rapport de l'expert désigné en référé, qui concluait à l'inaptitude de l'intéressée en raison du caractère indissociable des deux composantes du poste, sans apporter aucun élément de nature à démontrer cette indissociabilité, la société Allevard Rejna Autosuspensions n'établit pas que l'inspecteur du travail a eu une appréciation manifestement erronée de l'aptitude de Mme C... ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que la décision de l'inspecteur du travail était fondée sur l'état de santé et les activités exercées par la salariée ; que, dans ces conditions, la circonstance qu'il ait semblé considérer que le caractère professionnel de l'accident subi par Mme C...aurait dû être reconnu, n'est pas de nature à établir le détournement de pouvoir allégué ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que la décision implicite de rejet du recours exercé par Mme C...étant illégale, l'inspecteur du travail pouvait la retirer dans le délai du recours contentieux ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Allevard Rejna Autosuspensions n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-En-Champagne a rejeté sa demande ;

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Allevard Rejna Autosuspensions demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette société une somme de 1 500 euros à verser à MmeC... sur le fondement des mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Allevard Rejna Autosuspensions est rejetée.

Article 2 : La société Allevard Rejna Autosuspensions versera à Mme C...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Allevard Rejna Autosuspensions, à Mme D... C...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

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N° 15NC00568


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00568
Date de la décision : 27/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03-04 Travail et emploi. Conditions de travail. Médecine du travail.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Julie KOHLER
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : AIDAN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-09-27;15nc00568 ?
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