La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2016 | FRANCE | N°15NC02313

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 juillet 2016, 15NC02313


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, de le décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier au 31 août 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, pour un montant de 56 941 euros, et, d'autre part, de lui octroyer des intérêts moratoires à raison de l'imposition dégrevée le 18 mars 2011 pour un montant de 20 783 euros.

M. C... D...et Mme B...A...ont demandé au

même tribunal administratif de les décharger des cotisations supplémentaires d'impôt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, de le décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier au 31 août 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, pour un montant de 56 941 euros, et, d'autre part, de lui octroyer des intérêts moratoires à raison de l'imposition dégrevée le 18 mars 2011 pour un montant de 20 783 euros.

M. C... D...et Mme B...A...ont demandé au même tribunal administratif de les décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de la période du 1er septembre au 31 décembre 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, pour un montant de 12 823 euros.

Par un premier jugement n° 1101189 du 27 juin 2013, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé un non-lieu à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance, pour un montant de 1 823 euros, et rejeté le surplus de la demande de M.D....

Par un second jugement n° 1101188 du 27 juin 2013, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. D...et de MmeA....

Par deux arrêts n° 13NC01392 et n° 13NC01393 du 25 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté les appels que M. D...et Mme A...ont formé contre ces jugements.

Par deux décisions n° 384837 et n° 384788 du 12 novembre 2015, le Conseil d'Etat a annulé ces arrêts et a renvoyé les deux affaires à la cour administrative d'appel de Nancy.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 25 juillet 2013 sous le n° 15NC02312, un mémoire en réplique enregistré le 4 juin 2014, et deux mémoires enregistrés les 3 mars et 10 juin 2016, M. C... D..., représenté par MeE..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1101189 du 27 juin 2013 ;

2°) à titre principal, d'ordonner la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier au 31 août 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, et de condamner l'Etat à lui verser les intérêts moratoires dus sur la somme de 20 783 euros qui a fait l'objet d'un dégrèvement le 18 mars 2011 ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner la réduction de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que des pénalités correspondantes, après avoir réduit la base imposable de 95 658 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 35 euros correspondant à la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que la somme dégrevée de 20 783 euros lui donne droit aux intérêts moratoires en application de l'article 1153 du code civil ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en tant qu'elle omet de préciser le détail des loyers qui auraient été encaissés au moyen de virements bancaires pour un montant total de 53 895 euros ;

- il n'est pas établi que les éléments se rapportant à ces virements bancaires auraient fait l'objet d'échanges contradictoires au cours de la procédure de rectification ;

- les impositions supplémentaires mises à sa charge doivent être réduites à raison des deux dégrèvements intervenus pour des montants, respectivement, de 20 783 euros et de 1 823 euros ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il ne disposait d'aucune comptabilité probante ;

- l'administration ne pouvait reconstituer sa comptabilité sur la base des encaissements constatés dès lors qu'elle disposait de l'ensemble des éléments permettant la comptabilisation de ses opérations de loueur de locaux meublés selon la règle des créances acquises prévue au paragraphe a du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts ;

- il est fait application de cette règle pour la mise en oeuvre des articles 302 septies A et 302 septies A bis du code général des impôts et de l'article 151 septies VII du même code ;

- la base imposable à raison des créances de loyers acquises en 2008 s'élève à 71 337 euros, et non à 119 167 euros ;

- à supposer qu'une reconstitution de la base imposable sur la base des encaissements soit admise, il convient de réduire cette base d'un montant de 8 360 euros qui correspond à des loyers perçus à raison de la location de locaux nus, déjà imposés au titre des revenus fonciers ;

- il convient également de réduire la base imposable d'un montant de 33 403 euros, à raison de remises de chèques et de versements en espèces qui ne correspondent pas à des revenus professionnels ;

- il justifie de ce que ses bénéfices industriels et commerciaux doivent être réduits d'un montant de 4 717,25 euros qui correspond à un chèque établi pour le remboursement d'une opération d'achat de matériaux ;

- les intérêts de retard et les pénalités doivent être calculés sur la base des seuls droits supplémentaires mis à sa charge, en excluant de cette base les prélèvements sociaux relatifs à l'imposition de la plus-value de particuliers qu'il a initialement acquittée ;

- ces droits s'établissent à 28 817 euros et non à 37 284 euros ;

- la somme dégrevée de 20 783 euros lui ouvre droit au versement d'intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales et, subsidiairement, sur celui de l'article 1153 du code civil.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 22 janvier 2014 et le 5 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la proposition de rectification est suffisamment motivée, alors, en outre, que les virements n'ont soulevé aucune difficulté d'identification au cours de la procédure contradictoire ;

- le dégrèvement de 20 783 euros se rapporte aux impositions que le requérant a acquittées, à tort, sous le régime des plus-values de particuliers et ne saurait venir en déduction des impositions litigieuses ;

- le requérant ne saurait prétendre à des intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales dès lors que ce dégrèvement a été prononcé d'office au titre des impositions acquittées sous le régime des plus-values ;

- le contribuable ne saurait se prévaloir utilement de l'article 1153 du code civil ;

- le service ne pouvait reconstituer le montant des bénéfices imposables qu'à partir des encaissements constatés dès lors que le contribuable ne justifiait d'aucune comptabilité probante et que les créances acquises ne pouvaient être déterminées, ni à l'ouverture, ni à la clôture de l'exercice ;

- le requérant n'établit pas que le chèque de 4 717,25 euros ne correspondrait pas à un revenu professionnel ;

- les éléments qu'il produit en vue de déterminer son chiffre d'affaires en 2008 sont dépourvus de cohérence ;

- le requérant est fondé à soutenir que les loyers perçus à raison de la location de locaux nus, pour un montant de 8 360 euros, doivent venir en déduction de la base d'imposition, sous réserve que leur montant figure dans la déclaration de revenus fonciers de l'année 2008 ;

- le requérant n'apporte aucun élément de nature à justifier que les chèques et les versements en espèce représentant un montant total de 33 403 euros ne correspondraient pas à des revenus professionnels imposables ;

- les intérêts de retard et les pénalités doivent être calculés sur la base des droits supplémentaires mis à la charge du requérant pour un montant de 37 284 euros.

L'instruction a été close au 8 mars 2016 par une ordonnance en date du 19 février 2016 prise en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

L'instruction a été rouverte par une ordonnance du 3 mars 2016 prise en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative.

II. Par une requête enregistrée le 25 juillet 2013 sous le n° 15NC02313, un mémoire en réplique enregistré le 4 juin 2014, et deux mémoires enregistrés les 3 mars et 10 juin 2016, M. C... D...et Mme B...A..., représentés par MeE..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1101188 du 27 juin 2013 ;

2°) à titre principal, d'ordonner la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de la période du 1er septembre au 31 décembre 2008, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner la réduction de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que des pénalités correspondantes, après avoir réduit la base imposable de 95 658 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 35 euros correspondant à la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en tant qu'elle omet de préciser le détail des loyers qui auraient été encaissés au moyen de virements bancaires pour un montant total de 53 895 euros ;

- il n'est pas établi que les éléments se rapportant à ces virements bancaires auraient fait l'objet d'échanges contradictoires au cours de la procédure de rectification ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'ils ne disposaient d'aucune comptabilité probante ;

- l'administration ne pouvait reconstituer leur comptabilité sur la base des encaissements constatés dès lors qu'elle disposait de l'ensemble des éléments permettant la comptabilisation de leurs opérations de loueur de locaux meublés selon la règle des créances acquises prévue au paragraphe a du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts ;

- il est fait application de cette règle pour la mise en oeuvre des articles 302 septies A et 302 septies A bis du code général des impôts et de l'article 151 septies VII du même code ;

- la base imposable à raison des créances de loyers acquises en 2008 s'élève à 71 337 euros, et non à 119 167 euros ;

- à supposer qu'une reconstitution de la base imposable sur la base des encaissements soit admise, il convient de réduire cette base d'un montant de 8 360 euros qui correspond à des loyers perçus à raison de la location de locaux nus, déjà imposés au titre des revenus fonciers ;

- il convient également de réduire la base imposable d'un montant de 33 403 euros, à raison de remises de chèques et de versements en espèces qui ne correspondent pas à des revenus professionnels ;

- ils justifient que leurs bénéfices industriels et commerciaux doivent être réduits d'un montant de 4 717,25 euros qui correspond à un chèque établi pour le remboursement d'une opération d'achat de matériaux.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 22 janvier 2014 et le 5 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la proposition de rectification est suffisamment motivée, alors, en outre, que les virements n'ont soulevé aucune difficulté d'identification au cours de la procédure contradictoire ;

- le service ne pouvait reconstituer le montant des bénéfices imposables qu'à partir des encaissements constatés dès lors que les contribuables ne justifiaient d'aucune comptabilité probante et que les créances acquises ne pouvaient être déterminées, ni à l'ouverture, ni à la clôture de l'exercice ;

- les requérants n'établissent pas que le chèque de 4 717,25 euros ne correspondrait pas à un revenu professionnel ;

- les éléments qu'ils produisent en vue de déterminer leur chiffre d'affaires en 2008 sont dépourvus de cohérence ;

- les requérants sont fondés à soutenir que les loyers perçus à raison de la location de locaux nus, pour un montant de 8 360 euros, doivent venir en déduction de la base d'imposition, sous réserve que leur montant figure dans la déclaration de revenus fonciers de l'année 2008 ;

- les requérants n'apportent aucun élément de nature à justifier que les chèques et les versements en espèce représentant un montant total de 33 403 euros ne correspondraient pas à des revenus professionnels imposables.

L'instruction a été close au 8 mars 2016 par une ordonnance en date du 19 février 2016 prise en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

L'instruction a été rouverte par une ordonnance du 3 mars 2016 prise en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que M. D... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de son activité de marchand de biens et de loueur de locaux meublés au cours de l'année 2008 ; qu'à la suite de cette vérification, il a été assujetti à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de la période du 1er janvier au 31 août 2008 et, conjointement avec Mme A...à laquelle il est lié par un pacte civil de solidarité conclu le 1er septembre 2008, au titre des quatre derniers mois de l'année 2008 ; qu'après avoir vainement réclamé contre les impositions mises à sa charge et faisant état d'un dégrèvement intervenu le 18 mars 2011 pour un montant de 20 783 euros, M. D... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires et à l'octroi d'intérêts moratoires au titre de la somme dégrevée ; que M. D...et Mme A...ont également demandé au tribunal administratif de prononcer la décharge des impositions incombant à leur foyer fiscal ; que par un premier jugement du 27 juin 2013, le tribunal administratif a prononcé un non-lieu à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance au bénéfice de M.D..., pour un montant de 1 823 euros et rejeté le surplus de sa demande ; que, par un second jugement rendu le même jour, le tribunal administratif a rejeté la demande présentée au nom des deux conjoints ; que les appels formés par M. D...et Mme A... contre ces deux jugements ont été rejetés par deux arrêts de la cour administrative d'appel de Nancy du 25 juillet 2014 ; que, par deux décisions du 12 novembre 2015, le Conseil d'Etat a annulé ces arrêts et a renvoyé à la cour administrative d'appel les deux affaires, qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement n° 1101189 du 27 juin 2013 :

2. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que M. D...a réalisé deux cessions immobilières les 18 avril et 1er août 2008, dont le résultat a été initialement soumis au régime d'imposition des plus-values immobilières de particuliers ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité précitée, l'administration a imposé ces revenus dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et, après avoir mis en recouvrement le montant d'imposition résultant de cette rectification, sans en déduire les impositions précédemment acquittées pour un montant de 20 783 euros au titre des plus-values de cessions immobilières, a prononcé un dégrèvement à hauteur de cette dernière somme ; qu'il est constant que ce dégrèvement est intervenu le 18 mars 2011, antérieurement à l'introduction de la demande présentée par M. D... le 20 juin 2011 devant le tribunal administratif ;

3. Considérant, d'autre part, que l'administration a prononcé le 24 novembre 2011, postérieurement à l'introduction de la demande, un dégrèvement de 1 823 euros correspondant à une partie des pénalités et intérêts de retard mis à la charge de M. D...à la suite de la vérification de comptabilité ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en se bornant à constater qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. D...à concurrence de 1 823 euros, sans tenir compte du précédent dégrèvement, intervenu avant qu'ils ne soient saisis et se rapportant à une autre imposition, les premiers juges ne se sont pas mépris sur le montant des impositions restant en litige ;

5. Considérant, en second lieu, que dans son mémoire en réplique enregistré au greffe du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le 5 juin 2013, M. D...a soulevé le moyen, auquel le tribunal administratif n'a pas répondu, tiré de ce qu'il avait droit à des intérêts moratoires sur le fondement de l'article 1153 du code civil ; que si le tribunal administratif pouvait s'abstenir de répondre expressément à ce moyen, lequel est inopérant ainsi qu'il sera précisé plus bas, il ne l'a pas non plus mentionné dans les visas de son jugement et ne peut être regardé comme l'ayant implicitement écarté ; que, par suite, le jugement attaqué a été rendu dans des conditions irrégulières et doit être annulé en tant qu'il statue sur la demande d'intérêts moratoires ;

6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande d'intérêts moratoires présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et de statuer, par la voie de l'effet dévolutif, sur le surplus des conclusions des requêtes ;

Sur la demande de M. D...tendant au versement d'intérêts moratoires :

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (...) " ;

8. Considérant que si, dans sa réclamation préalable datée du 17 mars 2011, M. D...demande que la cotisation d'impôt sur le revenu initialement acquittée au titre des plus-values de cessions immobilières pour un montant de 20 783 euros, soit déduite des impositions mises en recouvrement à l'issue de la vérification de comptabilité, il n'est pas contesté que l'administration fiscale n'a reçu cette réclamation que le 22 mars 2011 ; que la décision de dégrever la somme de 20 783 euros a été prise par l'administrateur général des finances publiques de l'Aube le 18 mars 2011, soit à une date antérieure à celle de la réception de la réclamation du contribuable ; qu'ainsi, le dégrèvement a été prononcé d'office et ne peut donner lieu, aux termes des dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, au versement d'intérêts moratoires ;

9. Considérant, en second lieu, que les dispositions de l'article 1153 du code civil, en vertu desquelles celui qui est tenu de restituer une somme indûment reçue doit les intérêts de cette somme à compter du jour de la sommation de payer, s'appliquent, sauf disposition législative spéciale, en cas de retard pris par une personne publique à exécuter une obligation consistant dans le paiement d'une somme d'argent ; que, toutefois, le remboursement d'impôt sur le revenu entrant dans le champ des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, un contribuable ne peut utilement se prévaloir, dans cette hypothèse, des dispositions de l'article 1153 du code civil ; que, par suite, la demande de M. D...tendant au versement d'intérêts moratoires sur le fondement de l'article 1153 du code civil ne peut qu'être rejetée ;

Sur le surplus des conclusions des requêtes :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

10. Considérant, en premier lieu, que si M. D...soutient que ses relevés de comptes bancaires n'ont pas été examinés en sa présence par le vérificateur, il n'est pas contesté que l'intéressé a désigné un membre du cabinet de gestion en patrimoine Fidalis pour le représenter au cours de la vérification de comptabilité ; qu'il résulte de l'instruction que plusieurs entretiens ont eu lieu entre le vérificateur et le représentant de M. D...en vue notamment d'examiner ses relevés de comptes bancaires et de déterminer les revenus professionnels du contribuable ; que, par suite, en l'absence d'argumentaire plus précis sur ce point, le moyen tiré de ce que M. D...aurait été privé d'un débat oral et contradictoire doit être écarté ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; que selon l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une proposition de rectification, pour être régulière, doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, puis énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ;

12. Considérant que la proposition de rectification adressée le 6 juillet 2010 à M. D...indique que les recettes résultant de son activité de location de biens immobiliers ont été déterminées au vu des encaissements effectués, sur ses comptes bancaires, au moyen de virements, de remises de chèques et de dépôts en espèces ; que si l'intéressé fait valoir que cette proposition de rectification ne précise pas le détail des virements bancaires retenus pour un montant total de 53 895 euros, il résulte de l'instruction que le vérificateur s'est borné à additionner les montants des virements figurant dans les relevés de compte produits par le requérant au cours de la vérification et dont le libellé permettait de les identifier comme des versements de loyers ; que, dans ces conditions, le requérant, auquel les relevés de comptes ont été restitués au terme des opérations de contrôle, n'est pas fondé à soutenir que la proposition de rectification serait entachée d'une insuffisance de motivation qui ne lui aurait pas permis de présenter utilement ses observations ;

En ce qui concerne le bien fondé des impositions litigieuses :

13. Considérant qu'en application du dernier alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve incombe au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu ; que les requérants, qui n'ont tenu aucune comptabilité, supportent en conséquence la charge d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition fixées par l'administration ;

14. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts : " Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services (...) " ;

15. Considérant qu'il résulte de l'instruction que lors de la vérification de comptabilité de son activité de loueur professionnel et de marchand de biens, M. D...n'a produit aucun document comptable, hormis certaines pièces telles que les baux des logements offerts à la location, les relevés de ses comptes ouverts à la Banque populaire et au Crédit agricole et un relevé des loyers encaissés au cours de l'année 2008 dont l'administration a remis en cause la sincérité et l'exhaustivité ; que l'administration soutient, sans être contredite sur ce point, avoir exclu du bénéfice imposable les différés d'encaissement et les impayés ; que dès lors, eu égard tant à ce qui précède qu'au bref délai en principe observé, en matière de revenus locatifs, entre la date d'acquisition de la créance et celle de son encaissement, c'est à bon droit qu'à défaut de comptabilité probante, l'administration a retenu pour la reconstitution des bénéfices industriels et commerciaux du contribuable, une méthode fondée sur les encaissements constatés au cours de l'année 2008 alors même qu'une telle activité commerciale exige en principe une comptabilisation des créances acquises ;

16. Considérant, en deuxième lieu que l'administration a constaté lors de ses opérations de contrôle que les revenus encaissés au cours de l'année 2008 par les requérants, au titre de leur activité de location immobilière, s'établissaient à un montant de 119 167 euros, dont 53 895 euros par virements bancaires et 65 272 euros par remises de chèques et dépôts en espèces ;

17. Considérant, d'une part, que si les requérants soutiennent que le montant de leurs recettes doit être ramené à 71 337 euros au vu des baux locatifs qu'ils produisent à l'instance, le calcul qu'ils proposent à cet égard ne permet pas de contredire la reconstitution retenue par le vérificateur, en l'absence de justificatifs précis de leur part susceptibles d'expliquer, notamment, la différence entre le montant proposé et celui des encaissements dûment constatés au cours du contrôle ;

18. Considérant, d'autre part, que pour contester la prise en compte dans la base imposable d'une somme de 4 717,25 euros correspondant à un encaissement par remise de chèque, les requérants se prévalent d'une attestation émanant d'un tiers faisant état d'un remboursement à l'intéressé pour l'achat de matériaux de construction ; que toutefois, en l'absence de production de facture, ils n'établissent pas le caractère non professionnel de cette recette de 4 717,25 euros ;

19. Considérant, enfin, que les requérants soutiennent qu'une somme de 33 403 euros doit être déduite de la base imposable retenue par l'administration au titre des encaissements par chèques et des dépôts en espèces ; que toutefois, les éléments qu'ils produisent à cet égard, qui se réfèrent notamment à des remboursements de prêts amicaux ou de charges de copropriété ainsi qu'à diverses opérations de vente ne sont pas de nature à justifier du bien fondé d'une telle déduction ;

20. Considérant, en revanche, qu'il n'est pas sérieusement contesté par le ministre que les encaissements retenus par le vérificateur pour la reconstitution des recettes comprennent des loyers déclarés par ailleurs au titre des revenus fonciers de l'année 2008 pour un montant total de 8 360 euros ; qu'il résulte de l'instruction que ces loyers ont été déclarés par M. D...seul, à concurrence de 5 573 euros et par ce dernier et MmeA..., à concurrence de 2 787 euros ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à soutenir que la base imposable de M. D...doit être réduite d'un montant de 5 573 euros et que celle du foyer fiscal constitué par ce dernier et Mme A...doit l'être d'un montant de 2 787 euros ;

En ce qui concerne les intérêts et la majoration mis à la charge de M.D... :

22. Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I. - Toute somme, dont l'établissement ou le recouvrement incombe à la direction générale des impôts, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code (...) / III. - Le taux de l'intérêt de retard est de 0,40 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé (...) " ; qu'aux termes de l'article 1758 A du même code : " I. - Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue (...) " ;

23. Considérant que, pour établir l'assiette des intérêts de retard et de la majoration de 10 %, l'administration a réduit le montant des droits mis à la charge de M. D...de celui des droits précédemment acquittés, à hauteur de 12 316 euros, au titre des plus-values de cessions immobilières et dégrevés par l'avis 18 mars 2011 cité au point 2 ; que contrairement à ce que soutient le requérant, il n'y avait pas lieu pour le service de réduire cette base de calcul du montant du dégrèvement prononcé par le même avis, pour un montant de 8 467 euros, au titre des prélèvements sociaux, lesquels sont sans rapport avec l'imposition supplémentaire litigieuse ;

24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... et Mme A...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté l'ensemble de leurs demandes ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

25. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. D...et de Mme A...présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1101189 du 27 juin 2013 est annulé en tant qu'il rejette la demande d'intérêts moratoires présentée par M. D....

Article 2 : La demande présentée par M. D... tendant à ce que le dégrèvement d'un montant de 20 783 euros soit assorti des intérêts moratoires est rejetée.

Article 3 : La base imposable de M. D...au titre de l'année 2008 est réduite d'un montant de 5 573 euros et celle du foyer fiscal constitué par ce dernier et Mme A...au titre de la même année est réduite d'un montant de 2 787 euros.

Article 4 : M.D..., d'une part, et le foyer fiscal constitué par ce dernier et MmeA..., d'autre part, sont déchargés des cotisations à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, correspondant à la différence entre la base retenue par l'administration et celle résultant de l'article 3 du présent arrêt.

Article 5 : Les jugements du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1101189 et n° 1101188 du 27 juin 2013 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme B...A...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Sichler, présidente de la cour,

- Mme Dhiver, président-assesseur,

- M. Guérin-Lebacq, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 juillet 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-M. GUERIN-LEBACQLa présidente,

Signé : F. SICHLER

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

''

''

''

''

11

5

N° 15NC02312, 15NC02313


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02313
Date de la décision : 05/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Dégrèvement.

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SICHLER
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL TROYES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-07-05;15nc02313 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award