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05/07/2016 | FRANCE | N°15NC01290

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 05 juillet 2016, 15NC01290


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Richard Pascal a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 21 décembre 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision de l'inspecteur du travail du 21 septembre 2012 déclarant Mme B...E...inapte à reprendre son poste de travail au sein de l'entreprise.

Par un jugement n° 1300370 du 14 avril 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la co

ur :

Par une requête enregistrée le 12 juin 2015, la SARL Richard Pascal, représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Richard Pascal a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 21 décembre 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision de l'inspecteur du travail du 21 septembre 2012 déclarant Mme B...E...inapte à reprendre son poste de travail au sein de l'entreprise.

Par un jugement n° 1300370 du 14 avril 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juin 2015, la SARL Richard Pascal, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 14 avril 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 21 décembre 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision de l'inspecteur du travail du 21 septembre 2012 déclarant Mme B...E...inapte à reprendre son poste de travail au sein de l'entreprise ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- tant la décision de l'inspecteur du travail du 21 septembre 2012 que celle du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 21 décembre 2012 sont insuffisamment motivées en fait ;

- elle n'a eu connaissance de l'avis du médecin inspecteur régional de la santé du 17 septembre 2012 que lors de la procédure contentieuse engagée devant le tribunal administratif ; les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'ont pas été respectées ; elle n'a pas été en mesure de présenter ses observations en toute connaissance de cause ;

- les décisions sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 7 juin 2016, Mme B...E..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de la SARL Richard Pascal le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761--1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SARL Richard Pascal ne sont pas fondés.

Une mise en demeure a été adressée au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social le 17 septembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tréand, président,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour la société Richard Pascal et celles de Me D... pour MmeE....

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme E...travaillait depuis le 16 mai 2011 en qualité d'" employée toutes mains " pour la SARL Richard Pascal qui gère un hôtel-bar-restaurant sous l'enseigne " Aux amis de la route " à Pouxeux ; qu'elle a bénéficié d'un congé de maladie du 26 mars au 26 juin 2012 ; qu'après avoir rencontré Mme E... à deux reprises et s'être également rendu dans l'entreprise les 5 et 26 juin 2012, le médecin du travail a rendu, le 27 juin suivant, un avis d'aptitude à la reprise de ses fonctions ; que, par décision du 21 septembre 2012, l'inspecteur du travail de la 1ère section de l'unité territoriale des Vosges a annulé l'avis d'aptitude du 27 juin 2012 et a déclaré Mme E... inapte à reprendre son activité au sein de la SARL Richard Pascal ; que, saisi d'un recours hiérarchique, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, par une décision du 21 décembre 2012, confirmé la décision de l'inspecteur du travail du 21 septembre 2012 ; que, la SARL Richard Pascal a contesté cette dernière décision devant le tribunal administratif de Nancy ; que, par jugement du 14 avril 2015, le tribunal a rejeté les conclusions d'annulation formées par la SARL Richard Pascal dirigées tant contre la décision de l'inspecteur du travail du 21 septembre 2012 que contre celle du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 21 décembre 2012 ; que la SARL Richard Pascal relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise (...). " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 4624-1 du même code : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. " ; qu'aux termes des dispositions de l'article R. 4624-31 de ce code : " Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé : / 1° Une étude de ce poste ; / 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; / 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. " ;

3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions (...) " ;

4. Considérant que la décision de l'inspecteur du travail infirmant l'avis d'aptitude émis par le médecin du travail et déclarant Mme E...inapte à occuper son emploi au sein de la SARL Richard Pascal, n'a pas été prise sur une demande de l'employeur, mais sur recours de Mme E...; que compte tenu de la portée que lui donnent les articles L. 1226-2 et L. 1226-4-3 du code du travail, une telle décision doit être regardée comme imposant à l'employeur des sujétions dans l'exécution du contrat de travail de l'intéressée et doit être motivée en application des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

5. Considérant que la décision du 21 septembre 2012 de l'inspecteur du travail mentionne que " Mme E...décrit un certain nombre de faits précis relatifs à sa situation de travail pouvant être déstabilisants ", que " la dégradation de la santé excipée de l'enquête de Mme le docteur L [médecin inspecteur régional du travail] est bien liée à la dégradation des conditions de travail en particulier sur le plan relationnel ", que " les contrôles effectués dans l'entreprise révèlent des problèmes organisationnels et des conditions de travail contraires aux obligations de l'employeur qui doit assurer la protection de la santé physique et mentale des travailleurs conformément à l'article L. 4121 du code du travail " et que " l'état de santé de Mme E...doit être préservé et contre-indique toute activité au sein de cette entreprise " ; que la décision du ministre du 21 décembre 2012 souligne que " l'environnement de travail de Mme E...au sein de la SARL Richard Pascal entraîne chez l'intéressée une dégradation de son état psychologique et présente un risque pour sa santé ", " qu'un retour de la salariée dans l'entreprise serait préjudiciable à sa santé " et " qu'elle serait apte à un poste similaire dans une autre entreprise, dans un autre contexte professionnel " ;

6. Considérant qu'il ressort des termes précités des décisions litigieuses que l'inaptitude de Mme E...à reprendre tout poste de travail au sein de la SARL Richard Pascal est fondée sur ses conditions de travail, en particulier sur le plan relationnel, ainsi que sur des problèmes organisationnels, qui seraient à l'origine de la dégradation de son état de santé psychologique ; qu'alors qu'il résulte des dires de l'intéressée qu'étaient en cause les relations détériorées qu'elle entretenait avec son employeur, gérant de la SARL Richard Pascal, aucune des deux décisions attaquées n'indique même approximativement la teneur du contexte de travail à l'origine de l'inaptitude et la nature des faits précis qui caractérisaient un tel contexte, alors même qu'une motivation non stéréotypée ne supposait pas de divulguer des informations couvertes par le secret médical ; que si les deux décisions font référence à l'avis rendu le 17 septembre 2012 par le médecin inspecteur régional du travail, recueilli en application des dispositions précitées du dernier alinéa de l'article L. 4624-1 du code du travail, elles ne s'approprient pas ses motifs, au demeurant beaucoup trop peu circonstanciés, la notification des décisions n'ayant au surplus pas été accompagnée dudit avis ; que, par ailleurs, si la décision du 21 septembre 2012 de l'inspecteur du travail fait également référence au rapport qu'a établi M.A..., contrôleur du travail, le 30 mai 2012 après la visite des locaux de l'entreprise, ledit rapport, qui n'a pas été joint à la décision litigieuse, ne mentionne aucunement que les conditions de travail dans l'entreprise soient dégradées ; que, dans ces conditions, et bien que la SARL Richard Pascal ait, au cours de l'enquête contradictoire, contesté les allégations de MmeE..., les décisions en litige, insuffisamment motivées en fait, ne respectent pas les exigences posées par l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 et, pour ce seul motif, encourent l'annulation ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Richard Pascal est fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Richard Pascal et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme E...tendant à ce que la cour mette à la charge de la SARL Richard Pascal, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1300370 du tribunal administratif de Nancy du 14 avril 2015 est annulé.

Article 2 : La décision de l'inspecteur du travail du 21 septembre 2012 déclarant Mme B...E...inapte à reprendre son poste de travail au sein de la SARL Richard Pascal, ensemble la décision du 21 décembre 2012 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social confirmant la décision de l'inspecteur du travail, sont annulées.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Richard Pascal la somme de 1 500 (mille cinq cent) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de Mme E...tendant à ce que la cour mette à la charge de la SARL Richard Pascal le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Richard Pascal, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à Mme B...E....

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N° 15NC01290


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01290
Date de la décision : 05/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation obligatoire - Motivation obligatoire en vertu d'un texte spécial.

Travail et emploi - Conditions de travail - Médecine du travail.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : PICOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-07-05;15nc01290 ?
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