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30/06/2016 | FRANCE | N°15NC02053-15NC02054

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 30 juin 2016, 15NC02053-15NC02054


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a ordonné son maintien en rétention dans un local non pénitentiaire pour une durée de cinq jours.

Par un jugement n° 1505107 du 14 septembre 2015 le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 11 septembre 2015.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 30 septembre 2015 sous le n° 15NC02053, le préfet du Haut-Rh

in demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 septembre 2015 du tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a ordonné son maintien en rétention dans un local non pénitentiaire pour une durée de cinq jours.

Par un jugement n° 1505107 du 14 septembre 2015 le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 11 septembre 2015.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 30 septembre 2015 sous le n° 15NC02053, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 septembre 2015 du tribunal administratif de Strasbourg;

2°) de rejeter la demande de M.A....

Le préfet du Haut-Rhin soutient que :

- la demande de M. A...n'était pas recevable dès lors que l'arrêté contesté ne fait que confirmer le maintien en rétention ;

- il a présenté en première instance la copie de la signature de M. A...sur le document édité par la commission européenne qui a ainsi bénéficié d'une information suffisante et n'a pas été privé d'une garantie dès lors qu'il a pu solliciter l'asile, demande qui a été rejetée ;

- le jugement est entaché d'erreur de droit dès lors que le premier juge s'est mépris sur la teneur de la décision contestée ;

- le premier juge a, à tort, prononcé une injonction portant délivrance d'une autorisation provisoire de séjour ;

- l'arrêté contesté est suffisamment motivé ;

- le signataire de l'arrêté a reçu régulièrement délégation de signature ;

- la demande d'asile de M. A...présente un caractère dilatoire ;

- l'arrêté ne méconnait pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été présentée à M. A...qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II. Par une requête enregistrée le 30 septembre 2015 sous le n° 15NC02054, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 14 septembre 2015 du tribunal administratif de Strasbourg.

Il soutient qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier, outre l'annulation du jugement, le rejet de la demande de M. A....

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 ;

- la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...A..., né le 15 octobre 1992, de nationalité turque, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 20 octobre 2013. Le 28 octobre 2013, il a sollicité l'asile. La comparaison de ses empreintes sur la borne Eurodac a révélé qu'elles étaient identiques à celles relevées en Suisse les 14 mai 2012 et 31 juillet 2013. Le 22 novembre 2013, le préfet du Nord a pris à son encontre un arrêté de refus de séjour en application des dispositions de l'article L. 741-4 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 20 décembre 2013, le préfet du Nord a prononcé à son encontre une décision de remise aux autorités suisses, qui ont accepté sa prise en charge. M. A... a alors quitté la France irrégulièrement, pour séjourner en Suisse, en Belgique pour revenir à une date indéterminée en France.

2. Par arrêté du 27 août 2015, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Strasbourg, le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, et dans l'attente de son éloignement, l'a placé en rétention administrative. Le 1er septembre 2015, le préfet a confirmé son arrêté de placement. Par ordonnance du 1er septembre 2015, confirmée par la cour d'appel de Colmar, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Strasbourg, a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée supplémentaire de vingt jours. Le 10 septembre 2015, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile.

3. Par un arrêté du 11 septembre 2015, le préfet du Haut-Rhin a confirmé sa décision de maintien en rétention de M. A...dans un local non pénitentiaire pour une durée de cinq jours. Le préfet du Haut-Rhin relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 11 septembre 2015 ordonnant le maintien en rétention de M. A... et lui a enjoint de délivrer à M. A...une autorisation provisoire de séjour et demande par la requête enregistrée sous le numéro 15NC02054 le sursis à exécution du jugement.

4. Les requêtes du préfet du Haut-Rhin sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

5. Le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 11 septembre 2015 ordonnant le maintien en rétention de M. A...dans un local non pénitentiaire pour une durée de cinq jours au motif qu'il n'est pas établi que M. A...a reçu une information complète de ses droits dans une langue qu'il comprend, dès le début de la procédure de demande d'asile.

6. La remise du document d'information en cause doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes. Le défaut de remise de ce document ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision par laquelle le préfet statue après intervention de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Or, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a, par décision du 10 septembre 2015, rejeté la demande d'asile de M.A.... Par suite, M. A...ne peut utilement soutenir que l'arrêté du 11 septembre 2015, postérieur à la décision de l'Ofpra, est entaché d'illégalité à raison du défaut d'information préalable à sa demande d'asile. En conséquence, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a retenu ce moyen pour annuler l'arrêté attaqué.

7. Il résulte de ce qui précède que le Préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 11 septembre 2015.

7. Il y a lieu de statuer immédiatement, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres moyens présentés par M. A...devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de l'arrêté du 11 septembre 2015 :

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande :

8. En premier lieu, M. A...soutient que l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente.

9. Par arrêté du 16 mars 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet du Haut-Rhin a délégué sa signature à M. D..., chef du service de l'immigration, en l'absence de M.C..., directeur de la réglementation et des libertés publiques, à l'effet de signer tous les actes relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des arrêtés de conflit. Ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué, signé par M.D..., serait entaché du vice d'incompétence, doit être écarté.

10. En deuxième lieu, M. A...soutient que l'arrêté n'est pas suffisamment motivé.

11. L'arrêté du 11 septembre 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a confirmé le placement en rétention administrative de M.A..., pris au visa de l'article L. 511-1 1, L. 551-1, L. 551-3, L. 723-1 et L. 741-4 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelle les conditions d'entrée et de séjour de M.A..., et notamment que M. A... a fait l'objet le 27 août 2015 d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, dont la légalité a été confirmée par jugement du 31 août 2015, ainsi que le 10 septembre 2015 du rejet de sa demande d'asile est suffisamment motivé en fait et en droit. La motivation de cet arrêté qui n'est pas stéréotypée, démontre que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté manque en fait et doit être écarté.

12. En troisième lieu, M. A...soutient que le préfet a, à tort, estimé que sa demande d'asile présentait un caractère dilatoire.

13. M. A...a fait l'objet, le 22 novembre 2013 d'un refus d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile et de délivrance d'autorisation provisoire de séjour, ainsi que le 20 décembre 2013 d'une décision de remise d'un étranger aux autorités d'un état membre de l'union européenne, en l'occurrence la Suisse. Les 14 février et 3 mars 2014, il n'a pas jugé utile de se présenter aux convocations pour être réadmis en Suisse et a séjourné de manière irrégulière en France, sans entreprendre de démarches afin de formuler une demande d'asile. M. A...n'a présenté une nouvelle demande d'asile qu'après son placement en rétention administrative en vue de son éloignement. Par suite, M. A...ne peut utilement soutenir que le préfet a, à tort, estimé que sa demande d'asile présentait un caractère dilatoire.

14. En quatrième lieu, M. A...invoque le bénéfice du 5 de l'article 46 de la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013, dont le délai de transposition expirait le 20 juillet 2015, antérieurement à la date de la décision attaquée.

15. Toutefois, cette disposition a été transposée de manière générale par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, antérieurement à la décision contestée du 11 septembre 2015. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 46 de la directive 2013/32/UE ne peut être utilement invoqué dès lors que cette directive a été transposée.

16. En cinquième lieu, M. A...soutient qu'il encourt des risques à retourner dans son pays d'origine, qui est une zone de conflit, et qu'il y serait maltraité du fait de son appartenance à l'ethnie kurde.

17. M. A...n'apporte toutefois aucun élément de nature à établir qu'il se trouverait personnellement exposé à un risque réel, direct et sérieux pour sa vie ou sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.A....

18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 11 septembre 2015 portant confirmation du placement en rétention administrative de M.A....

19. La cour se prononçant par le présent arrêt sur le bien fondé du jugement du 14 septembre 2015, les conclusions du préfet du Haut-Rhin tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 15NC02054 du préfet du Haut-Rhin.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 septembre 2015 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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N° 15NC02053-15NC02054


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02053-15NC02054
Date de la décision : 30/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. FAVRET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-30;15nc02053.15nc02054 ?
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