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23/06/2016 | FRANCE | N°15NC00947

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 23 juin 2016, 15NC00947


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n°1401005 du 24 mars 2015 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mai 2015, M. et MmeC..., représentés par Me B..., demandent à la c

our :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de prononcer la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n°1401005 du 24 mars 2015 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mai 2015, M. et MmeC..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 et des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; elle s'est abstenue de communiquer l'ensemble des documents qu'elle a utilisés ;

- l'administration ne démontre pas qu'il existe une disproportion entre les fonds collectés par la SARL DTD et les investissements effectivement importés ni que les panneaux photovoltaïques ne peuvent pas fonctionner de manière autonome ;

- le rapport d'expertise du 6 mai 2011 est illégal ; dès lors, l'administration ne pouvait fonder le redressement litigieux sur ce document ;

- les sociétés en participation dont elle est l'associée ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité sauvage ; le droit de communication que l'administration fiscale a exercé auprès de la société EDF lui a permis d'éviter cette procédure ;

- l'administration fiscale aurait dû mettre en oeuvre la procédure de vérification de comptabilité des sociétés en participation avant de notifier les redressements à leurs associés ;

- l'administration a exercé irrégulièrement son droit de communication, en méconnaissance de l'article L. 83 du livre des procédures fiscales ; la société EDF lui a délivré des attestations de complaisance ;

- la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts est acquise l'année où le matériel est livré et non l'année où il est raccordé au réseau.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la procédure d'imposition est régulière ; l'administration n'est tenue de communiquer que les informations qu'elle a utilisées pour procéder au redressement ; en l'espèce, elle a communiqué les documents sur lesquels elle s'est fondée ;

- la disproportion entre les fonds collectés et la valeur des importations constatées est établie ;

- la production de courant électrique continu par un panneau photovoltaïque ne suffit pas à lui conférer un caractère productif ;

- l'administration a régulièrement obtenu la communication des informations contenues dans le dossier de demande de raccordement au réseau électrique des installations photovoltaïques ;

- l'administration n'a procédé à aucun détournement de procédure ; la proposition de rectification concerne la réduction d'impôt dont les contribuables ont bénéficié à titre personnel et non le résultat des SEP imposable entre leurs mains à hauteur de leurs droits dans cette société ;

- pour ouvrir droit à la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts, les centrales photovoltaïques doivent être livrées, installées et en mesure d'être raccordées au réseau, ce qui suppose le dépôt d'un dossier complet de demande de raccordement auprès de la société EDF et la certification par le CONSUEL de l'achèvement et de l'état de fonctionnement des installations avant le 31 décembre de l'année civile au titre de laquelle les investisseurs sollicitent le bénéfice de cette réduction d'impôt.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 14 avril 2016, M. et Mme C...concluent aux mêmes fins que la requête et demandent de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct, enregistré le 27 mai 2016, M. et Mme C...demandent à la cour de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité au principe d'égalité devant la loi fiscale et au principe d'égalité devant les charges publiques des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts en tant qu'elles déterminent le fait générateur de la réduction d'impôt sur le revenu.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martinez,

- et les conclusions de M. Di Candia, rapporteur public.

Une note en délibéré présentée par le ministre des finances et des comptes publics a été enregistrée le 3 juin 2016.

1. Considérant que M.C..., associé de plusieurs sociétés en participation, gérées par la société Dom Tom Défiscalisation (DTD), a imputé sur le montant de son impôt sur le revenu au titre des années 2010 et 2011, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, une réduction d'impôt résultant d'investissements réalisés en 2010 à La Martinique par les sociétés SEP DTD 568, 569, 570 et 573, consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à d'autres sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique ; que cette réduction d'impôt opérée au titre de l'année 2010 ainsi que le report de l'excédent de réduction sur l'année 2011 ont été remis en cause par l'administration fiscale au motif qu'en l'absence de raccordement des installations au réseau électrique géré par la société Électricité de France (EDF) à la date du 31 décembre 2010, les investissements considérés n'étaient pas éligibles au bénéfice du régime de faveur et ne pouvaient en conséquence ouvrir droit à une réduction d'impôt au titre des années litigieuses ; que M. et Mme C... relèvent appel du jugement n°1401005 du 24 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis consécutivement à ces redressements ;

Sur les conclusion à fin de décharge :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l' article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ;

3. Considérant que l'obligation ainsi faite à l'administration fiscale de tenir à la disposition du contribuable qui le demande, avant la mise en recouvrement d'impositions établies au terme d'une procédure de rectification contradictoire ou par voie d'imposition d'office, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements correspondants, sauf dans le cas où ces renseignements sont librement accessibles au public, permet au contribuable de vérifier l'authenticité de ces documents et d'en discuter la teneur ou la portée et constitue ainsi une garantie pour l'intéressé ; que cette obligation ne peut toutefois porter que sur les documents originaux ou les copies de ces documents effectivement détenus par les services fiscaux ; que, par suite, au cas notamment où les documents que le contribuable demande sont détenus non par l'administration fiscale, qui en a seulement pris connaissance dans l'exercice de son droit de communication, mais par l'autorité judiciaire, il appartient à l'administration fiscale de renvoyer l'intéressé vers cette autorité ; qu'en revanche, au cas où l'administration, dans l'exercice de son droit de communication, a pris des copies des documents détenus par un autre service, elle est tenue, en principe, de mettre l'intégralité de ces copies à la disposition du contribuable ; que, cependant, les dispositions législatives protégeant le secret professionnel, comme celles que prévoit l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, peuvent faire obstacle à la communication par l'administration à un contribuable de renseignements concernant un tiers, sans le consentement de celui-ci ou de toute personne habilitée à cet effet ; que peuvent, dès lors, être régulièrement établis des redressements fondés sur des documents dont les copies détenues par les services fiscaux n'ont été communiquées au contribuable qu'après occultation des informations couvertes par un tel secret ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification notifiée aux contribuables, que les redressements litigieux sont fondés sur le motif tiré de ce qu'aucune centrale photovoltaïque ne pouvait faire l'objet d'une exploitation effective à la date du 31 décembre 2010 ; qu'il est constant que l'administration a, pour établir ces redressements, utilisé exclusivement le procès-verbal de synthèse de la brigade de répression de la délinquance économique (BRDE) du 31 août 2011 ainsi qu'un rapport d'expertise établi le 6 mai 2011 obtenus grâce à l'exercice de son droit de communication auprès du vice-président chargé de l'instruction au tribunal de grande instance de Paris afin de prendre connaissance d'un dossier pénal en cours d'instruction ; que le service a transmis par courriel au représentant des requérants une copie du rapport intégral et annexé une copie du rapport à l'exclusion des pièces jointes à la réponse aux observations des contribuables , ceux-ci étant par ailleurs invités à venir consulter le rapport d'expertise complet dans les locaux de l'administration ; qu'en revanche, il est constant que l'administration n'a pas communiqué aux contribuables l'intégralité du procès-verbal considéré, qu'elle détenait effectivement, mais s'est bornée à en communiquer des extraits, en l'occurrence quatre pages sur vingt, en faisant valoir, sans cependant l'établir, que ces extraits correspondaient aux seuls parties du document ayant été effectivement utilisées par le vérificateur ; qu'en se bornant à alléguer qu'elle n'a pas entendu communiquer des renseignements concernant les relations d'un tiers avec l'administration judiciaire et qui sont sans intérêt sur l'appréciation de l'existence d'investissement productif, l'administration n'apporte pas d'élément permettant d'établir qu'elle se serait trouvée dans le cas où, par exception au principe de communication intégrale des documents obtenus dans le cadre du droit de communication, les dispositions régissant les secrets protégés par la loi sont susceptibles de faire obstacle à la communication de renseignements concernant un tiers sans le consentement de celui-ci ; que, dans ces conditions, les requérants, qui avaient formé une demande de communication de l'intégralité du procès-verbal dont s'agit, sont fondés à soutenir que l'administration n'a pas respecté l'obligation résultant des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales de lui communiquer, avant mise en recouvrement, la copie des documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir les impositions litigieuses ; que cette omission, qui a privé les contribuables d'une garantie, vicie la régularité de la procédure d'imposition ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 résultant de la remise en cause de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts dont ils se sont prévalus au titre des investissements réalisés en 2010 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 24 mars 2015 est annulé.

Article 2 : Il est accordé à M. et MmeC..., sur le fondement de l'article 199 undecies B du code général des impôts et pour les investissements susmentionnés réalisés en 2010, une réduction d'impôt à hauteur de 590 euros au titre de l'année 2010 et de 7 629 euros au titre de l'année 2011 à raison du report de l'excédent de réduction d'impôt.

Article 3 : M. et Mme C...sont déchargés, en conséquence des articles 1er et 2 ci-dessus, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des majorations correspondantes.

Article 4 : L'État (ministre des finances et des comptes publics) versera à M. et Mme C... une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...C...et au ministre des finances et des comptes publics.

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N°15NC00947


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00947
Date de la décision : 23/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. DI CANDIA
Avocat(s) : CABINET F.NAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-23;15nc00947 ?
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