Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 12 mars 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ainsi que la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 28 août 2012 rejetant son recours hiérarchique.
Par un jugement n° 1204607 du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les deux décisions susmentionnées.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 août 2014, la SAS Bentz Transports, représentée par Me B... de la SELARL Grimal-B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 24 juin 2014 ;
2°) de rejeter la demande de M. C... ;
3°) de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'inspecteur du travail a respecté le caractère contradictoire de l'enquête dès lors que M. C... a été mis en mesure de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur ;
- le non respect du délai prévu à l'article R. 2421-6 du code du travail n'est pas fondé et, à titre subsidiaire, il n'est assorti d'aucune sanction et n'entraîne pas la nullité de la procédure d'autorisation de licenciement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2015, M. C..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS Bentz Transports.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, il n'a commis aucun acte de nature à caractériser une faute disciplinaire et n'a fait que remplir son rôle de représentant du personnel.
La requête a été communiquée au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public.
1. Considérant que M. C..., employé depuis le 21 octobre 2002 en qualité de conducteur poids lourds par la société Henri Bentz Transports et fils, devenue le 1er mars 2009, la SAS Bentz Transports, exerçait les fonctions de délégué du personnel titulaire ; que par un courrier du 14 février 2012, la société Bentz Transports a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. C... pour motif disciplinaire ; que par une décision du 12 mars 2012, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. C... ; que cette décision a été explicitement confirmée par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social le 28 août 2012, sur recours hiérarchique formé par M. C... ; que par un jugement du 24 juin 2014, dont la société Bentz Transports relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les deux décisions susmentionnées ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal tiré de la violation l'article R. 2421-14 du code du travail :
2. Considérant qu'en vertu de l'article R. 2421-14 du code du travail, l'employeur a la faculté, en cas de faute grave, de prononcer la mise à pied immédiate d'un salarié protégé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail statuant sur la demande d'autorisation de licencier l'intéressé ; qu'en l'absence de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied ; que, si ce délai de huit jours n'est pas prescrit à peine de nullité de la procédure, il doit cependant être aussi court que possible, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 13 janvier 2012, la société Bentz Transports, envisageant de licencier M. C..., l'a convoqué à un entretien préalable et lui a notifié une mise à pied conservatoire à compter du 17 janvier 2012 ; qu'en raison du défaut de saisine de l'inspecteur du travail, la société a repris la procédure et, par un courrier du 3 février 2012, a de nouveau convoqué le salarié à un entretien préalable et lui a notifié une mise à pied conservatoire avec effet à compter du 6 février 2012 ; que par un courrier envoyé le 14 février 2012, la société Bentz Transports a alors saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licencier M. C... pour motif disciplinaire ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la fiche de paie du salarié du mois de février 2012 que M. C... a finalement été rémunéré au titre de la période de la première mise à pied conservatoire ; que dans ces conditions et notamment eu égard au maintien du salaire de l'intéressé, le délai prévu par les dispositions précitées n'a commencé à courir qu'à compter du 6 février 2012 ; que le délai de neuf jours qui s'est alors écoulé jusqu'à la saisine de l'inspecteur du travail ne saurait être regardé comme excessif et n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article R. 2421-14 du code du travail ; que, dès lors, la société Bentz Transports est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est appuyé sur ce motif pour annuler la décision du 12 mars 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. C... ainsi que la décision du 28 août 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social l'a confirmée ;
4. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C... tant en première instance qu'en appel ;
Sur les autres moyens soulevés par M. C... :
5. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 2421-11 du code du travail dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat " ;
6. Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné ; qu'il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, sans que la circonstance que le salarié soit susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation ; qu'enfin, la communication de l'ensemble de ces pièces doit intervenir avant que l'inspecteur du travail ne statue sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur, dans des conditions et des délais permettant au salarié de présenter utilement sa défense ; que c'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;
7. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail n'a pas informé M. C... de son droit à demander la communication de l'ensemble des pièces produites par son employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas allégué que certains de ces éléments auraient été de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs ; que, par suite, et alors que la circonstance que le salarié ait pu connaître de certaines de ces pièces ne saurait exonérer l'inspecteur du travail de son obligation de mettre à même le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur, M. C... a été privé de la garantie du contradictoire prévu par l'article R. 2421-11 du code du travail ; qu'ainsi, la décision de l'inspecteur du travail du 12 mars 2012 est intervenue selon une procédure irrégulière ; que le ministre saisi d'un recours hiérarchique dirigé contre cette décision était donc tenu de l'annuler et, en s'abstenant de le faire, a entaché sa décision d'illégalité ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de M. C..., les décisions de l'inspecteur du travail du 12 mars 2012 et du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 28 août 2012 doivent être annulées ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Bentz Transports n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions de l'inspecteur du travail du 12 mars 2012 et du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 28 août 2012 autorisant le licenciement de M. C... ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Bentz Transports le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Bentz Transports est rejetée.
Article 2 : La SAS Bentz Transports versera à M. C... une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me D...F..., liquidateur judiciaire de la SAS Bentz Transports, à la SAS Bentz Transports, à M. A... C...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
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N° 14NC01619