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16/06/2016 | FRANCE | N°16NC00311

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 16 juin 2016, 16NC00311


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler, d'une part, la décision du préfet du Doubs du 12 novembre 2015 refusant de l'admettre provisoirement au séjour et, d'autre part, les arrêtés du 8 janvier 2016 de cette même autorité ordonnant sa remise aux autorités espagnoles et l'assignant à résidence pour une durée de quarante cinq jours en lui imposant des conditions de présentation auprès des autorités.

Par un jugement nos 1600185, 1600186 du 5 février 2016, rendu

selon la procédure prévue par les dispositions du III de l'article L. 512-1 du code d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler, d'une part, la décision du préfet du Doubs du 12 novembre 2015 refusant de l'admettre provisoirement au séjour et, d'autre part, les arrêtés du 8 janvier 2016 de cette même autorité ordonnant sa remise aux autorités espagnoles et l'assignant à résidence pour une durée de quarante cinq jours en lui imposant des conditions de présentation auprès des autorités.

Par un jugement nos 1600185, 1600186 du 5 février 2016, rendu selon la procédure prévue par les dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a renvoyé le jugement de la demande dirigée contre la décision du 12 novembre 2015 en formation collégiale et a rejeté celle dirigée contre les arrêtés du 8 janvier 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 février 2016, MmeC..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 5 février 2016 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Doubs du 8 janvier 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs d'enregistrer sa demande visant à se voir reconnaître la qualité de réfugié.

Elle soutient que :

- l'arrêté ordonnant sa remise aux autorités espagnoles méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- son état de santé ne lui permet pas d'être éloignée à destination de l'Espagne ;

- la mesure d'assignation à résidence est disproportionnée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 avril 2016, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Rousselle a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeC..., ressortissante syrienne née le 10 janvier 1987, déclare être entrée irrégulièrement en France le 3 octobre 2015 accompagnée de ses trois enfants afin d'y solliciter la reconnaissance de la qualité réfugié ; que, par décision du

12 novembre 2015, le préfet du Doubs a refusé de l'admettre provisoirement au séjour sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par deux arrêtés du 8 janvier 2016, le préfet a ordonné sa remise aux autorités espagnoles et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante cinq jours ; que, par jugement du 5 février 2016, dont Mme C...relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ;

Sur la légalité de l'arrêté du 8 janvier 2016 décidant la remise de Mme C...aux autorités espagnoles :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant que MmeC..., qui réside seulement en France depuis le 3 octobre 2015, soutient que deux de ses enfants, nés en 2006 et 2007, y sont scolarisés et que l'état de santé de son troisième enfant nécessiterait une prise en charge médicale, ce qui n'est toutefois établi par aucun certificat médical ; que ces circonstances, ne suffisent pas à établir que la requérante serait dans l'impossibilité d'emmener avec elle ses enfants en Espagne ; qu'il n'est ni établi ni même allégué qu'ils ne pourraient pas être soignés ou scolarisés dans ce pays ; que, dans ces conditions, eu égard aux conditions et à la durée de séjour en France de l'intéressée en France, et alors même que son oncle y réside, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, il n'a pas méconnu les stipulations précitées ;

4. Considérant, en second lieu, que si Mme C...soutient qu'elle ne peut faire l'objet d'une remise aux autorités espagnoles en raison de son état de santé, le seul certificat médical qu'elle produit ne permet pas de l'établir ;

Sur la légalité de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois " ;

6. Considérant que l'assignation à résidence prévue par ces dispositions constitue une mesure alternative au placement en rétention prévu par les dispositions de l'article L. 551-1 du même code, dès lors qu'une mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable et que l'étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à celle-ci ; que, comme il vient d'être dit, la prise d'une mesure d'assignation à résidence n'étant pas subordonnée à l'existence d'un risque de fuite, le moyen tiré de son caractère disproportionné au motif de l'absence d'un tel risque est inopérant et ne peut donc qu'être écarté ;

7. Considérant, en second lieu, qu'en vertu de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie ; qu'aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) " ;

8. Considérant que l'arrêté assignant Mme C...à résidence lui impose de se présenter chaque jour à 8 heures 30, à l'exclusion des samedis, dimanches et jours fériés, au commissariat de police de Besançon ; que, dans les circonstances de l'espèce, en prescrivant ces conditions de présentation, le préfet a entaché son arrêté d'erreur d'appréciation, l'intéressée étant seule avec trois jeunes enfants ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation des conditions de présentation dont était assorti l'arrêté du 8 janvier 2016 portant assignation à résidence ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, par lequel la cour fait seulement droit aux conclusions à fin d'annulation des modalités de présentation accompagnant l'arrêté d'assignation à résidence de MmeC..., n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, qu'il soit enjoint à l'administration d'enregistrer sa demande visant à se voir reconnaître la qualité de réfugié ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction de la requérante ne peuvent qu'être rejetées

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 5 février 2016 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme C...dirigées contre les modalités de présentation accompagnant l'arrêté d'assignation à résidence du 8 janvier 2016. L'arrêté du 8 janvier 2016 portant assignation à résidence est annulé en tant qu'il contraint Mme C...à des conditions de présentation auprès des autorités.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.

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N° 16NC00311


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00311
Date de la décision : 16/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables.

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables.

Étrangers - Séjour des étrangers - Restrictions apportées au séjour - Assignation à résidence.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: Mme Pascale ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : HAKKAR

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-16;16nc00311 ?
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