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16/06/2016 | FRANCE | N°15NC02158

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 16 juin 2016, 15NC02158


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...et son épouse, Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés en date du 4 novembre 2014 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits.

Par deux jugements n° 1500291 et n° 1500292 du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs deman

des.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 22 octobre 2015 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...et son épouse, Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés en date du 4 novembre 2014 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits.

Par deux jugements n° 1500291 et n° 1500292 du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 22 octobre 2015 sous le n° 15NC02157, M. B... A..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500291 du tribunal administratif de Strasbourg du 12 mai 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 novembre 2014 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour sous les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour, intervenue alors qu'il n'avait pas reçu notification de la décision de l'OFPRA est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 13 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a été privé de la possibilité de bénéficier d'une aide pour introduire un recours devant la Cour nationale du droit d'asile ;

.- la décision faisant obligation de quitter le territoire est illégale par exception d'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est entachée d'erreur de droit, le tribunal ne s'étant pas assuré qu'il entrait dans le champ d'application des dispositions du 2° au 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'avait pas reçu notification de la décision de l'OFPRA et la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Par un mémoire en défense enregistré le 13 mai 2016, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

II. Par une requête enregistrée le 22 octobre 2015 sous le n° 15NC02158, Mme C...A..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500292 du tribunal administratif de Strasbourg du 12 mai 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 novembre 2014 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour sous les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient les mêmes moyens que ceux qui sont exposés dans la requête susvisée, enregistrée sous le n° 15NC02157.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 mai 2016, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

M. et Mme A...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 29 octobre 2015.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Rousselle a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., né le 20 avril 1976, et son épouse, née le 5 août 1979, ressortissants kosovars, sont entrés en France le 25 juin 2013, selon leurs déclarations, et ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugié ; que la consultation du fichier Eurodac a révélé que leurs empreintes digitales avaient déjà été relevées le 22 juin 2013 et le 25 juin 2013 par les autorités hongroises, l'exécution de la décision de remise aux autorités de ce pays n'ayant pas été réalisée ; que, le 30 avril 2014, M. et Mme A...ont sollicité, à nouveau, leur admission provisoire au séjour au titre de l'asile, arguant de ce que les autorités françaises seraient devenues responsables du traitement de leurs demandes en raison de l'expiration du délai de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge par les autorités hongroises ; que, par deux décisions du 21 mai 2014, le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour et a transmis leurs demandes d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en vue de leur examen selon la procédure prioritaire ; que ces demandes d'asiles ont été rejetées par décision de l'OFPRA du 4 septembre 2014 ; que, par des décisions du 4 novembre 2014, le préfet du Bas-Rhin a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que, par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. et Mme A...relèvent appel des jugements du 12 mai 2015 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés pris à leur encontre ;

Sur la régularité des jugements attaqués :

2. Considérant qu'à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français, M. et Mme A...avaient invoqué devant les premiers juges le moyen tiré de ce qu'il n'était pas établi qu'ils entraient dans le champ d'application du 2° au 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le tribunal n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant ; qu'ainsi, les jugements du tribunal administratif de Strasbourg doivent être annulés en tant qu'ils ont rejeté ces demandes ;

3. Considérant qu'il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement par voie d'évocation sur les conclusions de M. et Mme A...tendant à l'annulation des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur leurs autres demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des refus de titre de séjour :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet " ;

5. Considérant que ces dispositions font seulement obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit mise à exécution à l'encontre des intéressés avant la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, par suite, la circonstance, à la supposer établie, que la décision de l'office du 4 septembre 2014 ne leur avait pas été encore notifiée à la date de la décision leur refusant un titre de séjour, est sans influence sur la légalité de ce refus ;

6. Considérant par ailleurs que M. et Mme A...reprennent, avec la même argumentation, leur moyen de première instance tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 13 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire :

7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...n'établissent pas l'illégalité des décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour ; qu'ils ne sont par suite, pas fondés à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de leur demande tendant à l'annulation des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire ;

8. Considérant, d'autre part, que M. et Mme A...invoquent, par la voie de l'exception d'illégalité du refus du titre de séjour, le moyen tiré de ce qu'ils n'entraient pas dans le champ d'application de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes duquel : " (...) l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présente qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente " ;

9. Considérant toutefois que M. et MmeA..., que les autorités hongroises avaient accepté de reprendre en charge, se sont vus notifier, le 15 novembre 2013, des courriers du préfet les invitant à se présenter aux services de la police aux frontières dans un délai de huit jours afin d'organiser les modalités de leur départ et les informant qu'en cas de refus, ils s'exposeraient à des sanctions pénales ; qu'un second courrier leur a été notifié le 3 février 2014, leur rappelant leurs obligations et leur indiquant que s'ils n'obtempéraient pas, le préfet considèrerait qu'ils manifestaient une attitude de soustraction intentionnelle et systématique à la mesure de réadmission ; que s'ils se sont présentés régulièrement auprès des services de la préfecture entre le mois de novembre 2013 et le mois d'avril 2014, ce n'est que le 30 avril 2014, soit deux jours après l'expiration du délai de six mois au cours duquel ils pouvaient être réadmis en Hongrie, qu'ils ont sollicité une admission au séjour au titre de l'asile, en soutenant que la France étant dorénavant responsable de l'instruction d'une telle demande ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour au regard des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli ;

10. Considérant enfin qu'aux termes de l'article R. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision du directeur général de l'office sur la demande d'asile est communiquée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3 " ;

11. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'OFPRA ; qu'en l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire ; qu'en cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de l'OFPRA a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès de l'office ;

12. Considérant que M. et Mme A...soutiennent que les décisions du 4 septembre 2014 par lesquelles le directeur général de l'OFPRA a rejeté leurs demandes d'asile ne leur ont pas été notifiées ; que la production par le préfet du Bas-Rhin d'une copie d'écran de l'application informatique " telemofpra " indiquant que ces décisions ont fait l'objet d'une notification le 12 septembre 2014 ne peut pallier l'absence de preuve de la notification par voie postale prévue à l'article R. 723-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

13. Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A...ont saisi la Cour nationale du droit d'asile d'un recours à l'encontre de la décision de l'OFPRA le 10 octobre 2014, manifestant ainsi leur connaissance acquise de cette décision ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir qu'en l'absence de notification de la décision de l'OFPRA, ils bénéficiaient du droit de se maintenir en France et que, par suite, les décisions du préfet du Bas-Rhin leur faisant obligation de quitter le territoire seraient, pour ce motif, illégales ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions fixant le pays de destination :

14. Considérant qu'au soutien de leurs conclusions, M. et Mme A...reprennent, avec la même argumentation, leurs moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la violation des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens, par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des refus de titre de séjour et des décisions fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement, ni que le préfet a pris à leur encontre une décision d'obligation de quitter le territoire ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Les jugements n° 1500291 et n° 1500292 du 12 mai 2015 du tribunal administratif de Strasbourg sont annulés en tant qu'ils ont rejeté les conclusions tendant à l'annulation des décisions du 4 novembre 2014 par lesquelles le préfet du Bas-Rhin a obligé M. et Mme A...à quitter le territoire français.

Article 2 : Les demandes d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français présentées par M. et Mme A...devant le tribunal administratif de Strasbourg sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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N° 15NC02157, 15NC02158


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02158
Date de la décision : 16/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: Mme Pascale ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-16;15nc02158 ?
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