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16/06/2016 | FRANCE | N°15NC00791

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 16 juin 2016, 15NC00791


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler le titre de recettes n° 2014 T 22 émis par la région Champagne-Ardenne le 16 janvier 2014.

Par une ordonnance n° 1401887 du 19 mars 2015, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 29 avril 2015, le

7 octobre 2015 et le 19 octobre 2015, M. D... A..., représenté par Me E..., demande à la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler le titre de recettes n° 2014 T 22 émis par la région Champagne-Ardenne le 16 janvier 2014.

Par une ordonnance n° 1401887 du 19 mars 2015, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 29 avril 2015, le 7 octobre 2015 et le 19 octobre 2015, M. D... A..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 mars 2015 ;

2°) d'annuler le titre de recettes n° 2014 T 22 ;

3°) d'annuler les actes d'exécution subséquents, et notamment la notification d'opposition à tiers détenteur du 8 septembre 2014 ;

4°) d'ordonner la mainlevée de la saisie à tiers détenteur opérée le 23 octobre 2014 sur son compte et le remboursement d'une somme de 1 760 euros ;

5°) de mettre solidairement à la charge de la région Champagne-Ardenne et de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande de première instance tendait à l'annulation du titre exécutoire et ne constituait pas une opposition à poursuites ; en conséquence, c'est à tort que le premier juge a estimé que le litige était porté devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

- l'exercice des poursuites n'a pas été suspendu par l'action contentieuse engagée contre le titre exécutoire, en méconnaissance de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ; la mainlevée sera ordonnée et la somme de 1 760 euros lui sera remboursée ;

- la réalité de la créance n'est pas établie ; il n'est pas le titulaire réel du compte bancaire sur lequel la somme a été versée ; il n'a pas formulé de demande de bourse ; les documents versés par la région sont entachés de nombreuses erreurs ; il a porté plainte pour usurpation d'identité ; la région a versé les sommes litigieuses sans procéder aux vérifications d'usage.

Par des observations, enregistrées le 15 juillet 2015, le directeur régional des finances publiques de Champagne-Ardenne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- en l'absence de recours juridictionnel au moment des faits, le payeur régional a entrepris à bon droit une opposition à tiers détenteur sur les comptes bancaires du requérant, poursuite qui emporte effet attributif immédiat des sommes saisies antérieurement à l'assignation du 26 septembre 2014 ;

- le payeur régional n'est pas compétent pour se prononcer sur le bien-fondé de la créance.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 août 2015, la région Champagne-Ardenne, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du requérant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande tendant à l'annulation de l'opposition à tiers détenteur, celle-ci était portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

- le délai de recours contentieux contre le titre de recettes, que le requérant ne conteste pas avoir reçu, était alors expiré depuis plusieurs mois ; la prescription prévue par l'article R. 421-2 du code de justice administrative était acquise ;

- ses conclusions d'appel, en tant qu'elles sont dirigées contre le titre exécutoire, sont nouvelles et, par suite, irrecevables ;

- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un courrier du 19 mai 2016, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de fonder son arrêt sur deux moyens d'ordre public tirés de l'irrecevabilité des conclusions de M. A...tendant à l'annulation des actes d'exécution subséquents au titre de recettes, notamment de la notification d'opposition à tiers détenteur du 8 septembre 2014, ainsi que des conclusions tendant à ce que soit ordonnée la mainlevée de la saisie à tiers détenteur opérée le 23 octobre 2014 sur son compte et le remboursement d'une somme de 1 760 euros, ces conclusions étant nouvelles en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fuchs,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

1. Considérant que, par une ordonnance en date du 19 mars 2015, le président de la première chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a regardé la demande de M. A...comme étant dirigée contre l'opposition à tiers détenteur adressée à sa banque par la paierie générale de Champagne-Ardenne ; qu'il a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

2. Considérant toutefois qu'il résulte des termes mêmes de sa demande que M. A...a visé à plusieurs reprises le " titre exécutoire n° 2014 T 22 " en indiquant expressément qu'il s'agissait de l'objet du litige ; que, dès lors, quand bien même il aurait joint à sa requête la décision d'opposition à tiers détenteur, sa demande devait être regardée comme étant dirigée contre le titre de recette émis à son encontre par la région Champagne-Ardenne le 16 janvier 2014 sous le numéro de bordereau 5 et le numéro de titre 22, décision qui avait au demeurant été transmise en défense ; qu'ainsi, c'est à tort que le président de la première chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. A...comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que, par suite, l'ordonnance doit être annulée ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée (...) " ; que si la décision attaquée n'était pas jointe à la demande de première instance, celle-ci a été produite par l'Etat à l'appui de son mémoire en défense ; que la demande de M. A...a ainsi été régularisée et le juge administratif mis à même de statuer ; que, par suite, cette fin de non-recevoir doit être écartée ;

5. Considérant, en second lieu et d'une part, qu'aux termes du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale (...) pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire (...) " ; que, d'autre part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;

6. Considérant qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que les voies et délais de recours ont été mentionnés lors de la notification du titre de recettes contesté ; qu'il s'ensuit que les délais de recours à l'encontre de cette décision ne sont pas opposables et que la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande doit être écartée ;

Sur la recevabilité des conclusions aux fins d'annulation des " actes d'exécution subséquents " au titre de recettes contesté et tendant à ce que soit ordonnée la mainlevée de la saisie à tiers détenteur :

7. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, la demande de M. A...tendait à l'annulation du titre de recettes émis le 16 janvier 2014 ; que ses conclusions tendant à l'annulation des " actes d'exécution subséquents " à cette première décision, notamment la notification d'opposition à tiers détenteur du 8 septembre 2014, sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;

8. Considérant, en second lieu, que les conclusions tendant à ce que soient ordonnés la mainlevée de la saisie à tiers détenteur et le remboursement d'une somme de 1 760 euros sont également nouvelles en appel ; que, par suite, elles sont irrecevables ;

Sur la réalité de la créance détenue par la région Champagne-Ardenne :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la région Champagne-Ardenne a versé sur un compte ouvert au nom du requérant une somme de 1 760 euros, correspondant à 80% du montant d'une bourse d'aide à la mobilité pour la réalisation d'un stage à l'étranger ; que la région Champagne-Ardenne, par un courrier du 23 décembre 2013, a émis des réserves sur l'attestation de stage produite et, en conséquence, a demandé à M. A...le reversement de la somme de 1 760 euros ; qu'elle a émis le 16 janvier 2014 un titre de recettes de ce même montant ;

10. Considérant toutefois que M.A..., qui fait valoir ne jamais avoir déposé de dossier de demande de bourse, ne pas avoir effectué de stage au Maroc et ne pas être le titulaire réel du compte ouvert à son nom, soutient que la région Champagne-Ardenne se serait laissée abuser dans le cadre d'une escroquerie organisée à une large échelle et qu'elle n'établit pas la réalité de la créance qu'elle détiendrait sur lui ; que la région Champagne-Ardenne soutient pour sa part que le frère du requérant a reconnu avoir donné les documents nécessaires à un tiers afin que celui-ci établisse des dossiers de demandes d'aides auprès d'elle ;

11. Considérant qu'il résulte de la lecture du procès-verbal d'audition de M. C... A..., frère du requérant, en date du 29 avril 2014 que celui-ci, qui connaît personnellement la personne mise en cause dans la cadre de l'escroquerie, a fourni à celle-ci une copie du livret de famille, de sa pièce d'identité ainsi que de celle de ses frères et soeurs, de même qu'un relevé d'identité bancaire pour un compte ouvert en son nom propre, afin que la personne mise en cause dans le cadre de l'escroquerie postule à des " bourses de démocratisation " ; qu'il admet également avoir touché personnellement une aide de la part de la région Champagne-Ardenne ; que, cependant, il ne ressort pas de ce procès-verbal qu'il aurait lui-même formulé des demandes de bourse, en son nom propre ou au nom de son frère, ni qu'il aurait fourni un relevé d'identité bancaire au nom de M. D...A...;

12. Considérant qu'il résulte également de l'instruction que l'authenticité des documents qui ont été produits dans le cadre de la demande formulée au nom du requérant auprès de la région Champagne-Ardenne, en particulier le relevé d'identité bancaire d'un compte ouvert au Crédit agricole Nord/Est ainsi que l'avis d'impôt sur le revenu au nom de sa mère pour l'année 2012, est sujette à caution ; qu'en particulier, le requérant établit qu'il n'a jamais habité à Reims, à l'adresse mentionnée sur ces documents, et produit les avis authentiques d'impôt sur le revenu de ses parents pour les années 2009 à 2015, qui diffèrent de ceux produits par la région Champagne-Ardenne ; que M. D...A...a porté plainte le 12 février 2014 pour usurpation d'identité, au motif que son nom et ses données personnelles ont été utilisés dans le cadre d'une vaste escroquerie aux aides universitaires ; qu'il produit d'ailleurs des éléments établissant qu'une autre région lui a également demandé le reversement d'une aide qu'il aurait indûment perçue avant que la paierie de cette région ordonne la mainlevée de l'opposition à tiers détenteur adressée à sa banque en raison du dépôt de plainte qu'il a effectué pour usurpation d'identité ;

13. Considérant que ces éléments ne permettent pas d'établir que le requérant aurait sollicité l'aide de la région ou qu'il aurait perçu les sommes versées par la région ; qu'ainsi, la réalité de la créance détenue par la région Champagne-Ardenne n'est pas établie ; que M. A...est par suite fondé à demander l'annulation du titre de recettes émis à son encontre par la région le 16 janvier 2014 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la région Champagne-Ardenne au titre de ces dispositions ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la région Champagne-Ardenne, seule partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 mars 2015 et le titre de recettes émis par la région Champagne-Ardenne le 16 janvier 2014 sont annulés.

Article 2 : La région Champagne-Ardenne versera une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A...est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la région Champagne-Ardenne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., au ministre des finances et des comptes publics et à la région Champagne-Ardenne.

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N° 15NC00791


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00791
Date de la décision : 16/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

30-02-05-07-01 Enseignement et recherche. Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. Enseignement supérieur et grandes écoles. Statut des étudiants. Bourses.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : EVRARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-16;15nc00791 ?
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