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16/06/2016 | FRANCE | N°15NC00474

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 16 juin 2016, 15NC00474


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 28 octobre 2013 par laquelle la société Orange lui a refusé le bénéfice du dispositif " carrière longue " et du dispositif " temps partiel senior ", d'enjoindre à cette société de lui octroyer le bénéfice de ces dispositifs et de la condamner à lui verser une somme de 54 616 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de l'illégalité de cette décision.

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n jugement n° 1400344 du 27 janvier 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champag...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 28 octobre 2013 par laquelle la société Orange lui a refusé le bénéfice du dispositif " carrière longue " et du dispositif " temps partiel senior ", d'enjoindre à cette société de lui octroyer le bénéfice de ces dispositifs et de la condamner à lui verser une somme de 54 616 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de l'illégalité de cette décision.

Par un jugement n° 1400344 du 27 janvier 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 mars et le 8 octobre 2015, Mme A...D..., représentée Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 27 janvier 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 28 octobre 2013 ;

3°) d'enjoindre à la société Orange de lui accorder le bénéfice des dispositifs " carrière longue " et " temps partiel senior " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, avec effet du dispositif " temps partiel senior " à compter du 1er mars 2014 ;

4°) de condamner la société Orange à lui verser une somme de 54 616 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de l'illégalité de cette décision, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 février 2014 ;

5°) de mettre à la charge de la société Orange une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'une durée de cotisation de 168 trimestres à l'âge de 60 ans ; la période durant laquelle elle était en congés de longue durée doit être prise en compte au titre du calcul de sa durée de cotisation ; la décision contestée méconnaît les articles D. 16-1 et D. 16-2 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- les périodes de congés de maladie ne peuvent être considérées comme ne constituant pas du temps de travail effectif, contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges ;

- elle subit une discrimination fondée sur son état de santé qui est contraire à l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 et au principe général d'égalité de traitement des fonctionnaires ;

- cette décision méconnaît également l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 1er du premier protocole à cette convention ;

- la décision n'est pas signée et la qualité de l'agent ayant suivi le dossier n'est pas connue ; ce moyen tiré d'un vice de forme de la décision contestée n'est pas inopérant, contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges ; la société Orange n'était en effet pas en situation de compétence liée pour lui refuser le bénéfice des dispositifs en cause ;

- il appartient à Orange de justifier de la compétence de M. E...pour prendre la décision contestée ;

- le préjudice matériel qu'elle subit en raison de l'illégalité de la décision du 28 octobre 2013 s'élève à 44 616 euros et son préjudice moral à 10 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juillet 2015, la société Orange, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision en litige ne méconnaît pas les articles D. 16-1 et D. 16-2 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la théorie de la loi-écran fait obstacle au contrôle par le juge administratif de la conformité du décret n° 2012-847 au principe d'égalité, qui a une valeur constitutionnelle ;

- l'article D. 16-2 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne crée pas de discrimination en raison de l'état de santé ; il ne méconnaît pas l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et du vice de forme sont inopérants ; en tout état de cause, il était possible à Mme D...d'identifier, sans ambiguïté, l'auteur de la décision.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;

- le décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fuchs,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que MmeD..., née le 4 février 1959, a été recrutée par la société France Telecom, aux droits de laquelle vient la société Orange, le 27 juin 1977 puis a été titularisée à compter du 4 avril 1978 ; que, par une décision du 28 octobre 2013, son employeur lui a refusé le bénéfice des dispositif dits " carrière longue " et " temps partiel senior ", permettant un départ anticipé à la retraite ; que la requérante relève appel du jugement du 27 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision ainsi que sa demande d'indemnisation des préjudices subis en raison de l'illégalité de cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 28 octobre 2013 :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites : " L'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite résultant de l'application de l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale est abaissé pour les fonctionnaires relevant du régime des pensions civiles et militaires de retraite qui ont commencé leur activité avant un âge et dans des conditions déterminés par décret et ont accompli une durée totale d'assurance et de périodes reconnues équivalentes dans ce régime et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires au moins égale à une limite définie par le même décret, tout ou partie de cette durée totale ayant donné lieu à cotisations à la charge du fonctionnaire. Ce décret précise les modalités d'application du présent article et, notamment, les conditions dans lesquelles, le cas échéant, (...) les périodes pendant lesquelles les fonctionnaires ont été placés en congé de maladie statutaire ainsi que les périodes comptées comme périodes d'assurance dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires au titre de la maladie, de la maternité et de l'inaptitude temporaire peuvent être réputées avoir donné lieu au versement de cotisations " ; qu'aux termes du I de l'article D. 16-1 du même code, dans sa version alors applicable : " L'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite est abaissé à soixante ans, en application de l'article L. 25 bis, pour les fonctionnaires ayant débuté leur activité avant l'âge de vingt ans et qui justifient, dans le régime des pensions civiles et militaires de retraite et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, d'une durée d'assurance ayant donné lieu à cotisations à leur charge au moins égale à la durée d'assurance ou de services et de bonifications définie à l'article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites et applicable l'année où ils atteignent l'âge de soixante ans " ; qu'aux termes du I de l'article D. 16-2 du même code, dans sa version alors applicable : " Pour l'application de la condition de durée d'assurance ayant donné lieu à cotisations à la charge des fonctionnaires définie à l'article D. 16-1, sont réputées avoir donné lieu à cotisations : (...) 2° Les périodes pendant lesquelles les fonctionnaires ont été placés en congé de maladie statutaire dans la limite de quatre trimestres. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Orange a, par la décision contestée, refusé à Mme D...le bénéfice du dispositif " carrière longue ", prévu par les dispositions de l'article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraites, au motif qu'elle ne totaliserait pas, à l'âge de 60 ans, la durée nécessaire d'assurance cotisée de 166 trimestres, mais bénéficierait seulement de 157 trimestres ayant donné lieu à cotisations ou réputés comme tels, dès lors que seuls 4 trimestres peuvent être comptabilisés au titre de la période durant laquelle elle était en congés de maladie ;

4. Considérant que Mme D...a été placée successivement en congés longue maladie du 14 novembre 1994 au 30 septembre 1995 et du 10 octobre 1995 au 22 novembre 1995, puis en congés de longue durée du 23 novembre 1995 au 9 avril 1999 ; qu'il résulte des dispositions précitées qu'en ce qui concerne la période durant laquelle un fonctionnaire a été placé en congés de maladie statutaires, la durée de cotisation prise en compte pour le calcul de la durée d'assurance cotisée ne peut excéder quatre trimestres ; qu'ainsi, alors même que ces périodes ont donné lieu à cotisation au titre de la retraite, Mme D...n'est pas fondée à soutenir qu'elles devraient être intégralement prises en compte pour le calcul de sa durée de cotisations dans le cadre du dispositif " carrière longue " ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que la société Orange a considéré que l'intéressée ne totalisait que 157 trimestres cotisés ou réputés tels, au sens des dispositions précitées ; qu'il s'ensuit que la condition de durée de cotisation n'étant pas remplie, Mme D... ne pouvait être admise au bénéfice du dispositif " carrière longue " dont elle sollicitait l'application, ni, par voie de conséquence, du dispositif " temps partiel senior " ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la requérante soutient que les dispositions réglementaires précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite instaurent une discrimination en raison de l'état de santé qui est contraire à l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983, au principe général d'égalité de traitement des fonctionnaires ainsi qu'aux stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article premier du premier protocole additionnel à cette convention ;

6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; qu'aux termes de l'article premier du premier protocole additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international (...) " ; qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;

7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race " ;

8. Considérant que les articles D. 16-1 et D. 16-2 du code des pensions civiles et militaires de retraite créent une différence de traitement, pour le bénéfice du dispositif " carrière longue ", entre les fonctionnaires ayant été placés en situation de congés statutaires pendant plus de quatre trimestres au cours de leur carrière et ceux qui n'ont pas bénéficié de congés statutaires ou en ont bénéficié pendant une durée inférieure ou égale à quatre trimestres ; que les dispositions résultant du dispositif carrière longue ne conduisent toutefois pas à une réduction ou une limitation des droits découlant du versement de cotisations à des régimes de retraite, mais ont pour objectif de permettre aux salariés ayant effectivement exercé leurs fonctions dès un jeune âge et pendant une longue durée d'anticiper leur départ à la retraite ; que le critère de prise en compte des congés de maladie statutaires à hauteur de quatre trimestres au maximum fixé par ces textes est objectif et ne présente pas un caractère déraisonnable au regard du but poursuivi ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

9. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 et celui tiré du principe général d'égalité de traitement des fonctionnaires doivent également être écartés ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la requête à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être également rejetées ;

Sur les conclusions indemnitaires :

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que la décision du 28 octobre 2013 est entachée d'illégalité ; qu'en outre, elle ne remplissait pas les conditions pour bénéficier du dispositif " carrière longue " ou " temps partiel senior " ; que, dès lors, aucune faute ne peut être imputée à la société Orange ; que les conclusions de la requérante tendant à l'indemnisation de ses préjudices matériels et moraux doivent dès lors être rejetées ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Orange, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par Mme D...au titre de ces dispositions ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la requérante la somme demandée par la société Orange au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Orange présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et à la société Orange.

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N° 15NC00474


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00474
Date de la décision : 16/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-01 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Mise à la retraite pour ancienneté ; limites d'âge.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : LEX PUBLICA

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-16;15nc00474 ?
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