Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2014 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer une autorisation d'exploiter 78 a et 08 ca de vignes.
Par un jugement n° 1400679 du 5 mai 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 31 janvier 2014.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 juin 2015, l'EARL C...René et Fils, représentée par la Selas Cabinet Devarenne Associés demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400679 du 5 mai 2015 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) de rejeter la demande de MmeD....
L'EARL C...René et Fils soutient que les motifs d'annulation retenus par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ne sont pas fondés, notamment dès lors que les orientations du schéma départemental d'orientation des structures agricoles ne sont pas méconnues par le refus d'autorisation litigieux et que Mme D...ne justifiait pas de la détention d'un certificat de capacité.
Par un mémoire en observations enregistré le 29 octobre 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt s'associe aux écritures de l'EARL C...René et Fils.
Par une ordonnance du 18 décembre 2015, l'instruction a été close au 12 janvier 2016.
Un mémoire présenté pour Mme D...a été enregistré le 13 mai 2016 après clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Richard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., pour l'EARL C...René et Fils.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 31 janvier 2014, le préfet de la Marne a refusé d'accorder à Mme D... l'autorisation d'exploiter des parcelles de vignes d'une surface de 78 a et 08 ca situées sur la commune d'Aÿ-Champagne. L'EARL C...René et Fils, preneur en place des vignes en cause, relève appel du jugement du 5 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé, à la demande de MmeD..., l'arrêté du 31 janvier 2014 par lequel le préfet de la Marne a refusé de faire droit à cette demande d'autorisation d'exploiter.
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement :
2. Par son arrêté du 31 janvier 2014, le préfet de la Marne a procédé à l'analyse comparée de la situation de Mme D...et de l'exploitation de l'EARL C...René et Fils, preneur des surfaces visées par la demande de Mme D...et a estimé que compte tenu des orientations fixées à l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime et au schéma départemental d'orientation des structures agricoles de la Marne, il ne pouvait faire droit à la demande de Mme D...compte tenu du risque de fragilisation de l'exploitation de l'EARL C... René et Fils.
3. Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 31 janvier 2014 au motif que le préfet a estimé à tort que l'exploitation de l'EARL C...René et Fils pouvait relever de l'orientation 2.3 du schéma départemental d'orientation des structures agricoles laquelle vise à " préserver les exploitations viables en évitant le démembrement ou la disparition des exploitations égales ou supérieures à 0,5 UR " ce qui correspond à une surface de 2 hectares dans le département de la Marne.
4. L'EARL requérante soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a estimé que son exploitation n'entrait pas dans le champ d'application de l'orientation 2.3 du schéma départemental d'orientation des structures agricoles pour retenir le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par le préfet de la Marne.
5. D'une part, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dans sa version alors applicable à la date de l'arrêté litigieux : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. (...)". Il résulte des dispositions de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime précité en vigueur à la date de la décision contestée que, même en l'absence, comme en l'espèce, de présentation d'une demande concurrente, l'autorité administrative chargée d'instruire une demande d'autorisation d'exploiter des parcelles agricoles peut ne pas délivrer l'autorisation demandée à un agriculteur compte-tenu de sa situation personnelle par rapport à celle du preneur en place. Il appartient au préfet de préciser en quoi la situation du demandeur justifie l'octroi ou le refus de l'autorisation, au regard tant des critères mentionnés à l'article L. 331-3 précité que des orientations définies dans le schéma directeur départemental des structures agricoles. Les éléments de nature à justifier l'octroi ou le refus d'une autorisation d'exploiter doivent être appréciés à la date à laquelle la décision préfectorale intervient.
6. D'autre part, le schéma directeur départemental des structures agricoles de la Marne établi par l'arrêté préfectoral du 9 août 2007 dispose pour le secteur de la viticulture : " A. Les orientations ont pour objectif de : / 2.1 Favoriser l'installation de viticulteurs justifiant de la formation requise leur permettant de prétendre à l'octroi des aides à l'installation, ainsi que de ceux engagés dans une démarche d'installation à titre principal dans un délai de 5 ans. / 2.2 Permettre l'agrandissement et le maintien des exploitations viticoles dont la superficie est inférieure à 1.5 UR pour leur permettre d'atteindre ce seuil. / 2.3 Préserver les exploitations viables ou susceptibles de le devenir dans le cadre d'une installation progressive, en évitant le démembrement ou la disparition des exploitations égales ou supérieures à 0.5 UR. / 2.4 Déterminer les conditions d'accès à la profession viticole de personnes physiques issues d'autres catégories sociales ou professionnelles, et celles de son exercice à temps partiel par des actifs ruraux non agricoles, en fonction de l'intérêt économique, social et démographique qui s'attache à la pluriactivité.(...) ". Il résulte des termes de l'orientation 2.3 qu'elle consiste à protéger les exploitations égales ou supérieures à 0,5 UR, soit une surface de 2 hectares, en vue d'éviter leur démembrement ou leur disparition.
7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté litigieux, la superficie totale des terres que l'EARL C...René et Fils exploitait demeurait supérieure à 6 ha soit une surface supérieure au seuil de référence minimal mentionné par l'orientation 2-3 du schéma départemental susvisé visant à protéger les exploitations viables alors même qu'un congé pour reprise de 1 ha 24 a 05 ca lui avait été donné le 27 novembre 2007 pour prendre progressivement effet à compter de 2013. A supposer même que la surface exploitée par l'EARL C...René et Fils doive être rapportée au nombre de trois associés exploitants visé par l'arrêté litigieux, elle reste supérieure à ce même seuil de référence de 2 ha. L'EARL C... René et Fils est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a estimé qu'elle ne pouvait relever de l'orientation 2.3 du schéma départemental d'orientation des structures agricoles alors même que la surface exploitée demeurait supérieure à 0,5 UR.
8. Il ressort en outre des pièces du dossier que contrairement à ce soutient Mme D..., MM. B...C...et son fils Laurent C...sont associés exploitants de l'EARL C... René et Fils et que les épouxC..., dont aucun d'eux n'a fait valoir ses droits à la retraite à la date de la décision litigieuse, ont la qualité de gérants de la société.
9. Mme D...ne produit pas d'élément probant de nature à établir ni même à laisser présumer que les difficultés économiques auxquelles l'EARL C...René et Fils est susceptible d'être exposée en cas de perte de surfaces de vignes découlerait d'erreurs de gestion notoires et d'investissements manifestement excessifs, l'EARL C...René et Fils s'exposant par ailleurs à la rupture de ses contrats conclus avec une maison de commercialisation de champagne en cas de rupture d'approvisionnement de celle-ci. L'EARL C... René et Fils justifie en outre, s'être vue notifier le 27 novembre 2007 un congé pour reprise de 1 ha 24 a 05 ca de vignes situées à Bassu et voit ainsi sa surface réduite de 30 ares par an depuis la campagne 2013, indépendamment de la perte de surface à laquelle elle est exposée en cas de délivrance de l'autorisation à MmeD....
10. Il ressort enfin des pièces du dossier que le projet de Mme D...qui disposait de 10 ares et 10 ca de vignes avant de solliciter l'autorisation d'exploiter une surface supplémentaire de 78 a et 08 ca située sur la commune d'Aÿ-Champagne, s'il est susceptible de relever de l'orientation 2.2 du schéma précité, consiste à développer cette activité viticole comme une activité complémentaire au salon de coiffure qu'exploite l'intéressée, son époux exerçant également une activité professionnelle. A cet égard, Mme D...ne justifie d'ailleurs pas de la détention d'un certificat de capacité professionnelle de nature à la faire regarder comme tendant à développer son exploitation de façon à en faire une activité principale.
11. Si Mme D...était en revanche fondée à soutenir dans sa demande de première instance qu'aucun congé n'avait été délivré en ce qui concerne les parcelles de 78 a 17 ca ayant fait l'objet de la déclaration formulée par MmeA..., sa soeur, au titre du II de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime et qu'il ne pouvait être fait état par le préfet, dans son arrêté, de la privation des vignes en cause pour l'EARL C...René et Fils qui en poursuivait l'exploitation à la date de l'arrêté litigieux, il ressort toutefois des pièces du dossier que le préfet de la Marne aurait pris la même décision de refus d'autorisation en se fondant sur l'ensemble des autres éléments relatifs à la situation de Mme D...et de l'EARL C... René et Fils.
12. Dans ces conditions et compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 à 11, l'EARL requérante est fondée à soutenir que le tribunal ne pouvait retenir le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par le préfet au regard des orientations du schéma départemental d'orientation des structures agricoles et de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime.
13. En conclusion de tout ce qui précède, l'EARL C...René et Fils est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 31 janvier 2014.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1400679 du 5 mai 2015 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé
Article 2 : La demande de Mme D...présentée devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL C...René et Fils, à Mme D...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 15NC01425