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02/06/2016 | FRANCE | N°15NC00536

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 02 juin 2016, 15NC00536


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2010 ;

Par un jugement n° 1301944 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande ;

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 mars 2015, M. et MmeB..., représentés par >
MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301944 du tribunal administratif de Châ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2010 ;

Par un jugement n° 1301944 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande ;

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 mars 2015, M. et MmeB..., représentés par

MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301944 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 3 février 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée ;

- l'administration n'est pas autorisée à utiliser la qualification d'acte anormal de gestion en matière de bénéfices non commerciaux ;

- l'administration, qui supporte la charge de la preuve du caractère anormal de l'acte de gestion, n'apporte aucun élément de nature à justifier les raisons pour lesquelles elle considérait que les abandons d'honoraires consentis par la SCP B...D... étaient dénués d'intérêt pour le notaire à l'aune des relations entre la SCP B...D... et les bénéficiaires de ces remises ;

- ces remises étaient conformes aux dispositions du décret n° 78-262 du 8 mars 1978 ;

- la preuve du manquement délibéré n'est pas apportée par l'administration ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge des pénalités pour manquement délibéré et au rejet du surplus de la requête ;

Il soutient que :

- la proposition de rectification du 15 décembre 2011 adressée aux requérants satisfait aux exigences de motivation prévues par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- si la théorie de l'acte anormal de gestion n'est pas applicable en matière de bénéfices non commerciaux, il appartient néanmoins au contribuable, en vertu de la théorie de la renonciation anormale à des bénéfices non commerciaux, de justifier d'une contrepartie à cette renonciation présumée anormale ;

- M. B...n'a produit aucun élément de nature à justifier que les remises d'émoluments en litige comportaient une contrepartie pour la SCP ou qu'elles pouvaient être regardées comme relevant de l'exercice normal de la profession ;

- les pénalités pour manquement délibéré sont abandonnées et font l'objet d'une décision de dégrèvement ;

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le décret n° 78-262 du 8 mars 1978 portant fixation du tarif des notaires ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la société civile professionnelle notariale B...-E..., dont M. B...détient 66,66 % des parts, l'administration a, dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, réintégré dans le résultat de cette société, lequel est imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux entre les mains des associés au prorata de leurs participations, une partie des remises sur émoluments consenties au titre des années 2008 à 2010 à un réseau d'amis et de pourvoyeurs éventuels de clientèle au profit de l'étude au motif que ces remises s'analysaient comme des renonciations à recettes ne relevant pas de l'exercice normal de la profession ; que M. et Mme B...relèvent régulièrement appel du jugement n° 1301944 du 3 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités y afférentes ainsi mis à leur charge au titre des années 2008 à 2010 ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que postérieurement à l'introduction de la requête, le 29 juin 2015, l'administration a accordé aux requérants un dégrèvement des pénalités fondées sur l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur la régularité de la procédure :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 ter du code général des impôts : " Les associés des sociétés civiles professionnelles (...) sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux qui leur est attribuée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les membres d'une des sociétés de personnes énumérées à l'article 8 ter du code général des impôts sont personnellement assujettis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société ; que l'administration ne peut légalement mettre des suppléments d'imposition à la charge personnelle des associés sans leur avoir notifié, dans les conditions prévues à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, les corrections apportées aux déclarations qu'ils ont eux-mêmes souscrites, en motivant cette notification au moins par une référence aux rehaussements apportés aux bénéfices sociaux et par l'indication de la quote-part de ces bénéfices à raison de laquelle les intéressés seront imposés ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a adressé à M. et Mme B... une proposition de rectification du 15 décembre 2010 indiquant, pour les trois années concernées, la nature et le montant du rehaussement envisagé ainsi que la catégorie des revenus concernés ; que si les motifs du rehaussement n'ont été donnés aux intéressés que par référence à une proposition de rectification régulièrement adressée le même jour aux gérants de la SCP B...-E..., en proportion des droits détenus par M. B...dans cette société, cette circonstance, eu égard aux modalités selon lesquelles doivent être imposés les résultats d'une société placée sous le régime des sociétés de personnes, n'a pas comporté d'irrégularité au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année " ; qu'aux termes du 1 de l'article 92 de ce code : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus " ; qu'aux termes du 1 de l'article 93 du même code : " Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le montant des recettes à retenir pour la détermination du bénéfice imposable des contribuables titulaires de bénéfices non commerciaux est le montant total des recettes que ceux-ci ont perçues du fait de leur activité professionnelle ou de l'occupation ou exploitation lucrative ou de la source de profits dont ils tirent parti ; que si ces contribuables sont, en principe, sous réserve en ce qui concerne les professions libérales et les professions réglementées du contrôle qu'exercent les instances de supervision spécialement instituées à cet effet, seuls juges de l'opportunité des décisions qu'ils prennent, l'administration est cependant fondée à réintégrer dans leur résultat imposable le montant des recettes non déclarées qu'ils n'auraient normalement pas dû renoncer à percevoir ; que tel est le cas lorsque la renonciation en cause est dépourvue de contrepartie équivalente pour ces contribuables, qu'elle ne peut être regardée comme relevant de l'exercice normal de leur profession ou d'une pratique normale dans le cadre de leur occupation ou exploitation lucrative ou de l'utilisation de la source de profit dont ils tirent parti ou qu'elle n'est justifiée par aucun autre motif légitime ;

8. Considérant que, dans l'hypothèse où l'administration a mis en évidence la renonciation d'un contribuable titulaire de bénéfices non commerciaux à percevoir des recettes, elle est réputée, lorsque la charge de la preuve du bien-fondé de la rectification lui incombe en raison de la procédure d'imposition suivie, apporter cette preuve si le contribuable n'est pas en mesure de justifier que la renonciation à percevoir des recettes comportait une contrepartie équivalente pour lui ou reposait sur l'un des motifs mentionnés au point 7 ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les montants des remises d'honoraires demeurant en litige, qui ont été effectuées dans le cadre de l'activité professionnelle et non à l'occasion de prestations rendues à titre bénévole, s'élèvent pour la société civile professionnelle notariale B...-E... respectivement aux sommes de 87 125 euros en 2008, 27 369 euros en 2009 et 28 788 euros en 2010 ; que ces sommes correspondent à des remises totales sur émoluments ou honoraires consenties à des amis ou des apporteurs potentiels d'affaires que l'administration fiscale a regardées comme des renonciations à recettes ne relevant pas de l'exercice normal de la profession tandis qu'elle a admis, à l'inverse, de ne pas inclure dans les recettes imposables les remises totales consenties aux familles des associés et de leurs collaborateurs ainsi qu'à d'autres notaires ; que la seule circonstance, invoquée par M. et MmeB..., que ces remises étaient licites au regard de l'article 2 précité du décret du 8 mars 1978, lequel autorise les notaires à accorder des remises totales des émoluments afférents à un acte déterminé ou aux différents actes reçus à l'occasion d'une même affaire, n'est pas par elle-même de nature à établir que de telles remises peuvent être regardées comme relevant de l'exercice normal de la profession de notaire ; que les requérants n'apportent aucun autre élément précis ou probant, notamment sur le caractère habituel de ces remises au sein de la profession et sur les conditions dans lesquelles elles sont accordées, permettant de faire regarder les remises de la SCP B...-E... ainsi pratiquées comme relevant de l'exercice normal de la profession de notaire ; que, par ailleurs, M. et Mme B...ne soutiennent ni même n'allèguent que ces renonciations comportaient une contrepartie pour la société civile professionnelle notariale ; qu'ainsi, l'administration fiscale est réputée établir le bien-fondé des rectifications auxquelles elle a procédé ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme B...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B... en tant qu'elles tendent à la décharge des pénalités pour manquement délibéré.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...et au ministre des finances et des comptes publics.

2

15NC00536


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00536
Date de la décision : 02/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-05-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices non commerciaux. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : HUBEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-02;15nc00536 ?
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