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12/05/2016 | FRANCE | N°15NC00174

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 12 mai 2016, 15NC00174


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Escade a notamment demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006 et 2007, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du

1er janvier 2005 au 30 juin 2008 et de l'amende prévue par l'article 1840 J du code général des impôts qui lui a é

té infligée au titre de l'année 2005 ;

Par un jugement n° 1103765 du 13 novembre 2014, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Escade a notamment demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006 et 2007, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du

1er janvier 2005 au 30 juin 2008 et de l'amende prévue par l'article 1840 J du code général des impôts qui lui a été infligée au titre de l'année 2005 ;

Par un jugement n° 1103765 du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg n'a que partiellement fait droit à sa demande en la déchargeant de l'amende infligée au titre de l'année 2005 sur le fondement de l'article 1840 J du code général des impôts à raison des paiements effectués en numéraire d'un montant inférieur à 3 000 euros ;

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2015 et un mémoire complémentaire enregistré le 14 avril 2016, la SARL Escade, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103765 du tribunal administratif de Strasbourg du

13 novembre 2014 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige, ainsi que de l'amende fiscale qui lui a été infligée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les impositions en litige sont intervenues à l'issue d'une procédure irrégulière faute pour elle d'avoir pu bénéficier d'un débat oral et contradictoire sur l'ensemble des pièces comptables obtenues par le service vérificateur dans le cadre de l'exercice de son droit de communication ;

- la procédure d'imposition a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ce qui concerne les documents obtenus de l'ANAH ;

- à supposer que ces pièces aient été obtenues en dehors du droit de communication, elles ont été obtenues irrégulièrement par l'administration ;

- le délai de reprise de l'administration était prescrit en ce qui concerne l'exercice clos en 2005 ;

- c'est à tort que l'administration a remis en cause l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée aux travaux effectués dans un ensemble immobilier sis rue du Muhlele à Gunsbach au motif qu'ils avaient concouru à la production d'un immeuble neuf au sens de l'article 257-7° 1, c, 4° du code général des impôts ;

- elle est fondée à se prévaloir de l'instruction ministérielle n° 3 C-7-06 du 8 décembre 2006 en ce qui concerne les éléments de second oeuvre ;

- il appartenait à l'administration de vérifier que la taxe sur la valeur ajoutée dont elle rejetait la déduction avait effectivement fait l'objet d'une déduction sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée par voie d'imputation ;

- il appartenait au service de vérifier que les factures intermédiaires, délivrées à ses clients afin de permettre à l'ANAH de débloquer les subventions, avaient été intégrées dans les factures établies à l'attention du client ; en considérant qu'elle ne justifiait pas que les sommes en cause avaient le caractère de recettes non comptabilisées, le tribunal a inversé la charge de la preuve à son détriment ;

- c'est à tort que l'administration a rattaché à l'exercice clos en 2006 les recettes afférentes aux travaux facturés à M.A... ;

- c'est à tort que l'administration a considéré comme un acte anormal de gestion les avoirs consentis à M. A...dès lors qu'en contrepartie de ces avoirs, celui-ci a renoncé à exiger la réalisation de travaux de reprise et à introduire toute action judiciaire à son encontre ;

- c'est à tort que l'administration a assorti la réintégration correspondant aux travaux facturés à M. A...de la majoration de 40 % pour manquement délibéré ;

- l'administration n'ayant pas motivé les raisons pour lesquelles elle a retenu le taux maximum de l'amende prévue à l'article 1840 J du code général des impôts, la requérante est fondée à demander la décharge de l'intégralité de l'amende infligée sur ce fondement ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la société requérante n'a pas été privée de débat oral et contradictoire ;

- les rehaussements relatifs aux factures non comptabilisées de la société GDC Invest sont abandonnés, ce qui conduit à un dégrèvement au titre de l'année 2006 et à un accroissement au titre du déficit au titre de l'année 2007 égal à 22 086 euros ;

- le délai de reprise de l'administration n'était pas prescrit en raison de l'interruption du délai de prescription par la notification de la proposition de rectification du 22 décembre 2008 ;

- par leur nature et leur ampleur, les travaux réalisés rue de Muhlele à Gunsbach n'entraient pas dans le champ du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée prévu par l'article

279-0 bis du code général des impôts ;

- les affirmations de la société relatives au bien-fondé de son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée déductible ne sont assorties d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

- la société requérante n'apporte pas la preuve de l'achèvement des travaux facturés à M. A... en 2007, le procédé de facturation intermédiaire méconnaissant en tout état de cause les dispositions de l'article 38-2 bis du code général des impôts et l'instruction n° 86-01 du 22 janvier 1986 ;

- la société requérante n'apporte aucun élément de nature à établir l'existence de malfaçons justifiant l'existence des avoirs en litige, dont le montant représente plus d'un tiers du montant total facturé, alors au demeurant que les malfaçons relèvent en principe de la garantie décennale ;

- l'amende infligée sur le fondement de l'article 1840 J du code général des impôts a été régulièrement motivée dans la proposition de rectification ;

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Di Candia

- les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public,

- et les observations de Me Mahdadi, avocat de la SARL Escade ;

1. Considérant que la SARL Escade, qui exerce une activité d'agencement de lieux de vente et de rénovation immobilière, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, étendue au 31 juillet 2008 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2005, 2006 et 2007, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2005 au 30 juin 2008, assorties de majorations ; qu'en outre, elle s'est vu infliger l'amende prévue par l'article 1840 J du code général des impôts au titre de l'année 2005 ; que par jugement du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la décharge de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1840 J du code général des impôts à raison des paiements effectués en numéraire au titre de l'année 2005 d'un montant inférieur à 3 000 euros mais a, pour le surplus, rejeté la demande de la SARL Escade ; que la SARL Escade interjette régulièrement appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à la décharge totale des impositions et pénalités précitées ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par une décision du 20 juillet 2015, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur général des finances publiques a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme totale 4 921 euros, des suppléments d'impôt sur les sociétés correspondant aux factures non comptabilisées adressées à la société GDC Invest ; que les conclusions de la requête de la SARL Escade sont, dans cette mesure, devenues sans objet ; qu'il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L.13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...) " ;

4. Considérant que si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces obtenues à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n'en est pas de même lorsque lui sont communiqués des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée ;

5. Considérant que si les doubles des factures originales établies par une entreprise à l'intention de ses clients justifient ses écritures comptables et présentent ainsi le caractère de pièces comptables de l'entreprise qui les a émises, tel n'est en revanche pas le cas, en tout état de cause, des copies des factures conservées par l'Agence nationale de l'amélioration de l'habitat (ANAH) pour les besoins de sa propre comptabilité au regard des subventions qu'elle accorde ; que, par suite, le moyen de la SARL Escade tiré de ce qu'elle a été privée d'un débat oral et contradictoire sur les éléments d'information que le vérificateur a pu recueillir auprès de l'ANAH doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne les impositions relatives à l'année 2005 :

6. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour (...) l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due " ; qu'aux termes de l'article L. 176 du même code : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue éligible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 189 du même code : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (en litige qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1840 J du code général des impôts) " ;

7. Considérant qu'eu égard à l'objet de ces dispositions, relatives à la détermination du délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise, la date d'interruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l'adresse du contribuable ; qu'il en va de même lorsque le pli n'a pu lui être remis lors de sa présentation et que, avisé de sa mise en instance, il l'a retiré ultérieurement ou a négligé de le retirer ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du

22 décembre 2008 a été adressée le jour même par pli recommandé avec demande d'avis de réception à l'adresse de la SARL Escade ; qu'en l'absence du gérant de la société, un avis de mise en instance du pli au bureau de poste dont la société relevait a été déposé le 23 décembre 2008 ; qu'ainsi, alors même que son représentant n'aurait retiré ce pli que le 3 janvier 2009, soit dans le délai de quinze jours prévu par la réglementation en vigueur du service des postes mais postérieurement à l'expiration, le 31 décembre 2008, du délai de reprise dont disposait l'administration au titre de l'année 2005, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les impositions en litige au titre de l'année 2005 étaient prescrites ;

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

S'agissant de la loi fiscale :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la période vérifiée, la SARL Escade n'a enregistré aucune écriture relative aux déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, n'a pas procédé de manière chronologique et continue à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de l'entreprise, a utilisé un système de facturation ne permettant pas de s'assurer de l'enregistrement chronologique des ventes, n'a pas tenu en 2005 de journal ni de compte de caisse, a utilisé un compte " fournisseurs collectifs " au crédit duquel étaient portées certaines factures dont le paiement était comptabilisé au débit de comptes de fournisseurs individuels, a utilisé le journal auxiliaire " à nouveau " pour comptabiliser des achats, n'a pas systématiquement pratiqué d'inventaires des stocks et travaux en cours, n'a pas tenu de registre des immobilisations ni de tableau d'amortissement et n'a pas comptabilisé certains produits ; qu'ainsi, l'administration a pu regarder la comptabilité de la SARL Escade comme entachée de graves irrégularités et procéder à la reconstitution de ses bases d'imposition ; que l'imposition ayant été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il appartient à la société, en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, de démontrer l'exagération des bases d'imposition arrêtées conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et du chiffre d'affaires ;

11. Considérant que pour contester la remise en cause de la déduction de taxe sur la valeur ajoutée relative à plusieurs opérations, la société requérante se borne à relever que les rappels correspondants ont été fondés sur l'exploitation des seules écritures comptables passées dans le journal auxiliaire, sans que le service ait recherché si la taxe sur la valeur ajoutée avait fait l'objet d'une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée par voie d'imputation ; qu'en procédant ainsi, sans apporter au soutien de cette contestation aucune précision ni aucun justificatif, la société requérante ne démontre pas l'exagération des bases d'imposition retenues par le service ;

12. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 278 du code général des impôts dans sa version applicable aux impositions en litige : " Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 19,60 % " ; qu'aux termes de l'article 279-0 bis du code général des impôts, dans sa version alors applicable : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans (...). 2. Cette disposition n'est pas applicable aux travaux, réalisés sur une période de deux ans au plus : a) Qui concourent à la production d'un immeuble au sens des deuxième à sixième alinéas du c du 1 du 7° de l'article 257 " ; qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa version alors applicable : " Sont (...) soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : ( ...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. (...) 1. Sont notamment visés : (...) c) Les livraisons à soi-même d'immeubles. Constituent notamment des livraisons à soi-même d'immeubles les travaux portant sur des immeubles existants qui consistent en une surélévation, ou qui rendent à l'état neuf : (...) 1° Soit la majorité des fondations ; 2° Soit la majorité des éléments hors fondations déterminant la résistance et la rigidité de l'ouvrage ; 3° Soit la majorité de la consistance des façades hors ravalement ; 4° Soit l'ensemble des éléments de second oeuvre tels qu'énumérés par décret en Conseil d'Etat, dans une proportion fixée par ce décret qui ne peut être inférieure à la moitié pour chacun d'entre eux (...) " ; qu'aux termes de l'article 245 A de l'annexe II au code général des impôts, dans sa version alors applicable : " I. - Pour l'application du 4° du c du 1 du 7° de l'article 257 du code général des impôts, les éléments de second oeuvre à prendre en compte sont les suivants : a. les planchers ne déterminant pas la résistance ou la rigidité de l'ouvrage ; b. les huisseries extérieures ; c. les cloisons intérieures ; d. les installations sanitaires et de plomberie ; e. les installations électriques ; f. et, pour les opérations réalisées en métropole, le système de chauffage. II. - La proportion prévue au 4° du c du 1 du 7° de l'article 257 du code général des impôts est fixée à deux tiers pour chacun des éléments mentionnés au I. " ;

13. Considérant que l'administration a remis en cause l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée aux travaux réalisés par la SARL Escade dans un ensemble immobilier situé 2-3 rue du Muhlélé à Gunsbach (Haut-Rhin) effectués pour le compte de la SCI Loreley, M. A...et la SCI Alcantara et ayant consisté à réhabiliter une ancienne usine textile, composée de trois bâtiments dénommés Alcantara, Madras Angora et Taffetas, afin d'y aménager des logements ; que les chantiers relatifs aux trois bâtiments avaient pour point commun, selon les éléments d'information obtenus par l'exercice du droit de communication exercé auprès de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), la réalisation de raccordements et de branchements des logements aux réseaux d'eau, d'assainissement et d'électricité, le renforcement du gros-oeuvre, des fondations, des murs porteurs et du dallage rendant peu probable leur affectation, même partielle, à des locaux à usage d'habitation au sens des dispositions de l'article 279-0 bis du code général des impôts ; qu'à supposer même que les bâtiments Alcantara et Madras Angora aient, ainsi que le soutient la société requérante, comporté des locaux à usage d'habitation avant la réalisation des travaux litigieux, il ressort toutefois des termes de la proposition de rectification du 22 décembre 2008 que le service a regardé les travaux en litige, eu égard à leur nature et à leur ampleur, comme ayant concouru à la production d'un immeuble neuf, non seulement au sens du 4° mais également du 2° du c du 1 du 7° de l'article 257 du code général des impôts précité ; qu'à cet effet, le service, outre les éléments d'information obtenus auprès de l'ANAH, s'est notamment fondé sur un diagnostic technique réalisé le 21 avril 2004 mentionnant que le plancher dans le bâtiment Alcantara y était partiellement inexistant et que le clos (façade) et le couvert (toiture, garnitures) n'étaient plus assurés ; qu'ainsi, les travaux effectués dans le bâtiment Alcantara doivent être regardés comme des travaux rendant à l'état neuf la majorité des éléments hors fondations déterminant la résistance et la rigidité de l'ouvrage au sens du 2° du c de 1 du 7° de l'article 257 du code général des impôts ; qu'il résulte par ailleurs de l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 9 mars 2010, que l'examen des plans avant et après travaux a révélé que le second oeuvre avait été affecté à plus des deux tiers dans les bâtiment Taffetas et Alcantara et que le volume de facturation des travaux relatifs aux bâtiments Madras-Angora excédait de simples travaux de réhabilitation ; que si la société requérante fait valoir qu'une fois retranchés les planchers déterminant la résistance ou la rigidité de l'ouvrage, le seuil des deux tiers prévu à l'article 245 A de l'annexe II au code général des impôts ne serait pas atteint, ces allégations ne sont pas cohérentes avec l'attestation du maître d'oeuvre, laquelle précise au contraire que la nature des planchers n'a pas été modifiée ; que dans ces conditions, il résulte de l'instruction que c'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période en litige ;

S'agissant de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales :

14. Considérant que la société requérante ne peut se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la documentation de base 3 C-7-06 du 8 décembre 2006, qui ne donne aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui vient d'être appliquée ;

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

15. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : (...) b. Pour les travaux d'entreprise donnant lieu à réception complète ou partielle, à la date de cette réception, même si elle est seulement provisoire ou faite avec réserves, ou à celle de la mise à la disposition du maître de l'ouvrage si elle est antérieure. La livraison au sens du premier alinéa s'entend de la remise matérielle du bien lorsque le contrat de vente comporte une clause de réserve de propriété. " ;

16. Considérant qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ;

17. Considérant que l'administration, après avoir obtenu par le biais de son droit de communication auprès de l'ANAH la communication de dossiers de demandes de subvention introduits par les clients de la SARL Escade, a constaté que des travaux réalisés pour le compte de M. A...et comptabilisés par la société requérante au cours de l'exercice clos en 2007 avaient en réalité donné lieu à l'émission d'une facture dès l'année 2006 ; qu'elle a ainsi rattaché le produit de ces travaux à l'exercice clos en 2006 ; qu'il est constant que la société requérante avait pour habitude de procéder à une double facturation des mêmes travaux d'entreprises, les premières factures, dites " intermédiaires ", émises en 2006 en vue de permettre à ses clients d'obtenir des subventions mais dont elle ne leur demandait pas le paiement, les secondes, dites définitives, censées correspondre à l'achèvement des prestations ; qu'eu égard aux aléas inhérents à cette pratique de double facturation, la société requérante ne peut être regardée comme apportant la preuve que l'achèvement des travaux en litige n'est intervenu qu'au moment de l'émission des factures définitives émises en 2007 ; que, dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a rattaché les recettes en cause à l'exercice clos en 2006 ;

18. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que les abandons de créances et avances sans intérêts accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances ou d'intérêts consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;

19. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Escade a émis au profit de M. A..., au cours de l'exercice clos en 2007, six avoirs portant la mention " effort commercial exceptionnel " à déduire du montant des travaux effectués pour son compte ; que pour fonder le rehaussement litigieux, l'administration a relevé que le montant total de 90 659 euros toutes taxes comprises correspondant à ces avoirs représentait 37,42 % du total des travaux facturés à M. A..., qu'ils ne figuraient pas dans le dossier de subvention de l'ANAH et qu'aucun courrier ne justifiait d'éventuelles malfaçons ; que si la société requérante produit les courriers des 7 janvier et 29 septembre 2009 par lesquels M. A...fait état de son insatisfaction en raison des malfaçons survenues lors de la rénovation du bâtiment Madras Angora et mentionne que ladite société n'a pas procédé aux travaux de reprise rendus nécessaires par ces malfaçons, ces éléments ne suffisent pas par eux-mêmes à établir la renonciation de son client à former à son encontre une action en justice visant à mettre un terme à leur litige ; qu'en outre, il n'est pas établi que le montant total des avoirs corresponde au coût des travaux de reprise rendus nécessaires ; que dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que les abandons de créance consentis par la SARL Escade n'ont pas été effectués dans l'intérêt de la société ;

Sur les pénalités pour manquement délibéré relatives au rattachement à l'exercice clos en 2006 des recettes afférentes aux travaux facturés à M.A... :

20. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré " ;

21. Considérant que la société requérante soutient que la pénalité qui a assorti le redressement concernant les travaux facturés à M. A...n'est pas justifiée dès lors que les factures afférentes à ces travaux ont été régulièrement comptabilisées en 2007 ; que l'administration a justifié les rehaussements en litige par l'irrégularité du système de facturation mis en oeuvre par la SARL Escade, ayant rendu difficile le contrôle du service, lequel n'a pu établir le rattachement des travaux facturés à M. A...à l'exercice clos en 2006 qu'à partir des renseignements obtenus de l'ANAH ; que, toutefois, eu égard à l'objet du système de facturation mis en oeuvre par la société, dont le but était de permettre à ses clients d'obtenir une subvention auprès de l'ANAH, les faits relevés par le service ne suffisent pas par eux-mêmes à établir, en l'espèce, la volonté délibérée de la société d'éluder une partie de l'impôt dû ; que la société requérante est, dès lors, fondée à demander la décharge des majorations pour manquement délibéré qui lui ont été assignées de ce chef ;

Sur l'amende prévue par l'article 1840 J du code général des impôts :

22. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 1840 J du code général des impôts applicable à la date du prononcé de la sanction, les infractions aux dispositions de l'article

L. 112-6 du code monétaire et financier sont passibles d'une amende fiscale conformément aux dispositions des deuxième et troisième phrases de l'article L. 112-7 du même code ; qu'aux termes de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de l'article premier de l'ordonnance du 30 janvier 2009 : " I. Ne peut être effectué en espèces le paiement d'une dette supérieure à un montant fixé par décret, tenant compte du domicile fiscal du débiteur et de la finalité professionnelle ou non de l'opération (...) " ; qu'aux termes de l'article L 112-7 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de l'article premier de l'ordonnance du 30 janvier 2009 : " (...) Le débiteur ayant procédé à un paiement en violation des dispositions du même article est passible d'une amende dont le montant est fixé, compte tenu de la gravité des manquements, et ne peut excéder 5% des sommes payées en violation des dispositions susmentionnées. (...) " ; qu'enfin, l'article 1er du décret susvisé du 16 juin 2010, entré en vigueur le 19 juin 2010, a fixé à 3 000 euros le montant prévu à l'article L. 112-6 du code monétaire et financier pour lequel l'amende d'un montant maximum de 5 % des sommes indûment réglées en numéraire peut être infligée ;

23. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations " ; qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, alors en vigueur, la motivation doit " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; qu'en application de ces dispositions, l'administration devait indiquer à l'intéressé les motifs de droit et de fait de la sanction qui lui était infligée, y compris le taux retenu pour l'amende, des lors que l'article L. 112-7 du code monétaire et financier, auquel renvoie l'article 1840 J du code général des impôts, prévoit, pour la détermination de ce taux, un pouvoir de modulation ;

24. Considérant que si le procès-verbal notifié au gérant de la SARL Escade le

25 novembre 2008 comportait la liste des paiements en numéraire effectués par la société et lui indiquait les dispositions légales prévoyant l'amende que l'administration envisageait de mettre à sa charge, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration lui aurait fait connaître les raisons pour lesquelles le taux de l'amende prévue serait fixé à 5 % ; que, par suite, la société requérante est fondée à demander la décharge du montant de l'amende demeurant... ;

25. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Escade est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont est assorti le chef de rehaussement correspondant au rattachement des travaux facturés à M. A...à l'exercice clos en 2006, d'autre part à la décharge totale de l'amende infligée sur le fondement de l'article 1840 J du code général des impôts ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la SARL Escade soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, pour l'essentiel, la partie perdante ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'ya pas lieu de statuer sur les conclusions de la SARL Escade tendant à la décharge des impositions en litige à concurrence de la somme de 4 921 euros.

Article 2 : La SARL Escade est déchargée des majorations pour manquement délibéré dont est assorti le chef de rehaussement correspondant au rattachement des travaux facturés à M. A... à l'exercice clos en 2006.

Article 3 : La SARL Escade est déchargée en totalité de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1840 J du code général des impôts.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 novembre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Escade et au ministre des finances et des comptes publics.

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15NC00174


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00174
Date de la décision : 12/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : MAHDADI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-05-12;15nc00174 ?
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