Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Eurovia Lorraine a demandé au tribunal administratif de Nancy d'arrêter à la somme de 155 170,07 euros hors taxes (HT) soit 185 583,40 euros toutes taxes comprises (TTC), le décompte général et définitif du marché de " Travaux et d'aménagement et mise en sécurité des abords de l'école Robert Desnos " passé avec la commune d'Aingeray.
Par jugement n° 1102436 du 22 avril 2014, le tribunal administratif de Nancy a condamné la commune d'Aingeray à verser à la société Eurovia Lorraine une somme de 40 108,73 euros, correspondant au solde du marché, portant intérêts au taux légal, à compter du 5 juin 2010, qui seront capitalisés à compter du 5 juin 2011 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 juin 2014, et des mémoires enregistrés les 7 mai et 6 octobre 2015, la commune d'Aingeray, représentée par MeB..., demande à la Cour :
A titre principal :
1°) d'annuler le jugement du 22 avril 2014 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'arrêter le décompte général du marché à la somme de 165 008,53 euros TTC ;
3°) de constater qu'elle a d'ores et déjà réglé une somme de 145 474,46 euros ;
A titre subsidiaire et avant-dire droit :
4°) de prescrire une expertise aux fins de chiffrer les travaux réalisés qui ont été indispensables à la bonne exécution des ouvrages en tenant compte des bordereaux de prix unitaires, de proposer un compte entre les parties, de manière générale de fournir à la juridiction tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction saisie de déterminer les préjudices subis et les responsabilités encourues ;
En toute hypothèse :
5°) de condamner la société Eurovia Lorraine à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a jamais validé le devis en date du 7 octobre 2009 que lui a envoyé l'entreprise Eurovia après la réunion de la veille ;
- seul un bordereau de prix a été signé par le maire le 3 novembre 2009 ;
- elle a établi, le 25 février 2010, le décompte général et définitif pour un montant de 151 595,45 euros TTC et a, par courrier du 24 avril 2014, rejeté les réclamations de l'entreprise ;
- les demandes indemnitaires de la société Eurovia Lorraine pour travaux supplémentaires se fondent sur un mesurage qui n'a pas été effectué de manière contradictoire dans la mesure où cette opération s'est déroulée entre l'entreprise et la direction départementale de l'équipement et de l'agriculture (DDEA) de Meurthe-et-Moselle, maître d'oeuvre, qui n'était pas mandatée pour la représenter et qu'elle n'a pas été réalisée par un géomètre mais par l'entreprise ;
- elle n'a jamais accepté le procès-verbal de cette opération qui n'a été signé que par l'entreprise et la DDEA ;
- la société Eurovia Lorraine ne saurait se prévaloir uniquement de ses rapports avec le maître d'oeuvre ;
- la commune a fait réaliser un nouveau mesurage qui contredit celui précédemment effectué ;
- il existe un désaccord majeur sur les quantitatifs et les travaux réalisés ;
- l'attitude de la société Eurovia Lorraine qui persiste à refuser une mesure d'expertise démontre sa mauvaise foi.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 septembre 2014 et 24 septembre 2015, la société Eurovia Lorraine, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la commune d'Aingeray à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que la totalité de la somme due par la commune porte intérêts au taux de la banque centrale européenne augmenté de huit points, ces intérêts étant capitalisés à compter du 25 juin 2015 et à chaque échéance annuelle.
Elle soutient que :
- l'augmentation du volume des travaux réalisés, dans le cadre d'un marché à prix unitaire, doit être rémunérée par l'application des prix contenus dans le bordereau contractuel ;
- il n'était pas nécessaire de produire un nouveau devis pour le règlement des travaux supplémentaires ;
- la commune ne peut prétendre ne pas avoir eu connaissance de la quantité de travaux à réaliser dont un descriptif a été mentionné dans les comptes-rendus des réunions qui se sont tenues les 6, 13 et 14 octobre 2009 ;
- les quantités figurant dans le projet de décompte final ont été validées par le maître d'oeuvre en application des articles 12.1 et 12.4 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) - Travaux applicable au marché ;
- l'étude réalisée par un cabinet de géomètres, à la demande de la commune, n'a pas été effectuée de manière contradictoire et est inexacte, elle n'a aucune valeur probante ;
- l'expertise sollicitée par la commune n'est pas utile.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Etienvre ;
- les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., représentant la société Eurovia Lorraine.
1. Considérant que par marché de travaux à prix unitaires conclu le 21 novembre 2008 pour un montant de 129 335,95 euros hors taxes (HT), soit 154 709,72 euros toutes taxes comprises (TTC), la commune d'Aingeray a confié à la société Eurovia Lorraine l'aménagement et la mise en sécurité des abords de l'école Robert Desnos ; que la maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée à la direction départementale de l'équipement et de l'agriculture (DDEA) de Meurthe-et-Moselle ; qu'après réalisation des travaux, la société Eurovia Lorraine a établi un projet de décompte final s'établissant à 185 583,40 euros TTC ; que postérieurement à la notification, le 2 mars 2010, du décompte général de 151 595,45 euros TTC, la société Eurovia Lorraine, estimant avoir mis en oeuvre des quantités supérieures à celles prévues dans le détail quantitatif estimatif et réalisé des travaux supplémentaires, a présenté un mémoire en réclamation ; qu'après le rejet de cette réclamation, l'entreprise a saisi le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics (CCIRA) de Nancy puis le tribunal administratif de Nancy ; que la commune d'Aingeray relève appel du jugement du 22 avril 2014 par lequel le tribunal a arrêté à la somme de 185 533,40 euros TTC le montant du marché et l'a condamnée à payer à la société Eurovia Lorraine la somme de 40 108,73 euros TTC, correspondant au solde de ce marché, cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2010, ces intérêts étant capitalisés à compter du 5 juin 2011 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur le montant du décompte général définitif :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 2.1 du Cahier des Clauses Administratives Générales (CCAG) - Travaux applicable au présent marché : " ( ...) Le " maître d'oeuvre " est la personne physique ou morale qui, pour sa compétence technique, est chargée par le maître de l'ouvrage ou la personnes responsable du marché de diriger et de contrôler l'exécution des travaux et de proposer leur réception et leur règlement (...) " ; qu'aux termes de l'article 12.2 du même CCAG : " Des constatations contradictoires concernant les prestations exécutées ; quand il s'agit de travaux réglés sur prix unitaires, portent sur les éléments nécessaires au calcul des quantités à prendre en compte, tels que résultats de mesurages, jaugeages, comptages, et sur les éléments caractéristiques nécessaires à la détermination du prix unitaire à appliquer. " ;
En ce qui concerne les travaux supplémentaires :
3. Considérant que, comme cela lui avait été demandé lors de la réunion de chantier du
6 octobre 2009 à laquelle la commune d'Aingeray a été représentée, la société Eurovia Lorraine a procédé à la réalisation de travaux supplémentaires ; qu'elle a ainsi fourni des tampons de fonte, terrassé une fosse et démoli une dalle en béton ; que la société Eurovia Lorraine a demandé à être payée de ces travaux par une somme de 1 045,80 euros HT au titre des travaux supplémentaires dits PS1, une somme de 196,46 euros HT au titre des travaux supplémentaires dits PS2, une somme de 1 574,50 euros HT au titre des travaux supplémentaires dits PS3, une somme de 755,76 euros HT au titre des travaux supplémentaires dits PS4 et une somme de 1 170 euros HT au titre des travaux supplémentaires dits PS5 ; qu'il résulte de l'instruction que ces travaux ont été non seulement utiles mais aussi indispensables ; que la société peut en conséquence en être indemnisée sur la base des prix unitaires figurant sur le bordereau de prix qui a été signé le 3 novembre 2009 par le maire de la commune ; que celle-ci ne conteste pas qu'elle doit les sommes de 1 045,80 euros et 1 574,50 euros ; qu'en ce qui concerne les travaux supplémentaires dits PS2, PS4 et PS5, il résulte de l'instruction et notamment du constat dressé le 1er décembre 2009 en présence du maître d'oeuvre, lequel engage le maître d'ouvrage lors de l'accomplissement des fonctions qui lui sont dévolues par l'article 2.1 du CCAG, que la société a droit également au paiement, sur la base des quantités qu'elle retient et qui ne sont pas utilement combattues par la production par la commune de documents établis en 2014 de manière non contradictoire, des sommes de 196,46 euros, 755,76 euros et 1 170 euros ; que la commune d'Aingeray n'est en conséquence pas fondée à soutenir que c'est à tort qu'elle a été condamnée, par le jugement attaqué, à payer l'ensemble de ces sommes soit 4 752,52 euros HT ;
Sur l'augmentation dans la masse des travaux :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 15.1 du Cahier des Clauses Administratives Générales (CCAG) - Travaux applicable au présent marché : " Pour l'application du présent article et de l'article 16, la " masse " des travaux s'entend du montant des travaux à l'entreprise, évalués à partir des prix de base définis au 11 de l'article 13, en tenant compte éventuellement des prix nouveaux, définitifs ou provisoires, fixés en application de l'article 14. La "masse initiale" des travaux est la masse des travaux résultant des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus. (...) " ; qu'aux termes de l'article 15.21. : " Sous réserve de l'application des stipulations du 4 du présent article, L'entrepreneur est tenu de mener à son terme la réalisation des ouvrages faisant l'objet du marché, quelle que soit l'importance de l'augmentation de la masse des travaux qui peut résulter de sujétions techniques ou d'insuffisance des quantités prévues dans le marché ou encore de toute cause de dépassement autre que celles qui sont énoncées au 22 du présent article " ; qu'aux termes de l'article 15.22. : " L'entrepreneur n'est tenu d'exécuter des travaux qui correspondent à des changements dans les besoins ou les conditions d'utilisation auxquels les ouvrages faisant l'objet du marché doivent satisfaire que si la masse des travaux de cette espèce n'excède pas le dixième de la masse initiale des travaux (...) " ; qu'aux termes de l'article 15.3. : " Si l'augmentation de la masse des travaux est supérieure à l'augmentation limite définie à l'alinéa suivant, l'entrepreneur a droit à être indemnisé en fin de compte du préjudice qu'il a éventuellement subi du fait de cette augmentation au-delà de l'augmentation limite. L'augmentation limite est fixée : (...) - pour un marché sur prix unitaires, au quart de la masse initiale (...) " ; qu'aux termes de l'article 15.4. : " Lorsque la masse des travaux exécutés atteint la masse initiale, l'entrepreneur doit arrêter les travaux s'il n'a pas reçu un ordre de service lui notifiant la décision de les poursuivre prise par la personne responsable du marché. Cette décision n'est valable que si elle indique le montant limite jusqu'auquel les travaux pourront être poursuivis, le dépassement éventuel de ce montant limite devant donner lieu de la même procédure et entraîner les mêmes conséquences que celles qui sont définies ci-après pour le dépassement de la masse initiale. L'entrepreneur est tenu d'aviser le maître d'oeuvre, un mois au moins à l'avance de la date probable à laquelle la masse des travaux atteindra la masse initiale. L'ordre de poursuivre les travaux au-delà de la masse initiale, s'il est donné, doit être notifié dix jours au moins avant cette date. A défaut d'ordre de poursuivre, les travaux qui sont exécutés au-delà de la masse initiale ne sont pas payés et les mesures conservatoires à prendre, décidées par le maître d'oeuvre, sont à la charge du maître de l'ouvrage sauf si l'entrepreneur n'a pas adressé l'avis prévu ci-dessus. " ; qu'aux termes enfin de l'article 15.5 : " Dans les quinze jours qui suivent tout ordre de service ayant pour effet d'entraîner une modification de la masse des travaux, le maître d'oeuvre fait part à l'entrepreneur de l'estimation prévisionnelle qu'il fait de cette modification. Si l'ordre de service prescrit des travaux de l'espèce définie au premier alinéa du 22 du présent article, l'estimation précédente indique la part correspondant à ces travaux. " ;
5. Considérant qu'en vertu de l'article 1.3.1.1 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) les travaux d'aménagement et de mise en sécurité des abords de l'école Robert Desnos concernaient la chaussée, le plateau surélevé et les trottoirs de la rue de Liverdun (RD 90) ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des comptes rendus, établis par le maître d'oeuvre, des réunions de chantier des 6 octobre et 14 octobre 2009 auxquelles participaient également le maire d'Aingeray et un représentant de l'entreprise Eurovia, qu'il a été décidé de procéder à une extension des travaux dans la rue du Vau, la rue des Patureaux et la rue de l'Eglise ;
6. Considérant que la commune d'Aingeray conteste le quantum de l'augmentation de la masse des travaux résultant de cette extension ; que toutefois, un constat contradictoire des métrés définitifs a été établi le 1er décembre 2009 en présence du maître d'oeuvre et de l'entreprise ; que les quantités relevées correspondent à celles mentionnées dans le mémoire en réclamation ; que si la commune conteste le contenu de ces relevés, le constat dressé par huissier le 27 mars 2014 et le rapport de contrôle des quantités établi, à sa demande, par un géomètre expert le 24 juin 2014, réalisés plus de quatre ans après la fin des travaux et de manière non contradictoire, ne sont pas de nature à remettre en cause les constatations validées par le maître d'oeuvre qui agissant dans ses fonctions mentionnées à l'article 2.1 précité du CCAG engage le maître de l'ouvrage ; qu'il s'ensuit que la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est également à tort qu'elle a été condamnée par le jugement attaqué à payer la somme de 21 490,11 euros HT réclamée à ce titre par la société Eurovia Lorraine ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de prescrire l'expertise qu'elle sollicite, que la commune d'Aingeray n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a fixé le montant du décompte général et définitif du marché à 185 583,40 euros TTC et l'a ainsi condamnée à payer à la société Eurovia Lorraine la somme restant due de 40 108,73 euros ;
Sur les conclusions de la société Eurovia Lorraine tendant au paiement des intérêts et leur capitalisation :
8. Considérant que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a jugé que la somme de 40 108,73 euros que la commune d'Aingeray est condamnée à payer à la société Eurovia Lorraine devait être assortie des intérêts au taux légal et décidé leur capitalisation à compter du 5 juin 2011 ainsi qu'à chaque échéance annuelle ; que la société Eurovia Lorraine, qui doit être regardée comme ayant entièrement obtenu satisfaction sur ce point, ne saurait en appel demander à nouveau que la somme de 40 108,73 euros soit assortie des intérêts ainsi que la capitalisation de ces intérêts ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Eurovia Lorraine, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la commune d'Aingeray la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune d'Aingeray à verser la somme de 1 500 euros à la société Eurovia Lorraine sur le fondement des mêmes dispositions ;
D É C I DE :
Article 1er : La requête de la commune d'Aingeray est rejetée.
Article 2 : La commune d'Aingeray versera une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à la société Eurovia Lorraine en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Eurovia Lorraine est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Aingeray et à la société Eurovia Lorraine.
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