La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2016 | FRANCE | N°15NC02153

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 10 mai 2016, 15NC02153


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...C...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 18 juin 2015 par lequel le préfet de la Haute-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1501422 du 6 octobre 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

M. E..

.A...C...a également demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...C...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 18 juin 2015 par lequel le préfet de la Haute-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1501422 du 6 octobre 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

M. E...A...C...a également demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2015 ordonnant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1502431 du 23 novembre 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 octobre 2015 et 30 mars 2016 sous le n° 15NC02153, M. E... A...C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 6 octobre 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Haute-Marne du 18 juin 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Marne de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la délégation de signature en faveur du signataire de l'arrêté contesté est trop générale ;

- la décision lui refusant un titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ne sont pas suffisamment motivées ;

- l'arrêté contesté méconnaît ses droits familiaux dès lors qu'il établit s'être occupé de son fils aîné depuis sa naissance, en a obtenu la garde alternée par décision du tribunal de grande instance de Chaumont du 19 novembre 2015 et est de nouveau père d'un enfant français né le 15 février 2016 ;

- il méconnaît la directive retour dès lors qu'il ne présente aucune menace réelle pour la société française, ni aucun risque de fuite, étant père d'un enfant dont il a la charge ;

- il méconnaît les stipulations des articles 2, 7, 8, 9 et 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants ;

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 décembre 2015, 3 mars 2016 et 4 avril 2016, le préfet de la Haute-Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 31 mars 2016.

II. Par une requête enregistrée le 16 décembre 2015, sous le n° 15NC02486, M. E... A...C..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement rendu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le 23 novembre 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Haute-Marne du 19 novembre 2015 ;

3°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté n'est pas motivé ;

- il présentait des garanties de représentation propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre dès lors qu'il démontre s'occuper de son fils, qu'il en a la garde alternée et que sa compagne était enceinte à la date de la décision contestée ;

- l'obligation de se présenter une fois par jour au commissariat de police de Chaumont et l'interdiction de sortir de cette ville portent atteinte à sa liberté ;

- l'arrêté porte une atteinte disproportionnée à son droit à la liberté et à la sécurité garanti par l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2016, le préfet de la Haute-Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 31 mars 2016.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dhiver a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. A...C..., ressortissant tunisien né le 29 mai 1988 est entré en France le 20 mars 2011, selon ses déclarations ; qu'il s'est marié le 12 octobre 2013 avec une ressortissante française, avec laquelle il a eu un enfant, né le 16 juillet 2014 ; que, par un arrêté du 18 juin 2015, le préfet de la Haute-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'issue de ce délai ; que, suite à une interpellation par les services de police, M. A...C...a été assigné à résidence par arrêté du préfet de la Haute-Marne du 19 novembre 2015 ; que M. A...C...relève appel, par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, des jugements du 6 octobre 2015 et du 23 novembre 2015 par lesquels le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des deux arrêtés des 18 juin 2015 et 19 novembre 2015 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

3. Considérant que si M. A...C...est séparé de son épouse, ressortissante française, il ressort des pièces du dossier qu'il a assuré l'entière prise en charge son fils, né le 16 juillet 2014, d'avril à novembre 2015 ; que, depuis cette date, l'intéressé s'est vu attribuer, par une ordonnance du juge des affaires familiales du tribunal de grande instance de Chaumont du 19 novembre 2015 intervenue dans le cadre de la procédure de divorce qu'il a engagée, la garde alternée de l'enfant par périodes de deux à quatre mois ; que le requérant justifie, par la production notamment d'attestations de consultation délivrées par les services de la protection maternelle et infantile du conseil général de la Haute-Marne et de plusieurs factures et tickets de caisse relatifs à des achats pour nourrisson, qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de son fils ; qu'en outre, M. A... C...vit depuis le premier trimestre 2015 avec une autre ressortissante française, enceinte à la date de la décision contestée, et a reconnu par anticipation l'enfant né le 15 février 2016 ; que M. A...C...établit la réalité des liens affectifs dont il se prévaut ainsi que la stabilité et l'intensité de ses liens personnels et familiaux en France ; que, dans les circonstances de l'espèce, la décision du préfet de la Haute-Marne refusant à M. A... C...la délivrance d'un titre de séjour, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et a ainsi méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, M. A...C...est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 18 juin 2015 et, par voie de conséquence, l'annulation de la décision du 19 novembre 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Marne l'a assigné à résidence ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que M. A...C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. A...C...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Haute-Marne de délivrer ce titre à M. A...C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant, en premier lieu, que la présente instance n'a donné lieu à aucun dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ; que, par suite, les conclusions présentées par M. A...C...tendant à ce que l'Etat soit condamné aux dépens ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées ;

7. Considérant, en second lieu, d'une part, que M. A...C..., pour le compte de qui les conclusions de la requête n° 15NC02153 relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée pour cette instance ; que, d'autre part, l'avocat de M. A...C...n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de M. A...C...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;

D E C I D E :

Article 1er : Les jugements n°1501422 du 6 octobre 2015 et n° 1502431 du 23 novembre 2015 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, ainsi que les arrêtés du préfet de la Haute-Marne des 18 juin 2015 et 19 novembre 2015 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Marne de délivrer à M. A...C...une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Marne.

''

''

''

''

3

N°15NC02153, 15NC02486


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02153
Date de la décision : 10/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: Mme Pascale ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : KDHIR

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-05-10;15nc02153 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award