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07/04/2016 | FRANCE | N°15NC00382

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 07 avril 2016, 15NC00382


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du directeur des services départementaux de l'éducation nationale du 6 septembre 2010 portant mutation.

Par un jugement n° 1202793 du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2015, Mme A...C

..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1) d'annuler ce jugement du tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du directeur des services départementaux de l'éducation nationale du 6 septembre 2010 portant mutation.

Par un jugement n° 1202793 du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2015, Mme A...C..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 décembre 2014 ;

2) de surseoir à statuer dans l'attente de l'ordonnance de règlement du juge d'instruction saisie de sa plainte avec constitution de partie civile du 12 novembre 2012 ;

3) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 6 septembre 2010 ;

4) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la bonne administration de la justice impose qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du résultat de sa plainte avec constitution de partie civile, relative au harcèlement moral dont elle a fait l'objet ;

- la décision du 6 septembre 2010 a été annulée par le tribunal administratif de Nancy par un jugement n° 1001809 du 13 mars 2012 ; cette illégalité constitue une faute ; cette décision ne constitue pas un déplacement dans l'intérêt du service mais une sanction à son encontre ; elle a en outre été harcelée moralement par la directrice de l'école Guynemer de Pont-à-Mousson sans que l'administration prenne les mesures adéquates pour y remédier ;

- elle a subi un important préjudice matériel et financier qui s'élève à 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2015, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- l'annulation pour vice de procédure de la décision du 6 septembre 2010 n'est pas susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, la décision étant justifiée au fond ;

- les autres moyens soulevés par l'intéressée ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1001809 du 13 mars 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fuchs,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que MmeC..., qui exerce les fonctions de professeur des écoles depuis 1984, a été affectée à compter du mois de septembre 2009 à l'école maternelle publique Guynemer de Pont-à-Mousson ; que par une décision du 6 septembre 2010, l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale de Meurthe-et-Moselle, l'a affectée à compter du 1er septembre 2010, en surnombre, à disposition de l'inspecteur de l'éducation nationale de Pont-à-Mousson, à titre provisoire et jusqu'à sa nomination à l'école élémentaire publique de Montauville ; que, par un jugement du 13 mars 2012 devenu définitif, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision en raison de l'absence de consultation de la commission administrative paritaire préalablement à cette mutation d'office ; que la requérante relève appel du jugement du 31 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros à raison de l'illégalité de cette décision ;

Sur les conclusions aux fins de sursis à statuer :

2. Considérant que Mme C...demande à la cour qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision juridictionnelle consécutive à sa plainte avec constitution de partie civile relative au harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet ; que l'administration fait toutefois valoir, sans être contestée, que cette plainte a été classée sans suite ; qu'en tout état de cause, en raison de l'indépendance des procédures pénales et administratives, ces conclusions doivent être rejetées ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

3. Considérant que le tribunal administratif de Nancy, dans son jugement n° 1001809 du 13 mars 2012 devenu définitif, a annulé la décision du 6 septembre 2010 au motif qu'en méconnaissance de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 visée ci-dessus, la mutation de Mme C..., qui emportait changement de résidence administrative, n'avait pas été précédée de la consultation de la commission administrative paritaire compétente ; que ce vice de procédure constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

4. Considérant, toutefois, que cette faute ne saurait donner lieu à réparation si la même décision aurait pu être prise au terme d'une procédure régulière ;

5. Considérant que Mme C...fait valoir que sa mutation d'office n'a pas été prise dans l'intérêt du service et constitue une sanction à son encontre, alors même qu'elle a été, au cours de l'année scolaire 2009-2010, victime de harcèlement moral de la part de la directrice de l'école et de ses collègues ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 visée ci-dessus : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) " ;

7. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ;

8. Considérant que Mme C...soutient qu'elle aurait progressivement été mise à l'écart du fonctionnement de l'école par la directrice et qu'elle aurait été victime de propos virulents et de comportements blessants de la part de ses collègues, relatifs notamment à son handicap ; que les pièces qu'elle produit, en particulier les nombreux courriers émanant de parents d'élèves qui portent une appréciation positive sur ses enseignements et attestent de l'existence d'une mauvaise ambiance de travail au sein de l'école, ne permettent cependant pas de présumer l'existence de comportements vexatoires de la directrice de l'école et de ses collègues, pas plus que les certificats médicaux qui se bornent à constater un " état d'anxiété généralisé (...) en lien avec des difficultés au sein de son travail " ; que le ministre, qui admet l'existence d'une situation conflictuelle au sein de l'école, souligne le rôle majeur du comportement de la requérante dans cette situation, qui a en particulier largement contribué à impliquer les parents d'élèves dans un conflit qui aurait dû demeurer interne à l'équipe pédagogique ; qu'un tel comportement a déjà été reproché à Mme C...au cours de sa carrière à au moins deux reprises ; que, par suite, il n'est pas établi que les agissements allégués sont constitutifs d'un harcèlement moral au sens des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ;

9. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à compter de la prise de poste de Mme C... au sein de l'école Guynemer, de vives tensions sont apparues entre la requérante et la directrice de l'école ; que ce conflit, qui s'est progressivement étendu à l'ensemble des personnels de l'école maternelle, a eu des répercussions négatives sur le fonctionnement de celle-ci, sur l'équipe éducative ainsi que sur ses usagers ; qu'ainsi, la décision en litige, qui a été prise dans l'intérêt du service, ne constitue pas une sanction déguisée ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

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N° 15NC00382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00382
Date de la décision : 07/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-01-02 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Affectation et mutation. Mutation.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BERNARD VOUAUX TONTI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-04-07;15nc00382 ?
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