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07/04/2016 | FRANCE | N°15NC00279

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 07 avril 2016, 15NC00279


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser la somme de 101 258,88 euros en remboursement des indemnités versées aux consorts E...-C... à la suite de l'assassinat de M. F...E...le 20 mars 2007.

Par un jugement n° 1205032 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a limité à 52 258,88 euros la somme mise à la charge de l'Etat.

Procédure devant la cour :


Par une requête enregistrée le 9 février 2015, le Fonds de garantie des victimes d'acte...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser la somme de 101 258,88 euros en remboursement des indemnités versées aux consorts E...-C... à la suite de l'assassinat de M. F...E...le 20 mars 2007.

Par un jugement n° 1205032 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a limité à 52 258,88 euros la somme mise à la charge de l'Etat.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 février 2015, le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, représentée par la SELAFA Cabinet Cassel, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 décembre 2014 en ce qu'il a limité à 52 258,88 euros le montant de la somme allouée ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 101 258,88 euros en remboursement des indemnités versées aux consorts E...-C... à la suite de l'assassinat de M. F...E...le 20 mars 2007, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée dès lors que l'assassin de M. F...E...avait bénéficié d'une permission de sortir d'une journée au terme de laquelle il n'avait pas réintégré l'établissement pénitentiaire ;

- ayant pris en charge l'indemnisation des parents, du frère et de la compagne de la victime, il est subrogé dans les droits de ces derniers en application de l'article 706-11 du code de procédure pénale ;

- le préjudice moral subi par les parents et la compagne de la victime doit être évalué pour chacun d'entre eux à 30 000 euros ;

- compte tenu des frais d'obsèques supportés par la compagne de la victime, pour un montant non contesté de 3 258,88 euros, et du préjudice moral subi par le frère de la victime, évalué à 8 000 euros, le montant total de l'indemnité s'établit à 101 258,88 euros.

La clôture d'instruction a été fixée au 21 octobre 2015 par une ordonnance du 30 septembre 2015 prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 octobre 2015, la garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que :

- le principe de la responsabilité sans faute de l'Etat n'est pas contesté ;

- il appartient au juge administratif d'évaluer le montant du préjudice sans s'estimer tenu par l'évaluation retenue par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions ;

- les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ce montant en allouant la somme de 52 258,88 euros au fonds de garantie.

L'instruction a été rouverte par une ordonnance du 21 octobre 2015 prise en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour le Fonds de garantie.

1. Considérant que M. A...D..., condamné à plusieurs reprises et en dernier lieu à une peine de dix ans de prison par la cour d'appel de Besançon le 27 juin 2000, a bénéficié le 13 mars 2007 d'une permission de sortir d'une journée, au terme de laquelle il n'a pas rejoint le centre de détention de Meaux où il purgeait sa peine ; que le 20 mars 2007, l'intéressé, assisté d'un complice, a assassiné M. F...E... ; que M. A...D...et son complice, tous deux en état de récidive, ont été condamnés à raison de ces faits le 1er juillet 2010 par la cour d'assises d'appel du Bas-Rhin, respectivement, à la réclusion criminelle à perpétuité et à une peine de trente ans de réclusion criminelle ; que, par un arrêt du même jour, la cour d'assises, statuant sur l'action civile, les a également condamnés solidairement à réparer les préjudices subis par les parents et le frère de M.E..., ainsi que par sa compagne, Mme C...; que, saisie par les ayant-droits de la victime, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions près le tribunal de grande instance de Strasbourg a mis à la charge du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions la somme de 101 258,88 euros, à verser aux consorts E...-C... ; que par application de l'article 706-11 du code de procédure pénale, le Fonds de garantie a demandé à l'Etat de lui rembourser l'intégralité de cette somme, en faisant valoir que la responsabilité sans faute de celui-ci était engagée sur le fondement du risque spécial créé par la permission de sortir accordée à M. A...D...; que par un jugement du 18 décembre 2014, dont le Fonds de garantie relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a limité à 52 258,88 euros la somme mise à la charge de l'Etat ;

2. Considérant que les mesures de libération conditionnelle, de permission de sortir et de semi liberté constituent des modalités d'exécution des peines qui ont été instituées à des fins d'intérêt général et qui créent, lorsqu'elles sont utilisées, un risque spécial pour les tiers susceptible d'engager, même en l'absence de faute, la responsabilité de l'État ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté par le ministre de la justice que l'assassinat de M. F...E...présente un lien de causalité direct et certain avec la permission de sortir accordée quelques jours plus tôt à M. A...D... ; que cette mesure de permission de sortir est de nature à engager la responsabilité sans faute de l'Etat, dont celui-ci ne saurait obtenir une exonération totale ou partielle qu'en cas de force majeure ou de faute de la victime ; qu'à cet égard et contrairement à ce que soutenait le ministre de la justice devant les premiers juges, le fait d'un tiers, co-auteur du dommage, est sans incidence sur l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat ;

3. Considérant qu'en vertu des articles 706-3 et 706-4 du code de procédure pénale, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits, volontaires ou non, qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut, sous certaines conditions se trouvant réunies en l'espèce, obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne auprès d'une commission d'indemnisation des victimes d'infractions, juridiction civile instituée dans le ressort de chaque tribunal de grande instance ; que le dernier alinéa de l'article 706-9 du même code dispose que les indemnités allouées à ce titre sont versées par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions ; qu'aux termes de l'article 706-11 de ce code : " Le fonds est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes (...) " ;

4. Considérant, toutefois, que la nature et l'étendue des réparations incombant à une collectivité publique ne dépendent pas de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige auquel cette collectivité n'a pas été partie, mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles relatives à la responsabilité des personnes morales de droit public ;

5. Considérant, d'une part, que ni le Fonds de garantie, ni le ministre de la justice ne contestent le jugement frappé d'appel en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme de 3 258,88 euros au titre des frais d'obsèques supportés par la compagne de M. E...et une somme de 8 000 euros au titre du préjudice moral subi par le frère de la victime ;

6. Considérant, d'autre part, qu'eu égard à la souffrance ressentie à la suite de l'assassinat de leur fils, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les parents de M. E...en portant le montant de ce chef de préjudice, pour chacun d'entre eux, de 8 000 euros à 30 000 euros ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par la compagne de M.E..., compte tenu de la peine éprouvée à la suite de l'assassinat de ce dernier, en portant le montant de ce chef de préjudice de 25 000 euros à 30 000 euros ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Fonds de garantie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a limité à 52 258,88 euros le montant de la condamnation mise à la charge de l'Etat, qu'il y a lieu de porter à la somme totale de 101 258,88 euros ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le Fonds de garantie et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme que l'Etat est condamné à verser au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions en réparation des préjudices subis par les ayant-droits de M. F...E...est portée de 52 258,88 euros à 101 258,88 euros (cent un mille deux cent cinquante-huit euros et quatre-vingt huit centimes).

Article 2 : Le jugement n°1205032 du 18 décembre 2014 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions et au garde des sceaux, ministre de la justice.

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