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07/04/2016 | FRANCE | N°15NC00134

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 07 avril 2016, 15NC00134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner les Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser, dans le dernier état de ses écritures, la somme de 211 000 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 14 novembre 2007.

La Mutuelle générale, mise en cause dans l'instance, a demandé la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser la somme de 5 914,19 euros en remboursement des débours exposé

s pour le compte de MmeD....

La caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, mi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner les Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser, dans le dernier état de ses écritures, la somme de 211 000 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 14 novembre 2007.

La Mutuelle générale, mise en cause dans l'instance, a demandé la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser la somme de 5 914,19 euros en remboursement des débours exposés pour le compte de MmeD....

La caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, mise en cause dans l'instance, a demandé la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser la somme de 5 873,07 euros en remboursement des débours exposés pour le compte de MmeD....

Par un jugement n° 1103426 du 25 novembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de MmeD..., ainsi que les conclusions de la Mutuelle générale et de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 janvier 2015, un mémoire complémentaire enregistré le 10 septembre 2015 et un mémoire récapitulatif présenté en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 20 janvier 2016, Mme E..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 novembre 2014 ;

2°) à titre principal, de condamner les Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser la somme de 276 000 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) à titre subsidiaire, après avoir mis en cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), de condamner celui-ci à lui verser la somme de 276 000 euros en réparation de ses préjudices ;

4°) de mettre les dépens, incluant les frais d'expertise et les droits de timbre et de plaidoirie, à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg et de l'ONIAM, ainsi qu'une somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'intervention chirurgicale subie le 14 novembre 2007 en vue de résorber une rectocèle n'était pas nécessaire ;

- la technique opératoire utilisée, dite " Trans-starr ", était en cours d'expérimentation et présentait des risques pour les patients ;

- cette technique n'était pas recommandée eu égard à sa situation médicale et à ses antécédents ;

- elle n'a pas été informée des risques présentés par l'opération, en méconnaissance de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique ;

- elle n'a pas été en mesure de donner un consentement éclairé à cette opération, en méconnaissance de l'article L. 1111-4 du même code ;

- elle remplit les conditions requises par les articles L. 1142-1-II et D. 1142-1 du code de la santé publique pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ;

- elle subit un préjudice professionnel évalué à 100 000 euros ;

- le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées et le préjudice d'agrément temporaire s'établissent, respectivement, à 14 400 euros, 16 200 euros et 10 000 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent doit être évalué à 25 %, lui ouvrant droit à une indemnité de 30 000 euros ;

- elle continue de subir des souffrances évaluées à 20 000 euros ;

- le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément définitif et le préjudice sexuel s'établissent respectivement à 20 000 euros, 30 000 euros et 30 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 juin 2015, complété par un mémoire de production enregistré le 2 septembre 2015, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, représentés par MeB..., concluent au rejet de la requête.

Les Hôpitaux universitaires de Strasbourg font valoir que :

- si l'intervention chirurgicale n'était pas urgente, elle était médicalement justifiée dès lors que la rectocèle pouvait évoluer défavorablement ;

- la technique opératoire mise en oeuvre était la plus adaptée à l'état sanitaire de la patiente ;

- la requérante a été informée des risques présentés par cette technique opératoire dans des conditions lui permettant de donner un consentement éclairé à l'intervention chirurgicale ;

- le déficit fonctionnel temporaire, le déficit fonctionnel permanent et les souffrances endurées sont surévalués ;

- le préjudice professionnel, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel ne sont pas établis ;

- la requérante ne justifie pas de ce que le changement de son poste professionnel serait imputable à l'intervention chirurgicale litigieuse.

Par deux mémoires enregistrés le 6 août 2015 et le 30 septembre 2015, la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, représentée par MeC..., conclut à la réformation du jugement attaqué et demande à la cour, par la voie d'un appel incident :

1°) de condamner les Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser la somme de 5 873,07 euros en remboursement des débours exposés pour le compte de la requérante, cette somme étant assortie des intérêts à compter du 16 janvier 2014 et de la capitalisation de ces intérêts ;

2°) de condamner les Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

3°) de réserver les droits de la caisse sur les prestations à venir ;

4°) de mettre à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie soutient que :

- la responsabilité des Hôpitaux universitaires de Strasbourg est engagée pour faute ;

- les frais d'hospitalisation et les dépenses de santé exposés à la suite de la prise en charge défectueuse de la requérante s'établissent, respectivement, à 2 028,54 euros et à 3 844,53 euros.

Par un mémoire enregistré le 10 décembre 2015, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par la SCP UGGC Avocats, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, et, à titre subsidiaire, à ce que la cour ordonne une expertise.

L'ONIAM fait valoir que :

- la demande formée à son encontre pour la première fois en appel est irrecevable ;

- les conditions requises pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies dès lors que la responsabilité de l'établissement de santé est engagée pour faute pour avoir pratiqué une intervention chirurgicale dépourvue d'utilité et pour avoir manqué à son obligation d'information ;

- il n'est pas établi que les préjudices dont la requérante demande réparation seraient imputable à un accident médical ;

- ces préjudices ne présentent pas de caractère anormal ;

- il appartient à la cour, dans l'hypothèse où elle s'estimerait insuffisamment informée, de désigner un expert chargé de déterminer si les conditions sont réunies pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale.

Une mise en demeure a été adressée le 8 juin 2015, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, à La Poste et à la Mutuelle générale qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour MmeD....

1. Considérant que MmeD..., née le 29 août 1955, a été prise en charge par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg le 14 novembre 2007, en vue du traitement chirurgical d'une rectocèle ; que l'intéressée a présenté des symptômes d'urgences défécatoires et d'incontinence anale à la suite de cette opération et, estimant que des fautes avaient été commises lors de sa prise en charge, a recherché la responsabilité de l'établissement de santé devant le tribunal administratif de Strasbourg ; que par un jugement du 25 novembre 2014, les premiers juges ont rejeté la demande de Mme D...tendant à la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à réparer ses préjudices, ainsi que les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin en vue d'obtenir le remboursement des débours exposés pour le compte de l'intéressée ; que Mme D...relève appel de ce jugement et, dans le dernier état de ses écritures présentées devant la cour, réitère, à titre principal, sa demande tendant à la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à l'indemniser de ses préjudices et demande, à titre subsidiaire, la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au motif qu'elle a été victime d'un accident médical indemnisable au titre de la solidarité nationale ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin réitère en appel sa demande de condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui rembourser les débours exposés pour le compte de la requérante ;

Sur la responsabilité des Hôpitaux universitaires de Strasbourg :

En ce qui concerne les actes médicaux pratiqués sur MmeD... :

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, qu'une rectocèle antérieure avec défaut de vidange en fin d'exonération a été diagnostiquée chez Mme D...le 13 mars 2007 ; que, selon le courrier rédigé le 22 août 2007 par son médecin traitant, spécialisé en gastroentérologie, à l'attention du chirurgien des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, cette rectocèle était mal tolérée et se trouvait à l'origine, pour la requérante, d'une gêne sexuelle ; que si l'expert qualifie l'opération du 14 novembre 2007 d'intervention chirurgicale " de confort ", celle-ci était justifiée par la gêne que ressentait la patiente ; qu'en outre, l'expert précise dans ses conclusions qu'en l'absence d'intervention chirurgicale, la rectocèle aurait, à terme, augmenté de volume et provoqué une constipation terminale, une dilatation valvaire et l'apparition d'un prolapsus ; que, par suite, il n'est pas établi que l'intervention subie par Mme D...aurait présenté un caractère inutile de nature à révéler une faute des Hôpitaux universitaires de Strasbourg ;

4. Considérant, en second lieu, que le traitement chirurgical de la rectocèle de Mme D... a été réalisé par la voie anale selon la méthode dite " Trans-Starr ", impliquant la résection de la paroi rectale au moyen d'une agrafeuse mécanique ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que cette méthode tend à remplacer, pour les interventions par la voie anale, l'ancienne technique dite " de Sullivan ", sans pour autant constituer une méthode expérimentale ; que ce geste opératoire peut s'accompagner d'effets secondaires comme l'urgence fécale, en raison de la réduction de l'ampoule rectale induite par l'opération, et doit être pratiqué en tenant compte des capacités de continence sphinctérienne de la patiente ; qu'il n'est pas établi que Mme D... aurait présenté une contre-indication à cet égard, alors en outre que, dans ses conclusions, l'expert précise qu'il n'y a eu aucun manquement dans la réalisation du bilan préopératoire ; que contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas de l'article médical produit à l'instance que l'accouchement d'enfants présentant un poids important, l'âge de la patiente lors de l'opération et son éventuelle ménopause constitueraient des contre-indications au traitement chirurgical selon la méthode dite " Trans-Starr ", ces circonstances étant seulement envisagées comme prédisposant au développement d'une rectocèle ; que, selon l'expert, l'intervention dont Mme D...a fait l'objet le 14 novembre 2007 a été réalisée dans les règles de l'art ; que par ailleurs, l'expert précise, dans ses conclusions, qu'une intervention par la voie haute trans-abdominale n'était pas recommandée, en l'absence de gestes associés tendant à la résorption d'un prolapsus ou à la réparation de lésions urinaires ou génitales ; qu'il écarte expressément toute intervention par la voie trans-périnéo-vaginale, contre-indiquée chez la patiente en raison d'antécédents chirurgicaux récents ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que les praticiens des Hôpitaux universitaires de Strasbourg auraient commis une faute en recourant à la technique de " Trans-Starr " pour traiter la rectocèle de Mme D... ;

En ce qui concerne l'information de Mme D...sur son état de santé :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen " ; que le droit du patient d'être informé lui permet de se prononcer sur les soins que requiert son état de santé et de donner, le cas échéant, son consentement éclairé au traitement proposé dans les conditions prévues par L. 1111-4 du même code ;

6. Considérant que par une attestation signée le 13 novembre 2007, veille de l'intervention litigieuse, Mme D...indique donner son consentement à la réalisation de cette opération en certifiant notamment que l'ensemble des risques et complications potentiels de cette chirurgie lui a été clairement indiqué ; que cette attestation se réfère à l'entretien individuel du 8 octobre 2007 au cours duquel le praticien des Hôpitaux universitaires de Strasbourg a délivré l'information prévue par l'article L. 1111-2 précité du code de la santé publique à la patiente ; que dans ces conditions, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg apportent la preuve qu'avant la réalisation de l'opération du 14 novembre 2007, Mme D...a été informée des risques qu'elle encourait du fait de cette intervention ; qu'ainsi, elle s'est trouvée en mesure de donner son consentement éclairé au traitement proposé ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... et la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg ;

Sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :

8. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa version applicable à la date du fait générateur du dommage : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I (...) n'est pas engagée, un accident médical (...) ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret " ; qu'aux termes de l'article D. 1142-1 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Un accident médical (...) présente également le caractère de gravité mentionné à l'article L. 1142-1 lorsque la durée de l'incapacité temporaire de travail résultant de l'accident médical (...) est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical (...) occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence " ; qu'aux termes de l'article L. 1142-22 du même code : " L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est un établissement public à caractère administratif de l'Etat, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé. Il est chargé de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale, dans les conditions définies au II de l'article L. 1142-1, à l'article L. 1142-1-1 et à l'article L. 1142-17, des dommages occasionnés par la survenue d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale (...) " ;

9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 ;

10. Considérant que la condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ;

11. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, qu'en l'absence d'intervention chirurgicale, la rectocèle dont souffrait Mme D...aurait, à terme, augmenté de volume, provoquant une constipation terminale, une dilatation valvaire et l'apparition d'un prolapsus ; que cette rectocèle, devenue un diverticule intra-vaginal selon l'expert, aurait contraint l'intéressée à réaliser des manoeuvres endo-vaginales afin d'assurer l'évacuation des matières fécales ; que si Mme D...souffre d'urgences défécatoires depuis l'intervention chirurgicale, l'expert précise que ces urgences contraignent actuellement la requérante à aller à la selle cinq à sept fois par jour, en début de matinée, sans s'accompagner d'incontinence anale réelle ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, les conséquences de l'intervention ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles la patiente était exposée par sa pathologie en l'absence de traitement ;

12. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, notamment des études statistiques sur les conséquences postopératoires observées à la suite d'une intervention portant sur une rectocèle, reprises dans le rapport de l'expert, que 20 % des patientes présentent des urgences défécatoires au cours des six mois suivant l'opération, que 8 % d'entre elles présentent encore ce symptôme après un délai de six mois, et que 1,8 % de ces mêmes patientes en sont toujours affectées au-delà d'un an ; qu'en outre, il résulte du rapport d'expertise et des documents médicaux produits par la requérante que les troubles de la continence qu'elle a présentés après l'opération sont imputables non seulement à la réduction de l'ampoule rectale, induite par cette opération, mais également à d'autres facteurs, notamment une diarrhée motrice en lien avec un trouble du transit intestinal ; qu'à cet égard, le chef du service de physiologie digestive du centre hospitalier universitaire de Rouen, consulté par Mme D..., précise, dans le compte-rendu d'hospitalisation du 4 novembre 2008, que le rôle du transit est sans doute prépondérant dans l'origine des urgences défécatoires subies par l'intéressée ; que si le risque de subir des urgences défécatoires au-delà d'un an après l'opération revêt, en principe, un caractère exceptionnel, il en va autrement lorsque, comme dans le cas de MmeD..., ces séquelles sont également imputables à la physiologie de la patiente ; qu'ainsi, elles ne peuvent être regardées en l'espèce comme résultant de la réalisation d'un risque présentant une probabilité faible ; que, par suite, la condition d'anormalité requise pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale n'est pas remplie ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par l'ONIAM, que les conclusions présentées par Mme D... tendant à obtenir réparation de ses préjudices au titre de la solidarité nationale ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'aucun dépens n'ayant été exposé au titre de la présente instance, les conclusions présentées à ce titre par Mme D...ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ; qu'en outre, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg ou de l'ONIAM, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme D...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D...et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E..., aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg, à La Poste, à la Mutuelle générale, à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

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