La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/2016 | FRANCE | N°15NC01312

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 31 mars 2016, 15NC01312


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL DPSI (Didier Palisseau Sécurité Incendie) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 9 avril 2013 par laquelle la société Apave lui a retiré à compter du 21 mai 2013 la délégation qui l'autorisait à réaliser des opérations de requalification périodique d'équipements sous pression.

Par une ordonnance du 28 juin 2013, le président de la 7ème section du tribunal administratif de Paris a transmis le dossier au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.>
Par un jugement n° 1301148 du 21 avril 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Ch...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL DPSI (Didier Palisseau Sécurité Incendie) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 9 avril 2013 par laquelle la société Apave lui a retiré à compter du 21 mai 2013 la délégation qui l'autorisait à réaliser des opérations de requalification périodique d'équipements sous pression.

Par une ordonnance du 28 juin 2013, le président de la 7ème section du tribunal administratif de Paris a transmis le dossier au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Par un jugement n° 1301148 du 21 avril 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de la SARL DPSI.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 juin 2015, la société DPSI, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301148 du 21 avril 2015 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler la décision de retrait de son habilitation ;

3°) de mettre à la charge de l'Apave une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dans la mesure où elle procède aux opérations de contrôles dans des locaux mis à sa disposition pour la durée des opérations de requalification, réservés à son activité et répondant aux exigences de sécurité, elle doit être regardée comme disposant de "locaux propres" au sens de l'arrêté ministériel du 15 mars 2000, sans que puisse lui être opposée la circonstance qu'elle n'est pas propriétaire des locaux, non plus que le caractère itinérant de son activité ;

- la décision contestée, qui ne tient pas compte des caractéristiques des locaux dans lesquels elle exerce son activité, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- dès lors que son activité s'exerce en toute sécurité et peut être contrôlée à tout moment, l'Apave a mis à sa charge des conditions d'exercice excessives et disproportionnées au regard des exigences des textes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les éléments fournis par la société, identiques à ceux produits devant le tribunal administratif, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation des premiers juges dans leur jugement dont il conviendra d'adopter les motifs ;

- le nouvel argument tenant à ce qu'un des clients de la société, un SDIS, est en mesure d'assurer la sécurité dans ses locaux, est sans influence sur le litige, un SDIS n'étant pas compétent pour se prononcer sur le respect des dispositions de l'arrêté ministériel du 15 mars 2000.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2016, la société Apave parisienne et la société Apave SA concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société DPSI.

Elles soutiennent que les moyens ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 février 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 25 février 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 28 octobre 1943 relative aux appareils à pression de vapeur employés à terre et aux appareils de pression à gaz employés à terre ou à bord des bateaux de navigation maritime ;

- la directive 97/23/CE du parlement européen et du conseil du 29 mai 1977 ;

- le décret n° 99-1046 du 13 décembre 1999 ;

- l'arrêté ministériel du 15 mars 2000 relatif à l'exploitation des équipements sous pression modifié notamment par l'arrêté du 31 janvier 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société DPSI a été autorisée, par une décision du 1er octobre 2010, à procéder à des contrôles appelés "requalifications périodiques" portant sur des équipements sous pression au cours de leur utilisation. Un arrêté ministériel du 31 janvier 2011, dont la légalité a été confirmée par un arrêt du Conseil d'Etat du 19 octobre 2012, a prévu que ces contrôles devaient être effectués dans les "propres locaux" des organismes ainsi habilités. La société DPSI a, alors, cessé d'effectuer une partie de ces requalifications périodiques dans un véhicule qu'elle avait spécialement aménagé à cet effet. Toutefois, constatant que la société effectuait certaines de ces opérations dans les locaux des détenteurs d'appareils sous pression, la société Apave a, par la lettre du 9 avril 2013 contestée, informé la société qu'elle lui retirait l'autorisation accordée le 1er octobre 2010 à compter du 31 mai 2013 et qu'elle émettrait à cette date une nouvelle délégation pour les seules opérations de requalifications effectuées dans les locaux exploités directement et exclusivement par la société situés à Berru, Aix-les-Bains, au Mans et à Montauban. La société DPSI interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 avril 2013.

Sur la compétence juridictionnelle :

2. Indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public. Même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission.

3. Les opérations de contrôle des équipements sous pression régies par la loi du 28 octobre 1943 alors en vigueur relative aux appareils à pression de vapeur et qui relèvent des autorités de l'Etat, peuvent être déléguées, en application du titre IV du décret d'application du 13 décembre 1999, à des organismes habilités ou certifiés, tels que, comme en l'espèce, les sociétés du groupe Apave.

4. La loi du 28 octobre 1943, qui a pour objet d'assurer la sécurité des appareils destinés à la production, l'emmagasinage ou la mise en oeuvre de fluides sous une pression supérieure à la pression atmosphérique, prévoit que des décrets en Conseil d'Etat pourront fixer les conditions de construction, de mise en service, d'installation, d'entretien et d'emploi de ces matériels. Elle confère aux agents des autorités chargées de contrôler ces appareils les pouvoirs de procéder à toutes constatations utiles, non seulement dans les lieux publics, mais également dans les locaux industriels et commerciaux et chantiers durant les horaires de travail, ainsi que, en cas d'explosion, dans les lieux et locaux sinistrés où ils auront libre accès pour l'exécution de l'enquête même en cas de refus des usagers. En cas d'explosion, ces agents peuvent exiger des constructeurs, réparateurs, vendeurs, propriétaires et usagers, communication de tous renseignements utiles à l'enquête. La loi leur donne également le pouvoir de dresser des procès-verbaux constatant les infractions à la loi et faisant foi jusqu'à preuve contraire.

5. En vertu du titre IV du décret du 13 décembre 1999 modifié, le ministre chargé de l'industrie prononce, après avis de la commission centrale des appareils à pression, l'habilitation des organismes indépendants qui seront chargés des missions prévues par la loi, ces organismes devant répondre aux critères définis à l'annexe IV du décret. La décision d'habilitation définit les missions pour lesquelles les organismes sont habilités ainsi que la durée de l'habilitation, qui peut être subordonnée au respect de certaines obligations. Les organismes sont placés sous le contrôle permanent des services de l'Etat.

6. Dans ces conditions, ces organismes habilités, tels que dans l'espèce les sociétés privées du groupe Apave, doivent être regardés, eu égard à l'intérêt général de leur activité, à leurs conditions de fonctionnement, aux obligations qui leur sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui leur sont assignés sont atteints, comme assurant une mission de service public confiée par l'administration. En conséquence, les litiges relatifs à leurs décisions relèvent de la compétence de la juridiction administrative.

Sur l'auteur de la décision contestée :

7. Il résulte de la combinaison de l'article 23 et des 1 et 2. de l'annexe II de l'arrêté ministériel du 15 mars 2000 pris pour l'application du décret du 13 décembre 1999, que les opérations de " requalification périodique " de certaines catégories d'appareils, comme les réservoirs de plongée ou les extincteurs, peuvent être effectuées par des établissements répondant à des critères de compétences, désignés par un des organismes habilités et agissant sous son contrôle, les opérations de requalification effectuées faisant notamment l'objet d'attestations de la part de l'organisme habilité, l'absence d'attestation interdisant l'utilisation du matériel contrôlé.

8. En l'espèce, la société DPSI a obtenu, par décision du 1er octobre 2010 de la société Apave, organisme habilité par l'Etat en application du titre IV du décret du 13 décembre 1999, l'autorisation de procéder à des opérations de requalification périodique d'équipements sous pression. La lettre contestée du 9 avril 2013 par laquelle la société Apave a indiqué à la société DPSI qu'elle lui retirait cette autorisation, prise dans le cadre des pouvoirs de contrôle confiés à la société Apave sur les établissements chargés de procéder à des opérations de requalification périodique constitue, dès lors, une décision de la société Apave. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif a regardé la décision contenue dans la lettre du 9 avril 2013 comme prise par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Sur la légalité de la décision contestée :

9. L'annexe II de l'arrêté ministériel du 15 mars 2000 modifié par l'arrêté du 31 janvier 2011 a pour objet, selon son point 1, de décrire la procédure par laquelle un établissement peut effectuer des opérations de requalification périodique, sous contrôle d'un organisme habilité. Aux termes du 2 de l'annexe II de l'arrêté du 15 mars 2000 modifié : "(...) L'établissement ne peut exercer ces opérations que dans ses propres locaux".

10. Il ressort des pièces du dossier que la société DPSI effectue certains des contrôles qui lui sont confiés, non dans ses propres locaux, mais dans ceux de ses clients. Cependant, la société fait valoir qu'elle doit être regardée comme agissant dans ses propres locaux au sens de l'annexe II de l'arrêté du 15 mars 2000, dès lors que les lieux sont mis à sa disposition pour la durée des opérations de requalification, qu'ils sont réservés à son activité et répondent aux exigences de sécurité. Pour démontrer ses assertions, la société produit quelques conventions de mise à disposition conclues avec des services départementaux d'incendie et de secours. Toutefois, de tels locaux ne constituent pas des locaux propres de la société au sens de l'arrêté du 15 mars 2000. En tout état de cause, il ne ressort pas de l'instruction, ni des stipulations des conventions produites, qui ne constituent d'ailleurs pas l'ensemble des conventions conclues par la société, que les locaux mis à la disposition de la société comportent le même niveau de sécurité, pour le personnel comme pour les tiers, que les locaux de la société DPSI, spécialement aménagés en vue de ses opérations. De plus, les dispositions du décret du 15 mars 2000, qui exigent que les contrôles aient lieu dans les locaux de la société, ont également pour objet de permettre aux organismes habilités de contrôler facilement et à tout moment les conditions de réalisation des opérations des établissements placés sous leur contrôle, ce que ne garantit pas l'exercice de l'activité dans divers locaux. Ainsi, la décision contestée n'est pas entachée d'erreur de droit au regard du 2 de l'annexe II de l'arrêté du 15 mars 2000 dont les prescriptions sont impératives. En conséquence, les moyens tirés de ce que la décision contestée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation des caractéristiques des locaux dans lesquels la société DPSI exerce son activité au regard des nécessités de sécurité et de ce qu'elle mettrait à sa charge des conditions d'exercice excessives et disproportionnées par rapport aux exigences des textes applicables, ne peuvent qu'être écartés.

11. Il résulte de ce qui précède que la société DPSI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, en conséquence, qu'être écartées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Apave parisienne et Apave SA, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société DPSI une somme globale de 1 500 euros à verser aux sociétés Apave parisienne et Apave SA.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société DPSI est rejetée.

Article 2 : La société DPSI versera une somme globale de 1 500 (mille cinq cents) euros aux sociétés Apave parisienne et Apave SA.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société DPSI, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à la société Apave parisienne et à la société Apave SA.

''

''

''

''

5

N° 15NC01312


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01312
Date de la décision : 31/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SICHLER
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : HOLMAN FENWICK WILLIAN FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-03-31;15nc01312 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award