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22/03/2016 | FRANCE | N°14NC00793

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 22 mars 2016, 14NC00793


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2006 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1004010 du 30 janvier 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mars 2014, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°)

d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 janvier 2014 ;

2°) de prononcer l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2006 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1004010 du 30 janvier 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mars 2014, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 janvier 2014 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la décision d'imposer l'indemnité perçue à l'occasion de la rupture de son contrat de travail constitue une atteinte au principe de non discrimination des travailleurs frontaliers au sein de l'Union et est contraire au principe de non discrimination fiscale et à la liberté de circulation des travailleurs dès lors que le requérant n'est pas traité de la même manière qu'un salarié employé en France qui aurait été involontairement privé de son emploi ;

- la rupture de son contrat de travail aurait donné lieu, en France, à un plan de sauvegarde de l'emploi donnant droit au bénéfice de l'exonération résultant de l'article 80 duodecies du code général des impôts ;

- les difficultés économiques de la société Ford étaient avérées et cette société devait sauvegarder sa compétitivité ;

- la perte de son emploi était involontaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 août 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité instituant la communauté européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations deC..., représentant M.B....

1. Considérant que M.B..., résident de France, était employé de l'entreprise Ford située à Sarrelouis (Allemagne) ; qu'à l'occasion de la rupture de son contrat de travail, à compter du 31 décembre 2005, l'entreprise lui a versé une indemnité de 79 897,48 euros ; que l'administration fiscale en a soumis la fraction excédant 3 050 euros à l'impôt sur le revenu ; que M. B... relève appel du jugement du 30 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2006 et des majorations correspondantes ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le tribunal a exposé, dans le point 4 du jugement dont il est relevé appel, les raisons pour lesquelles il a considéré que les difficultés économiques alléguées et que l'existence d'un plan social n'étaient pas établies ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit, par suite, être écarté ;

Sur le bien fondé de l'imposition en litige :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition litigieuse : " 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve de l'exonération prévue au 22° de l'article 81 et des dispositions suivantes. Ne constituent pas une rémunération imposable : (...) 2° Les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 321-4 et L. 321-4-1 du même code ; 3° La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 321-4 et L. 321-4-1 du même code, qui n'excède pas : a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié (...) b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective (...) " ;

4. Considérant que, pour l'application et l'interprétation d'une disposition législative, aussi bien les autorités administratives que le juge sont liés par les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, assortit la déclaration de conformité à la Constitution de cette disposition ;

5. Considérant qu'il résulte de la réserve d'interprétation dont la décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013 du Conseil constitutionnel a assorti la déclaration de conformité à la Constitution du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts que ces dispositions, qui définissent les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail bénéficiant, en raison de leur nature, d'une exonération totale ou partielle d'impôt sur le revenu, ne sauraient, sans instituer une différence de traitement sans rapport avec l'objet de la loi, conduire à ce que le bénéfice de l'exonération varie selon que l'indemnité a été allouée en vertu d'un jugement, d'une sentence arbitrale ou d'une transaction et qu'en particulier, en cas de transaction, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt, de rechercher la qualification à donner aux sommes objet de la transaction ; que les sommes perçues à l'occasion de la rupture du contrat de travail d'un salarié français employé à l'étranger ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités mentionnées au 1° ou au 3° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts que si le salarié apporte la preuve soit que la rupture de son contrat de travail est assimilable à un licenciement ou à un départ volontaire pour motif économique dans le cadre d'un plan social assimilable à un plan de sauvegarde de l'emploi en droit français, soit que cette rupture est intervenue à l'initiative de l'employeur pour un motif économique avéré ; que, dans le cas contraire, la rupture amiable doit être regardée comme constitutive d'un départ volontaire ne s'intégrant pas dans un plan assimilable à un plan de sauvegarde de l'emploi et l'indemnité transactionnelle soumise à l'impôt sur le revenu ;

En ce qui concerne la qualification de la rupture du contrat de travail de M.B... :

6. Considérant qu'en l'espèce, M. B...soutient que la rupture de son contrat de travail, bien qu'il y ait donné son accord, doit s'analyser comme un licenciement pour motif économique et est intervenue dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ;

7. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 321-1 du code du travail, alors applicable : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques " ; qu'aux termes de l'article L. 321-4-1 du code du travail : " Dans les entreprises employant au moins cinquante salariés, lorsque le nombre de licenciements est au moins égal à dix dans une même période de trente jours, l'employeur doit établir et mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment des salariés âgés ou qui présentent des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile " ; qu'est au nombre des motifs économiques de licenciement la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ;

S'agissant de l'existence d'un motif économique :

8. Considérant que M. B...soutient que l'usine Ford de Sarrelouis a procédé à la mise en place d'un plan de départ volontaire pour rationaliser sa marge salariale afin d'être chargée de la construction d'un nouveau modèle automobile ; qu'alors que la réalité du motif économique doit s'apprécier au niveau de l'entreprise et non seulement de l'établissement de Sarrelouis, les éléments qu'il produit, et notamment les extraits du site Internet du syndicat IG Metall et l'attestation du président du comité d'entreprise, ne permettent pas d'établir que l'entreprise faisait face, en 2005, à des difficultés telles qu'elle a dû mettre en place un tel plan de départ volontaire afin de sauvegarder sa compétitivité ; qu'ainsi, la réalité du motif économique de la rupture du contrat de travail de M. B... n'est pas établie ;

S'agissant de la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi :

9. Considérant que si les documents établis par l'administration allemande de l'emploi ont mentionné que le requérant avait fait l'objet d'un plan social, ces éléments ont été édictés sur le fondement d'une législation distincte ; que les seules circonstances que plus de deux cents personnes aient été concernées par la mesure mise en place par l'entreprise et que les propositions de l'entreprise Ford étaient plus incitatives pour les travailleurs âgés ne suffisent pas, en dehors de toute autre information et mise en perspective du nombre des départs envisagés, à établir que ce plan serait assimilable à un plan de sauvegarde de l'emploi au sens du droit français ;

S'agissant de la nature de la rupture du contrat de travail :

10. Considérant que si M. B...relève qu'il a bénéficié d'une indemnisation en qualité de chômeur et d'une pension, ces éléments ne sauraient déterminer sa situation au regard des dispositions précitées du code général des impôts et du code du travail ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'entreprise Ford située à Sarrelouis a proposé à ceux de ses salariés qui le désiraient de mettre fin d'un commun accord à leur contrat de travail ; que la convention signée par M. B...le 10 novembre 2005 précise ainsi que " à l'instigation de la société, le contrat de travail (...) cessera d'un commun accord le 31 décembre 2005 " ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les salariés de l'entreprise auraient été contraints, d'une quelconque manière, de souscrire à cette proposition ; qu'ainsi, et alors même que l'entreprise a été à l'initiative de la proposition de rupture, la rupture du contrat de travail de M. B... ne peut s'analyser comme un licenciement ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ni les difficultés économiques et la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise Ford, ni l'existence d'un plan assimilable à un plan de sauvegarde de l'emploi ne sont établies ; que, par suite, l'indemnité perçue par M. B..., qui ne peut être regardée ni comme une indemnité de licenciement, ni comme une indemnité de licenciement ou de départ volontaire perçue dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, constitue une rémunération imposable, sans qu'ait d'incidence la circonstance que la fiche informative établie par l'entreprise Ford mentionnait que l'indemnité de départ serait exonérée d'impôt, alors d'ailleurs que cette fiche indiquait que l'exonération d'impôt sur le revenu se limitait à la somme de 9 000 euros et que le surplus était imposable ;

En ce qui concerne l'atteinte aux principes de non-discrimination et de libre circulation institués par le traité de Rome :

13. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 39 du traité instituant la Communauté européenne : " 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la Communauté. / 2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des Etats membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail (...) " ; que, même si, en l'état actuel du droit communautaire, la matière des impôts directs ne relève pas en tant que telle du domaine de la compétence de la Communauté, les Etats membres doivent exercer leurs compétences dans le respect du droit communautaire ; que l'ensemble des dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes vise à faciliter, pour les ressortissants communautaires, l'exercice d'activités professionnelles de toute nature sur l'ensemble du territoire de la Communauté et s'oppose aux mesures qui pourraient défavoriser ces ressortissants lorsqu'ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d'un autre Etat membre ;

14. Considérant que ni la différence de situation existant entre les résidents de France, salariés d'un employeur établi en France et ceux qui sont salariés d'un employeur établi dans un autre Etat membre sans établissement en France, ni aucun motif d'intérêt général, ne seraient de nature à justifier, au regard des stipulations précitées de l'article 39 du traité instituant la Communauté européenne, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que ces derniers soient exclus des exonérations, totale ou partielle, prévues par les dispositions précitées de l'article 80 duodecies du code général des impôts, en faveur des premiers ; que, toutefois, les dispositions de l'article 80 duodecies ne prévoient pas une telle discrimination, le requérant s'étant d'ailleurs vu appliquer lesdites dispositions ; que M. B...n'est donc pas fondé à prétendre que ces dispositions porteraient atteinte aux principes de non-discrimination et de libre circulation, en ce qu'elles réserveraient les exonérations, totale ou partielle, qu'elles prévoient aux salariés des seules entreprises implantées en France ;

15. Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit, ni les difficultés économiques et la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise Ford, ni l'existence d'un plan assimilable à un plan de sauvegarde de l'emploi ne sont établies ; que, dans ces conditions, les moyens tirés de l'atteinte au principe de non discrimination et à la liberté de circulation des travailleurs, compte tenu de la différence de traitement entre M. B...et un salarié privé d'emploi dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi établi en France doivent être écartés ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre des finances et des comptes publics.

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N° 14NC00793


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00793
Date de la décision : 22/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. TREAND
Rapporteur ?: Mme Julie KOHLER
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : SCP PETIT et GROSJEAN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-03-22;14nc00793 ?
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