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17/03/2016 | FRANCE | N°15NC02287

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 17 mars 2016, 15NC02287


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er juin 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1503584 du 22 octobre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à sa demande, a enjoint au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de s

jour dans un délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er juin 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1503584 du 22 octobre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à sa demande, a enjoint au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 novembre 2015 et le 8 février 2016, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 octobre 2015 ;

2°) de rejeter la demande d'annulation de son arrêté du 1er juin 2015.

Il soutient que son arrêté n'est pas entaché d'erreur d'appréciation dans l'application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'absence de prise en charge médicale ne devrait pas avoir, pour M. B..., des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que les traitements nécessaires à son état de santé existent dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 janvier 2016 et un mémoire enregistré le 16 février 2016, M.B..., représenté par Me Bohner conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par une décision du 7 janvier 2016, le président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle a admis M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Rousselle a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant kosovar né le 16 octobre 1974, qui déclare être entré irrégulièrement en France le 23 octobre 2012, a, le 12 janvier 2015, sollicité la délivrance d'un titre de séjour à raison de son état de santé ; que le préfet du Haut-Rhin relève appel du jugement du 22 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 1er juin 2015 refusant de délivrer à M. B...un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être éloigné ;

Sur le bien fondé du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, dans leur rédaction issue de la loi du 16 juin 2011, que le préfet ne doit délivrer une carte de séjour temporaire que si la prise en charge médicale de l'étranger, dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, n'est pas possible dans son pays d'origine en raison de l'inexistence d'un traitement approprié ;

3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant que dans son avis du 12 février 2015, le médecin de l'agence régionale de santé d'Alsace a estimé que l'état de santé de M.B..., qui est atteint d'une forme sévère de psoriasis, nécessite une prise en charge médicale devant être poursuivie pendant une durée de douze mois, dont le défaut peut entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité au vu de l'absence de traitement approprié dans son pays d'origine ;

5. Considérant que pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins résultant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet, qui n'est pas lié par cet avis, produit un courriel du 5 novembre 2015 émanant du conseiller santé du directeur général des étrangers en France du ministère de l'intérieur qui remet en cause, par principe, la gravité de la pathologie dont souffre le requérant et les conséquences d'un arrêt du traitement ; que ce courriel se réfère à un site internet et à un document, rédigé exclusivement en langue anglaise et daté de 2011 qui établirait que la polyarthrite rhumatoïde, complication liée au psoriasis, peut être soignée au Kosovo ; que, toutefois, ce seul courriel, qui n'est étayé d'aucune pièce jointe pertinente, rédigé plus de cinq mois après l'intervention de l'arrêté attaqué, ne permet pas de contredire l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, notamment sur la disponibilité des soins au Kosovo, seul ce motif étant retenu par le préfet pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. B...;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal a enjoint au préfet du Haut-Rhin, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer à M. B... un titre de séjour d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " compte tenu de son état de santé ; que, contrairement à ce que soutient le préfet, l'annulation prononcée par les premiers juges, eu égard au motif sur lequel elle repose, impliquait la délivrance d'un titre de séjour à M. B...;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 1er juin 2015 et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. B... ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bohner, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Me Bohner de la somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Haut-Rhin est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Bohner une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bohner renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....

Copie en sera adressée pour information au préfet du Haut-Rhin.

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N° 15NC02287


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02287
Date de la décision : 17/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: Mme Pascale ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BOHNER

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-03-17;15nc02287 ?
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