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18/02/2016 | FRANCE | N°15NC01355

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 18 février 2016, 15NC01355


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juin 2015 et un mémoire enregistré le 28 septembre 2015, la SNC Lidl représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 13 mars 2015 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a annulé, à la demande de la SAS Cendis, la décision par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial de la Moselle l'avait autorisée à créer un magasin de 1 275 m² à Marly et lui a refusé cette autorisation ;

2°) d'enjoind

re à la Commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer sa demande dans un délai de...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juin 2015 et un mémoire enregistré le 28 septembre 2015, la SNC Lidl représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 13 mars 2015 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a annulé, à la demande de la SAS Cendis, la décision par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial de la Moselle l'avait autorisée à créer un magasin de 1 275 m² à Marly et lui a refusé cette autorisation ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer sa demande dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SNC Lidl soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la procédure est irrégulière, faute de signature des avis des ministres chargés du commerce, de l'environnement et de l'aménagement durable ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial a estimé à tort que son projet ne répondait pas aux critères de l'article L. 752-6 du code du commerce.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 septembre 2015, la SAS Cendis représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SNC Lidl au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS Cendis soutient que les moyens soulevés par la SNC Lidl ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

- la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Richard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la SNC Lidl et Me A...pour la SAS Cendis.

Considérant ce qui suit :

1. Le 16 octobre 2014, la commission départementale d'aménagement commercial de la Moselle a autorisé la SNC Lidl à transférer et étendre son magasin de 875 m² à 1 275 m² situé à Marly. Sur la saisine de la SAS Cendis, la Commission nationale d'aménagement commercial a annulé cette décision et a refusé de lui accorder l'autorisation requise par une décision du 13 mars 2015. La SNC Lidl demande l'annulation de la décision du 13 mars 2015.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. La Commission nationale d'aménagement commercial a refusé l'autorisation demandée par la SNC Lidl au motif que le projet ne s'insère pas de façon satisfaisante dans l'environnement et ne donne pas lieu à une végétalisation suffisante du site, notamment de ses parkings.

3. La SNC Lidl soutient que c'est par une inexacte application des dispositions de l'article L. 752-6 du code du commerce que la Commission nationale d'aménagement commercial lui a opposé le refus litigieux.

4. D'une part, aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi " et aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction alors applicable: " I.-L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés aux 2° et 5° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale ".

6. Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation des objectifs prévus par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code.

7. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux, s'il implique la réalisation d'un bâtiment de forme cubique sans élément architectural particulier ainsi que de 120 places de parkings soit un nombre supérieur au nombre de place requis par le plan local d'urbanisme, doit toutefois s'intégrer dans une zone artisanale dénuée d'intérêt paysager ou environnemental particulier accueillant déjà plusieurs bâtiments de forme banale et desservie par deux routes départementales. Le nouveau bâtiment doit d'ailleurs prendre la place d'un ancien bâtiment commercial préexistant de couleur blanche et disgracieux et ne conduit pas à une artificialisation supplémentaire des sols. La circonstance que le projet critiqué, dont la SAS Cendis critique l'architecture stéréotypée, doive s'implanter en bordure de routes départementales ne suffit pas à caractériser une intégration environnementale insuffisante. Il implique également la végétalisation de 25 % de la parcelle, soit un taux à rapprocher du taux de 10 % exigé par le plan local d'urbanisme, ainsi que la plantation de 52 arbres de haute tige là où le document d'urbanisme en exige 23.

8. La société pétitionnaire précise en outre sans être sérieusement contredite que les préconisations de la réglementation thermique RT 2012 sont largement respectées, notamment par le recours à de nombreux matériaux possédant de bons résultats en matière d'isolation et de performance énergétique.

9. Enfin, le projet bénéficie, comme l'ensemble de la zone artisanale Ux dédiée aux activités économiques, de bonnes conditions de desserte par les transports en commun.

10. Les effets négatifs du projet en matière de développement durable ne sont donc pas tels qu'ils justifient le refus d'autorisation qui a été opposé à la SNC Lidl.

11. Dans ces conditions, la SNC Lidl est fondée à soutenir que la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet compromettrait la réalisation des objectifs prévus par la loi, notamment en matière de protection de l'environnement et qu'elle a fait une inexacte application des dispositions des articles L. 752-1 et L. 752-6 du code de commerce en lui refusant l'autorisation demandée.

12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête que la SNC Lidl est fondée à demander l'annulation de la décision du 13 mars 2015.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

14. Le présent arrêt implique seulement que la Commission nationale d'aménagement commercial procède au réexamen de la demande de la SNC Lidl dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SNC Lidl qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SAS Cendis demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

16. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros à la SNC Lidl au titre des frais que celle-ci a exposés pour son recours au juge.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 13 mars 2015 de la Commission nationale d'aménagement commercial est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder au réexamen du recours formé par la SAS Cendis dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SNC Lidl une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la SAS Cendis tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Lidl, à la SAS Cendis et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

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N° 15NC01355


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01355
Date de la décision : 18/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-03 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial. Règles de fond.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. Michel RICHARD
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : LESAGE ORAIN PAGE VARIN CAMUS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-02-18;15nc01355 ?
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