La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/01/2016 | FRANCE | N°14NC00936

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2016, 14NC00936


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les deux décisions implicites nées du silence gardé, respectivement, par le ministre délégué à l'industrie et le président de La Poste sur sa demande en date du 18 mars 2010 tendant à l'indemnisation de son préjudice et de condamner solidairement l'Etat et La Poste à lui verser une somme de 80 000 euros en réparation du préjudice de carrière qu'il a subi, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal.

Par un ju

gement n° 1102191 du 27 mars 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a limité à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les deux décisions implicites nées du silence gardé, respectivement, par le ministre délégué à l'industrie et le président de La Poste sur sa demande en date du 18 mars 2010 tendant à l'indemnisation de son préjudice et de condamner solidairement l'Etat et La Poste à lui verser une somme de 80 000 euros en réparation du préjudice de carrière qu'il a subi, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1102191 du 27 mars 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a limité à la somme de 5 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Etat et La Poste en réparation des préjudices subis par M.A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 mai 2014, et des mémoires enregistrés le 25 juin 2014 et le 21 décembre 2015, M. C... A..., représenté par la SELARL Horus Avocats, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 mars 2014 et les décisions implicites rejetant sa demande d'indemnisation, ou, à titre subsidiaire, de réformer ce jugement en ce qu'il a limité le montant de son indemnisation à 5 000 euros, et, dans tous les cas, de condamner solidairement l'Etat et La Poste à lui verser une somme de 80 000 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de ses demandes préalables et de la capitalisation de ces intérêts ;

2°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de La Poste la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de connaitre les conclusions du rapporteur public avant l'audience, en méconnaissance de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;

- il suit de là que le principe du contradictoire a été méconnu, en violation de l'article L. 5 du code de justice administrative ;

- l'absence d'organisation de promotions internes pour les agents dits " reclassés " de La Poste méconnait l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- cette illégalité fautive est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat et de La Poste ;

- il a perdu une chance sérieuse d'être promu dès lors qu'il remplissait les conditions statutaires pour être promu depuis 1997 et que ses notations étaient très favorables ;

- les éléments qu'il produit à l'instance justifient suffisamment de cette perte de chance, à charge pour l'administration d'apporter la preuve contraire ;

- son préjudice matériel et de carrière doit être évalué à 60 000 euros ou à tout le moins à une somme qui ne saurait être inférieure à 15 000 euros ;

- le préjudice moral et les troubles dans ses conditions d'existence résultent de la perte de chance précitée et ne sauraient être évalués à une somme inférieure à 20 000 euros ;

- les préjudices dont il demande réparation sont imputables à la faute reprochée à l'Etat.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 juin 2014, le ministre de l'économie, représenté par la SCP Saidji Moreau, conclut, à titre principal, à l'annulation du jugement attaqué, et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que :

- les premiers juges n'ont donné dans leur décision aucune précision sur la période d'indemnisation retenue et sa justification, ni sur le montant de la somme allouée ;

- le requérant a été informé du sens des conclusions du rapporteur public avant l'audience ;

- le principe du contradictoire n'a pas été méconnu ;

- le requérant n'a subi aucun préjudice présentant un caractère direct, personnel et certain ;

- il ne justifie pas d'une perte de chance sérieuse d'obtenir une promotion ;

- le préjudice allégué n'est pas imputable à la faute reprochée à l'Etat ;

- le requérant ne justifie pas du montant de ses préjudices.

La clôture d'instruction a été prononcée à la date du 2 octobre 2015 par une ordonnance en date du 18 septembre 2015, prise en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative

Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2015, La Poste, représentée par la SCP Granrut Avocats, conclut à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il donne partiellement satisfaction au requérant, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Poste fait valoir que :

- les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué ne sont pas fondés ;

- si l'absence d'organisation de promotions internes pour les agents dits " reclassés " est susceptible d'engager la responsabilité de La Poste, le requérant ne justifie pas d'une perte de chance sérieuse de promotion, eu égard aux évaluations obtenues entre 1993 et 2009 et à son refus d'accepter une nomination dans un corps dit " de reclassification " ;

- ce préjudice de carrière ne saurait être évalué à une somme supérieure à 10 000 euros ;

- ni le préjudice moral, qui ne saurait excéder la somme de 1 500 euros, ni les troubles dans les conditions d'existence ne sont établis.

L'instruction a été rouverte par une ordonnance du 6 octobre 2015, prise en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 ;

- le décret n° 57-1319 du 21 décembre 1957 ;

- le décret n° 90-1224 du 31 décembre 1990 ;

- le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour M.A..., et de MeD..., pour La Poste.

1. Considérant que M.A..., né le 24 janvier 1957, titulaire du grade d'agent d'exploitation du service distribution et acheminement de La Poste, a, dans le cadre de la réforme issue de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom, refusé d'intégrer les nouveaux corps dits de " reclassification " et préféré conserver son grade dans son corps dit de " reclassement ", pour lequel aucune procédure de promotion interne n'a été organisée de 1993 à 2009 ; que, par un courrier en date du 18 mars 2010 adressé au ministre de l'économie et à La Poste, il a sollicité le versement d'une indemnité de 80 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du blocage de sa carrière après 1993 ; que ces demandes ayant été implicitement rejetées, M. A...a recherché la responsabilité de l'Etat et de La Poste devant le tribunal administratif de Strasbourg ; qu'il relève appel du jugement du 27 mars 2014 par lequel le tribunal administratif a limité à 5 000 euros le montant de la somme au versement de laquelle l'Etat et La Poste ont été solidairement condamnés ; que, contestant la responsabilité de l'administration par la voie d'un appel incident, le ministre de l'économie et La Poste concluent à l'annulation de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

2. Considérant que l'article L. 5 du code de justice administrative prévoit que " l'instruction des affaires est contradictoire " ; qu'aux termes de l'article L. 7 du même code : " Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent " ; qu'aux termes de l'article R. 711-3 de ce code : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, que la communication aux parties du sens des conclusions du rapporteur public, prévue par les dispositions précitées de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après l'intervention du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré ; qu'en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ;

4. Considérant, par ailleurs, que, pour l'application de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et eu égard aux objectifs, mentionnés au point précédent, de cet article, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir ; que la communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en l'espèce, le rapporteur public a, sur le site de l'application " Sagace ", précisé qu'il concluait à la condamnation solidaire de l'Etat et de La Poste à verser à M. A...une indemnité globale de 1 200 euros, assortie des intérêts, à la mise à la charge solidaire de l'Etat et de La Poste d'une somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et au rejet du surplus des conclusions de la requête ; que si M. A...soutient que cette information ne l'a pas mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, les chefs de préjudice que le rapporteur public proposait d'indemniser, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que cette circonstance n'est pas de nature à faire regarder le jugement attaqué comme ayant été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière ;

6. Considérant, en second lieu, que le rapporteur public, qui a pour mission d'exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient, prononce ses conclusions après la clôture de l'instruction à laquelle il a été procédé contradictoirement ; que l'exercice de cette fonction n'est pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l'instruction ; qu'il s'en suit que M. A...ne saurait utilement se prévaloir d'une prétendue méconnaissance de l'article L. 5 précité du code de justice administrative ;

En ce qui concerne la motivation du jugement attaqué :

7. Considérant qu'après avoir précisé que M. A...remplissait les conditions pour une promotion, que ses notations témoignaient de sa valeur professionnelle depuis 1998 et que ses supérieurs hiérarchiques n'étaient pas défavorables à une telle promotion, le jugement attaqué indique que l'intéressé a perdu une chance sérieuse de promotion à compter de l'année 1998 ; qu'eu égard à ces éléments de motivation, le jugement permet de déterminer de façon suffisante la période retenue pour une indemnisation ; qu'en précisant en outre que cette perte de chance est à l'origine d'un préjudice matériel, évalué à 3 000 euros, lié à la perte de traitements et à la minoration corrélative des droits à pension du requérant, et que l'atteinte portée aux droits statutaires de ce dernier lui a fait subir un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, pour un montant évalué à 2 000 euros, le jugement attaqué comporte une motivation suffisante justifiant du montant des sommes allouées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé doit être écarté ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat et de La Poste :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des postes et télécommunications : " Les personnels de La Poste (...) sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...), mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) " ; qu'en vertu de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 et des dispositions réglementaires prises pour son application, il appartient à l'autorité administrative, sauf à ce qu'aucun emploi vacant ne soit susceptible d'être occupé par des fonctionnaires à promouvoir, d'établir annuellement des tableaux d'avancement ou des listes d'aptitude en vue de permettre l'avancement de grade ;

9. Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires demeurés dans les corps dits de " reclassement " de La Poste de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les corps dits de " reclassification " créés en 1993, de mesures de promotions organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de " reclassification ", ne dispensait pas le président de La Poste de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de " reclassement " ; qu'il appartenait, en outre, au ministère chargé des Postes et Télécommunications de veiller de manière générale au respect, par La Poste, de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires " reclassés " comme aux fonctionnaires " reclassifiés " de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ;

10. Considérant, d'autre part, que le législateur, par la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, en permettant à La Poste de ne recruter, le cas échéant, que des agents contractuels de droit privé, n'a pas entendu priver d'effet, après cette date, les dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires " reclassés " ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de " reclassement ", en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires " reclassés " de toute possibilité de promotion interne, étaient entachés d'illégalité ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et, en outre, en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires " reclassés " au motif que ces décrets en interdisaient la possibilité, le président directeur général de La Poste a, de même, commis une illégalité ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que La Poste, en refusant de prendre toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires " reclassés ", a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, sans pouvoir utilement se prévaloir, pour s'exonérer de sa responsabilité, ni de la circonstance que les décrets statutaires des corps de " reclassement " auraient interdit ces promotions, ni de la circonstance qu'aucun emploi ne serait devenu vacant, au cours de la période, pour permettre de procéder à de telles promotions ; que ces illégalités sont également constitutives de fautes commises par l'Etat en tant que ce n'est que le 14 décembre 2009 qu'il a pris un décret organisant des possibilités de promotion interne en faveur des fonctionnaires des corps de " reclassement " de La Poste ;

12. Considérant que ces fautes sont de nature à engager la responsabilité solidaire tant de La Poste qui, au demeurant, n'en conteste pas le principe, que de l'Etat, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, et à ouvrir droit à réparation au profit de M. A...à raison des préjudices dont l'existence et le lien de causalité avec ces fautes sont établis ; qu'à cet égard, et pour les raisons qui viennent d'être exposées, le ministre de l'économie ne peut utilement soutenir que le préjudice allégué par le requérant résulterait du choix de l'agent qui, en n'optant pas pour un corps de " reclassification ", se serait lui-même privé de toute chance de promotion ;

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices subis par M.A... :

13. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 18 du décret susvisé du 21 décembre 1957 fixant le statut particulier des corps des services de la distribution et de l'acheminement de La Poste, dans sa rédaction modifié par le décret susvisé du 31 décembre 1990 : " Les conducteurs de travaux de la distribution et de l'acheminement sont recrutés : / (...) / 2° Au choix (...) parmi les fonctionnaires du corps des agents d'exploitation des branches " services de la distribution et de l'acheminement " et " recettes-distribution ", âgés de quarante ans au moins, ayant atteint le septième échelon depuis au moins deux ans et comptant cinq ans au moins de services effectifs dans ce corps (...) " ;

14. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que M. A...remplissait les conditions statutaires pour accéder au corps des conducteurs de travaux de la distribution et de l'acheminement depuis le 24 janvier 1997 ; que les fiches de notation produites par M. A...à l'appui de sa requête, qui se rapportent aux années 1998 à 2005 et à l'année 2011, comportent des appréciations littérales très favorables sur sa manière de servir ; que, selon ces documents et la " fiche individuelle de gestion " produite par l'administration, il a obtenu la notation maximale " E " au titre des années 2008, 2009, 2011, 2012 et 2013, attestant de sa maîtrise des fonctions occupées et de son aptitude à évoluer vers le grade supérieur ; que son aptitude à exercer des fonctions différentes, notamment de niveau supérieur, a également été jugée excellente au titre des années 2004 et 2005 ; que si aucune notation n'est produite à l'instance pour l'année 2010, ainsi que le relève La Poste, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas allégué en défense que le requérant aurait fait l'objet d'une appréciation défavorable au titre de cette même année ; qu'en outre, il a été effectivement promu en 2013 dans le corps des conducteurs de travaux de la distribution et de l'acheminement ; que dans les circonstances de l'espèce, l'absence de toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires " reclassés " après 1993 l'a privé d'une chance sérieuse d'accéder au corps de niveau supérieur de conducteur de travaux à compter de l'année 2008, au cours de laquelle une notation globale " E " lui a été attribuée, sa valeur professionnelle devant alors être regardée, eu égard à la nomenclature des notations de La Poste, comme " largement supérieure aux exigences du poste " occupé ;

15. Considérant, d'autre part, qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice de carrière subi depuis 2008 par M.A..., lequel n'a obtenu une promotion dans le corps des conducteurs de travaux que le 30 décembre 2013, en l'évaluant, compte tenu notamment de l'indice brut 465 qui eût été le sien s'il avait été promu dès 2008 dans ce corps, à 4 000 euros ;

16. Considérant, en second lieu, que M. A...est en droit de prétendre au versement d'une indemnité au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence à raison des fautes commises par La Poste et l'Etat, consistant à priver de manière générale les fonctionnaires " reclassés " de toute possibilité de promotion interne ; que, dans les circonstances de l'espèce, les premiers juges n'ont fait une appréciation ni insuffisante, ni trop importante du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. A...en les évaluant globalement à la somme de 3 000 euros ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...est seulement fondé à demander que l'indemnité que le tribunal administratif a condamné l'Etat et La Poste à lui verser soit portée à la somme totale de 7 000 euros ; qu'il résulte encore de ce qui précède que le ministre de l'économie et La Poste ne sont pas fondés à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu leur responsabilité ou a surévalué le montant des préjudices subis par M. A...;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

18. Considérant qu'il convient d'assortir la somme mise à la charge de l'Etat et de La Poste des intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2010, date à laquelle le requérant a adressé sa demande préalable à l'administration ; qu'il y a lieu de prononcer la capitalisation desdits intérêts à la date du 18 avril 2011, date à laquelle ils ont été demandés devant le tribunal administratif et étaient dus depuis au moins un an, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que La Poste demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'Etat et de La Poste une somme globale de 1 000 euros à verser à M.A... sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme que l'Etat et La Poste sont condamnés à verser à M. A...en réparation de ses préjudices est portée de 5 000 euros à 7 000 (sept mille) euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2010 et les intérêts échus à la date du 18 avril 2011, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1102191 du 27 mars 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat et La Poste verseront à M. A...la somme globale de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les appels incidents du ministre de l'économie, du numérique et de l'industrie et de La Poste, les conclusions de La Poste présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'économie, du numérique et de l'industrie et à La Poste.

''

''

''

''

9

N° 14NC00936


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00936
Date de la décision : 28/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS SAIDJI ET MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-01-28;14nc00936 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award