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29/12/2015 | FRANCE | N°14NC01020

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 29 décembre 2015, 14NC01020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2006 ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1100501 du 17 avril 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a substitué la majoration de 40% prévue en cas de manquement délibéré à la majoration de 80% pour manoeuvres frauduleuses et a rejeté le surplus de sa demande.

Procéd

ure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 juin et 17 novembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2006 ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1100501 du 17 avril 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a substitué la majoration de 40% prévue en cas de manquement délibéré à la majoration de 80% pour manoeuvres frauduleuses et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 juin et 17 novembre 2014, M. C...B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 avril 2014 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande de décharge ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2006 ainsi que des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, en violation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et de la documentation administrative référencée 13-L-1513 ;

- la procédure a été conduite en méconnaissance de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales et de la documentation administrative référencée 13-L-6-06 ;

- l'administration ne pouvait regarder les sommes que son entreprise individuelle a perçues comme des revenus distribués, dès lors qu'il s'agit en réalité de la rémunération de prestations de mise à disposition de moyens matériels et humains ;

- les premiers juges ne pouvaient procéder d'office à une substitution de base légale, en l'absence de toute demande initiale en ce sens de l'administration ; la substitution de base légale à laquelle il a été procédé l'a privé d'une garantie.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 septembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fuchs ;

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B...exploite une entreprise individuelle d'import-export de véhicules d'occasion dénommée " Nouvelle distribution automobile " ; qu'il est également associé, avec son épouse, de la SARL JV Location, qui exerce une activité de location et de revente de véhicules ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la SARL JV Location, M. B...a été assujetti, selon la procédure contradictoire, à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2006 et aux majorations correspondantes ; qu'il relève appel du jugement du 17 avril 2014 en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande de décharge ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des motifs même du jugement attaqué que le tribunal administratif de Strasbourg a expressément répondu aux moyens soulevés par le requérant ; qu'en particulier, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'ont pas omis de répondre au moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ni d'indiquer les fondements légaux justifiant l'imposition après avoir procédé à une substitution de base légale ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait pour ce motif entaché d'irrégularité ;

3. Considérant, en second lieu, que si l'administration fiscale peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, c'est à la condition qu'une telle substitution ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi ; qu'en particulier, elle ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable de la faculté de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque celle-ci est compétente pour connaître du différend relatif à une question de fait dont la solution commande le bien-fondé du nouveau motif invoqué par l'administration ; qu'aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales : " I.- La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : (...) 3° Sur l'application (...) du d de l'article 111 du [code général des impôts] relatifs aux rémunérations non déductibles pour la détermination du résultat des entreprises industrielles ou commerciales " ;

4. Considérant que l'administration a imposé entre les mains de M. B... la somme de 133 500 euros dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que le tribunal administratif a soulevé d'office le moyen tiré de ce que cette catégorie ne pouvait être retenue et, sur demande de l'administration fiscale en ce sens dans un mémoire reçu au greffe du tribunal le 21 février 2014, y a substitué celle des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'est pas compétente pour apprécier les questions de fait relatives à la détermination des revenus de capitaux mobiliers, dès lors qu'il ne s'agit pas des rémunérations excessives visées au d) de l'article 111 du code général des impôts ; qu'ainsi, la substitution de base légale opérée par les premiers juges, qui n'a pas été effectuée d'office contrairement à ce que soutient le requérant, ne l'a privé d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi ; que, par suite, le jugement n'est pas irrégulier au motif que la substitution de base légale aurait été prononcée à tort ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'une proposition de rectification a été adressée le 23 juillet 2008 à M.B..., en sa qualité d'exploitant en nom propre de l'entreprise Nouvelle Distribution Automobile ; que cette proposition de rectification indique que le vérificateur envisage de l'imposer à raison des revenus distribués à cette entreprise par la SARL JV Location, précise le détail des sommes versées à cette entreprise qui n'ont pas fait l'objet de contrepartie et spécifie le montant et la cause des rehaussements ; qu'une proposition de rectification datée du même jour a également été adressée à M. et MmeB..., concernant l'ensemble de leur revenu imposable, qui relève que l'entreprise Nouvelle Distribution Automobile a bénéficié de sommes devant être considérées comme distribuées et indique le montant du revenu global imposable eu égard aux rectifications envisagées en matière de bénéfices industriels et commerciaux ; que, par suite, alors même que la proposition de rectification adressée le 17 juillet 2008 à la société JV Location n'a pas été jointe à ces propositions de rectification, M. B...n'est pas fondé à soutenir que les redressements n'auraient pas été suffisamment motivés ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ; qu'il incombe à l'administration d'informer avec une précision suffisante un contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers dont elle s'est prévalue au cours de la procédure d'imposition et qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements, afin que l'intéressé ait la possibilité de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur s'est fondé, pour redresser les bases d'imposition sur le revenu de M.B..., sur des renseignements obtenus auprès de l'autorité judiciaire ; que le vérificateur, dans la proposition de rectification du 23 juillet 2008 adressée à M.B..., indique que l'administration a été informée que lors de l'audition du 30 novembre 2007 du requérant par un juge d'instruction, l'intéressé a déclaré avoir procédé à trois virements d'un montant total de 133 500 euros, du compte bancaire de la SARL JV Location vers le compte bancaire de l'entreprise Nouvelle distribution automobile, afin de rembourser une dette fiscale de cette entreprise d'un montant de 240 000 euros ; qu'ainsi, le vérificateur, qui n'était pas tenu de préciser dans la proposition de rectification les modalités suivant lesquelles il avait usé du droit de communication ouvert à l'administration, a suffisamment précisé l'origine et la teneur des renseignements sur lesquels il s'est fondé ; que les précisions contenues dans la proposition de rectification permettaient au contribuable d'identifier les documents consultés par l'administration et d'en demander la communication avant la mise en recouvrement de l'imposition ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B doit être écarté ;

9. Considérant, en dernier lieu, que M. B...n'est fondé à invoquer ni la documentation administrative référencée 13-L-1513, ni celle référencée 13-L-6-06, celles-ci ayant trait à la procédure d'imposition et ne contenant pas d'interprétation formelle de la loi fiscale dont il pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) " ;

11. Considérant qu'il est constant que M. B...a refusé, dans le délai légal, les rehaussements qui lui ont été notifiés dans la proposition de rectification du 23 juillet 2008 ; qu'il appartient dès lors à l'administration d'apporter la preuve de l'existence des sommes ainsi distribuées et de leur appréhension par M. B...;

12. Considérant, d'une part, que l'administration soutient que la SARL JV Location a versé, le 25 octobre 2006, la somme totale de 133 500 euros à l'entreprise individuelle Nouvelle distribution automobile, par deux virements bancaires d'un montant de 50 000 euros et un troisième d'un montant de 33 500 euros ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 8, il résulte de l'instruction que M. B...a déclaré devant le juge d'instruction que ces virements avaient pour objet de permettre à son entreprise individuelle de rembourser une dette fiscale ; que le service a considéré qu'aucune prestation n'ayant été effectuée par l'entreprise individuelle du requérant pour la SARL JV Location, ces virements devaient être qualifiés d'avantages occultes imposables entre les mains de M.B... ; que celui-ci fait toutefois valoir que ces versements constituent la contrepartie de services rendus par l'entreprise individuelle Nouvelle distribution automobile à la SARL JV Location, en particulier la rémunération de la mise à disposition de la société des moyens humains et matériels de l'entreprise individuelle ; qu'il produit une facture émise le 31 octobre 2006 par l'entreprise Nouvelle distribution automobile à destination de la SARL JV Location pour un montant de 83 500 euros ; que cette facture, qui ne couvre pas l'intégralité de la somme imposée et dont le règlement est assuré par chèque, porte sur une " commission sur achat/vente export " ; qu'elle ne saurait justifier le versement par la SARL JV Location de la somme totale de 133 500 euros par virements bancaires en rémunération de la mise à disposition de personnels et de matériels ; qu'ainsi, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence et du montant des revenus distribués par la SARL JV Location ;

13. Considérant que, d'autre part, lors du contrôle, il a été établi que M.B..., qui exploite l'entreprise Nouvelle distribution automobile, était le seul maître de l'affaire ; qu'ainsi l'administration apporte la preuve qui lui incombe que M. B...a appréhendé les revenus réputés distribués par la SARL JV Location ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a imposé ces sommes dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande de décharge ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par M. B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en l'absence de dépens dans la présente instance, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le requérant sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et ministre des finances et des comptes publics.

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N° 14NC01020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01020
Date de la décision : 29/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : GROUPEMENT STRASBOURGEOIS D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-12-29;14nc01020 ?
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