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08/12/2015 | FRANCE | N°14NC01723

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 08 décembre 2015, 14NC01723


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 22 mai 2013 par laquelle le préfet du Doubs a rejeté sa demande, déposée le 11 octobre 2012, tendant à faire bénéficier son époux des dispositions relatives au regroupement familial.

Par un jugement n° 1301166 du 8 avril 2014, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2014, Mme A...épouseB...

, représentée par Me Bertin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 22 mai 2013 par laquelle le préfet du Doubs a rejeté sa demande, déposée le 11 octobre 2012, tendant à faire bénéficier son époux des dispositions relatives au regroupement familial.

Par un jugement n° 1301166 du 8 avril 2014, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2014, Mme A...épouseB..., représentée par Me Bertin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 8 avril 2014 ;

2°) d'annuler la décision du 22 mai 2013 par laquelle le préfet du Doubs a rejeté sa demande de regroupement familial en faveur de son époux ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Doubs d'autoriser le regroupement familial sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder au réexamen de sa demande de regroupement familial dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée ; même si elle ne disposait pas des ressources suffisantes pour solliciter une mesure de regroupement familial, le préfet devait s'interroger sur l'atteinte que causait sa décision à son droit à une vie familiale normale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision litigieuse méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2014, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...épouse B...ne sont pas fondés.

Mme A...épouse B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles conclu le 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne, modifié ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tréand, président assesseur,

- et les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968 : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité de la personne qu'ils rejoignent. Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1- le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; / 2 - le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

2. Considérant que si l'autorité administrative peut légalement rejeter une demande de regroupement familial sur le fondement des stipulations précitées de l'accord franco-algérien, elle ne peut le faire qu'après avoir vérifié que, ce faisant, elle ne porte pas une atteinte excessive au droit du demandeur au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3. Considérant qu'il ressort de la décision attaquée du 22 mai 2013 que pour refuser à Mme A...épouse B...le bénéfice du regroupement familial en faveur de son époux, le préfet du Doubs s'est fondé sur le caractère insuffisant des ressources de l'intéressée au cours des douze mois précédant sa demande et sur l'instabilité de ses ressources futures ; que si le préfet du Doubs pouvait légalement fonder sa décision sur ce motif, il ne se trouvait pas en situation de compétence liée et il lui appartenait de procéder à un examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des incidences de son refus sur la situation de Mme A... épouse B...au regard de son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors notamment que l'intéressée séjournait régulièrement en France depuis 25 ans et qu'il ne remettait pas en cause la régularité de son mariage avec M.B..., ressortissant algérien ; qu'en se bornant à énoncer dans sa décision le motif ci-dessus analysé, sans autre précision ni élément circonstancié tenant à la situation familiale de la requérante, le préfet du Doubs s'est, à tort, estimé lié par l'insuffisance des ressources de l'intéressée pour rejeter la demande dont il était saisi ; qu'il a ainsi méconnu l'étendue de son pouvoir d'appréciation ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, Mme A...épouse B...est fondée à soutenir que la décision en litige du 22 mai 2013 est entachée d'une erreur de droit ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...épouse B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; que selon les dispositions de l'article L. 911-3 : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;

6. Considérant que le présent arrêt n'implique pas, eu égard au motif retenu pour annuler la décision attaquée du 22 mai 2013, que le préfet du Doubs accorde à Mme A...épouse B...le bénéfice du regroupement familial en faveur de son époux ; que les conclusions à fin d'injonction présentées en ce sens doivent donc être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs de se prononcer à nouveau sur la demande de regroupement familial présentée par l'appelante dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 :

7. Considérant que Mme A...épouse B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Bertin, avocate de la requérante, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 8 avril 2014 et la décision en date du 22 mai 2013 par laquelle le préfet du Doubs a rejeté la demande de regroupement familial présentée par Mme A...épouse B...sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de réexaminer la demande de regroupement familial présentée par Mme A...épouse B...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Bertin, avocate de Mme A...épouseB..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...épouse B...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet du Doubs

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14NC01723


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01723
Date de la décision : 08/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-12-08;14nc01723 ?
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