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08/12/2015 | FRANCE | N°14NC01296

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 08 décembre 2015, 14NC01296


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Isri France a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 17 février 2011 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. D...ainsi que la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 3 août 2011 rejetant son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1104979 du 20 mai 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions susmentionnées.

Procédure devant la cour :

I. Par une re

quête et un mémoire, enregistrés les 15 juillet 2014 et 30 octobre 2015 sous le n° 14NC01296, M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Isri France a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 17 février 2011 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. D...ainsi que la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 3 août 2011 rejetant son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1104979 du 20 mai 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions susmentionnées.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 juillet 2014 et 30 octobre 2015 sous le n° 14NC01296, M.D..., représenté par Me A...de la SCP d'avocats Bourgun -A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 mai 2014 ;

2°) de rejeter la demande de la société Isri France ;

3°) de mettre à la charge de la société Isri France le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- son licenciement est discriminatoire.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 décembre 2014, le 10 juin 2015 et le 13 novembre 2015, la société Isri France, représentée par Me B...de la SCP B...- Lévy - Kahn, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

II. Par un recours enregistré le 15 juillet 2014 sous le n° 14NC01309, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 mai 2014 ;

2°) de rejeter la demande de la société Isri France.

Il soutient que la sanction de licenciement est disproportionnée, les faits reprochés à M. D... n'étant pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 décembre 2014, le 10 juin 2015 et le 12 novembre 2015, la société Isri France, représentée par Me B...de la SCP B...- Lévy - Kahn, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés le 29 octobre 2015 et le 13 novembre 2015, M.D..., représenté par Me A...de la SCP d'avocats Bourgun -A..., demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 mai 2014, de rejeter la demande de la société Isri France et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Isri France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- son licenciement est discriminatoire.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour M.D..., ainsi que celles de Me E...pour la société Isri France.

Des notes en délibéré présentées pour la société Isri France ont été enregistrées le 25 novembre 2015.

Une note en délibéré présentée pour M. D...a été enregistrée le 2 décembre 2015.

1. Considérant que M.D..., employé depuis le 26 mars 1985 par la société Isri France, exerçait les fonctions de délégué du personnel, de membre du comité d'entreprise et de délégué syndical ; que, par un courrier du 10 janvier 2011, la société Isri France a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de procéder à son licenciement pour faute ; que l'inspecteur du travail, par décision du 17 février 2011, a refusé d'accorder l'autorisation de licencier M. D... ; que cette décision a été confirmée par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé le 3 août 2011, sur recours hiérarchique de la société Isri France ; que par jugement du 20 mai 2014 le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions susmentionnées ; que M. D... et le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social relèvent appel de ce jugement ;

2. Considérant que les requêtes n° 14NC01296 de M. D...et n° 14NC01309 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par seul arrêt ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé notamment, dans le cas de faits survenus à l'occasion d'une grève, des dispositions de l'article L. 2511-1 du code du travail en vertu desquelles la grève ne rompt pas le contrat de travail sauf faute lourde imputable au salarié, et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont celui-ci est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le 16 décembre 2010, vers 14h, un mouvement de grève, fondé sur des revendications de nature professionnelle, notamment d'ordre salarial, a été lancé et suivi par 27 salariés sur les 380 de la société ; que ces salariés grévistes, dont M.D..., ont arrêté le travail et se sont rassemblés à l'espace " pause " du montage puis se sont rendus à 15h30 dans la cour de la société et ont bloqué l'unique camion opérant des livraisons à destination de la société Daimler, principal client de la société, jusqu'à 20h45 en entravant ainsi la libre circulation des marchandises et en désorganisant ces livraisons à flux tendu entre les deux sociétés ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que le blocage du camion entre 15h30 et 20h45, d'une durée limitée, n'a pas affecté le travail des salariés ne participant pas au mouvement de grève en l'absence notamment d'entrave à l'accès de l'entreprise et aux outils de production ; qu'en outre, la société Isri France ne démontre pas qu'elle n'aurait pas pu procéder au chargement des sièges destinés à la société Daimler à partir d'un autre quai avec un gerbeur ainsi que le soutient M. D... ; que la société Isri France ne justifie pas davantage par les pièces produites à l'instance qu'en raison du blocage du camion ses relations commerciales avec la société Daimler auraient été altérées ni qu'elle aurait perdu un marché avec la société Mitsubishi présente ce jour là ; que, par ailleurs, si la société Isri France fait état d'un préjudice financier de 32 424 euros, elle n'établit pas, ainsi qu'elle l'allègue, que ce préjudice résulterait de pénalités prises à son encontre par son client Daimler en raison des retards de livraison résultant du blocage du camion ; qu'en outre, la seule circonstance que des heures supplémentaires aient dû être effectuées pour rattraper les heures perdues du fait de la grève ne saurait caractériser un préjudice grave excédant largement le préjudice résultant normalement de l'exercice du droit de grève ; que, dans ces conditions, le blocage du camion n'a pas conduit à une désorganisation de l'entreprise ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que si M. D... a participé au mouvement de blocage du camion, il a toutefois recherché une issue au conflit, demandant à être reçu avec deux autres salariés par la direction de la société et que des négociations se sont poursuivies toute l'après midi ; qu'enfin, il est constant que ce blocage n'a été accompagné d'aucune violence ou dégradation et que M. D..., salarié de la société Isri France depuis vingt-cinq ans, n'a fait l'objet hormis un avertissement notifié il y a plusieurs années d'aucune sanction disciplinaire ; que, par suite, les faits reprochés à M. D...ne sauraient être regardés comme excédant le cadre de l'exercice normal par ce dernier de son mandat représentatif et ne sont pas constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation de licenciement ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué et l'autre moyen de la requête de M.D..., que M. D...et le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 17 février 2011 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. D...ainsi que la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 3 août 2011 confirmant cette décision du 17 février 2011 ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. D... et de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la société Isri France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Isri France le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1104979 du 20 mai 2014 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Isri France devant le tribunal administratif de Strasbourg ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La société Isri France versera à M. D...une somme de 1 500 (mille cinq-cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Isri France.

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Nos 14NC01296, 14NC01309


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01296
Date de la décision : 08/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : SCP BOURGUN DÖRR

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-12-08;14nc01296 ?
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