Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...C...épouse D...et M. E...D...ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les deux arrêtés du 4 avril 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés.
Par un jugement n° 1402052 - 1402060 du 30 octobre 2014, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête n° 15NC00452, enregistrée le 3 mars 2015, Mme A...C...épouseD..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 30 octobre 2014 en tant qu'il rejette sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 4 avril 2014 relatif à sa situation ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation et de lui délivrer, pendant la durée de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros, à verser à MeB..., en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens de l'instance dont 13 euros de droits de plaidoirie.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, en particulier en ce qu'elle ne mentionne pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ni la présence de ses enfants en France ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle ;
- le préfet n'a pas examiné s'il était possible que sa situation fasse, à titre exceptionnel, l'objet d'une régularisation ; ;
- le préfet n'a pas examiné sa demande de titre de séjour en qualité d'accompagnant de malade ; les éléments fournis suffisaient à justifier la saisine du médecin de l'Agence régionale de santé ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle méconnaît son droit d'être entendue et de présenter ses observations, qui découle d'un principe général du droit de l'Union européenne et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée pour prendre la décision d'obligation de quitter le territoire français, en méconnaissance de l'article 6 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ volontaire :
- cette décision doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- un délai supérieur à trente jours aurait dû lui être accordé ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- cette décision doit être annulée en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire ;
- elle est insuffisamment motivée et, en particulier, ne vise pas l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
En ce qui concerne l'arrêté en son intégralité :
- il sera annulé, sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en conséquence de l'annulation de l'arrêté similaire concernant son mari.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2015, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens n'est fondé.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 janvier 2015.
II. Par une requête n° 14NC00453, enregistrée le 3 mars 2015, M. E...D..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 30 octobre 2014 en tant qu'il rejette sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 4 avril 2014 relatif à sa situation ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation et de lui délivrer, pendant la durée de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros, à verser à MeB..., en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens de l'instance dont 13 euros de droits de plaidoirie.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, en particulier en ce qu'elle ne mentionne pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ni la présence de ses enfants en France ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle ;
- le préfet n'a pas examiné s'il était possible que sa situation fasse, à titre exceptionnel, l'objet d'une régularisation ;
- le préfet n'a pas examiné sa demande de titre de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade ; les éléments fournis suffisaient à justifier la saisine du médecin de l'Agence régionale de santé ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle méconnaît son droit d'être entendu et de présenter ses observations, qui découle d'un principe général du droit de l'Union européenne et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée pour prendre la décision d'obligation de quitter le territoire français, en méconnaissance de l'article 6 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ volontaire :
- cette décision doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- un délai supérieur à trente jours aurait dû lui être accordé ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- cette décision doit être annulée en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire ;
- elle est insuffisamment motivée et, en particulier, ne vise pas l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
En ce qui concerne l'arrêté en son intégralité :
- il sera annulé, sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en conséquence de l'annulation de l'arrêté similaire concernant son mari.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2015, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens n'est fondé.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 janvier 2015.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Fuchs a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme C...épouseD..., née le 19 décembre 1991, et M.D..., son époux, né le 15 août 1989, qui ont déclaré dans leurs demandes d'asile être de nationalité arménienne, sont entrés en France le 1er décembre 2011 en compagnie de leurs parents, des trois frères et soeurs de M. D...ainsi que de leur fils Smo, né le 22 décembre 2009 ; que leur second fils, Aziz, est né sur le territoire français le 13 août 2012 ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 18 juillet 2013, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 24 février 2014 ; que, par deux arrêtés du 4 avril 2014, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés ; qu'ils relèvent appel du jugement du 30 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ;
2. Considérant que les requêtes présentées par M. et Mme D...concernent la situation d'époux au regard de leur droit au séjour et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant que M. et Mme D...sont entrés sur le territoire en compagnie de leur fils, Smo, né le 22 décembre 2009, et que Mme D...a sollicité, le 3 avril 2014, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade ; qu'à supposer même que le préfet, comme il le soutient, n'ait pas eu connaissance de cette demande avant que ne soient édictées, le lendemain, les décisions en litige, il ressort des pièces du dossier que les intéressés avaient en revanche indiqué, dans leurs demandes d'asile, être présents sur le territoire en compagnie de leur premier enfant ; que les arrêtés en litige ne font toutefois, à aucun moment, mention de cette circonstance, y compris lorsque sont examinées les conséquences des décisions contestées sur la vie privée et familiale des requérants ; que ceux-ci sont dès lors fondés à soutenir qu'ils sont entachés d'un défaut d'examen de leur situation personnelle et à en demander l'annulation ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. et Mme D...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ; qu'eu égard aux motifs énoncés ci-dessus, il y a lieu d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer la situation des requérants, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de ce réexamen ;
Sur les dépens :
6. Considérant que la somme demandée au titre des dépens correspond à des droits de plaidoirie qui ne sont pas au nombre des dépens énumérés par l'article R. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions présentées à ce titre ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;
Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Considérant que les requérants ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B...de la somme globale de 1 500 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 30 octobre 2014 ainsi que les deux arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 4 avril 2014 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder, dans un délai de deux mois, au réexamen de la situation de M. et MmeD..., et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de ce réexamen.
Article 3 : L'Etat versera à Me B...une somme globale de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...épouseD..., à M. E...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 15NC00452 - 15NC00453