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03/12/2015 | FRANCE | N°15NC00219

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 03 décembre 2015, 15NC00219


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 22 juin 2012 par laquelle l'inspecteur du travail de la première section de l'unité territoriale de l'Aube a autorisé son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par un jugement n° 1201367 du 24 novembre 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cette décision du 22 juin 2012.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregi

strés les 2 février et 3 septembre 2015, la fédération ADMR de l'Aube, représentée par la soci...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 22 juin 2012 par laquelle l'inspecteur du travail de la première section de l'unité territoriale de l'Aube a autorisé son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par un jugement n° 1201367 du 24 novembre 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cette décision du 22 juin 2012.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 février et 3 septembre 2015, la fédération ADMR de l'Aube, représentée par la société d'avocats Fidal, demande à la cour :

1) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 24 novembre 2014 ;

2) de rejeter la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

3) de mettre à la charge de Mme D...une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- MmeC..., élue présidente de la fédération le 7 mars 2012, avait qualité pour demander l'autorisation de licencier Mme D...par délégation de MeA..., administrateur nommé par le tribunal de grande instance de Troyes ;

- il ne peut sérieusement être reproché à M.B..., nommé administrateur provisoire par le conseil général de l'Aube et qui n'a exercé ses fonctions que durant neuf mois, d'avoir harcelé moralement MmeD... ; ni la proposition faite à l'intéressée de rupture conventionnelle de son contrat de travail, ni les précautions prises pour favoriser sa reprise progressive d'activité, ni l'absence de communication des procès-verbaux du comité d'entreprise ne caractérisent des faits de harcèlement moral ; la responsabilité de l'agression verbale dont Mme D...a été victime lors d'une manifestation le 23 mai 2011 ne peut être imputée à la fédération ; l'état de santé de l'intéressée, qui ne résulte pas d'une situation de harcèlement moral, est lié à une situation de stress au travail ; elle n'a fait usage d'aucune des possibilités dont elle disposait pour dénoncer et faire cesser la situation alléguée de harcèlement moral ;

- l'obligation de reclassement d'un salarié déclaré inapte n'a pas été méconnue ; le médecin du travail a porté une appréciation sur les possibilités de reclassement au sein de l'ensemble de l'unité économique et sociale que constituent la fédération et les associations locales ; la fédération était tenue par l'appréciation du médecin du travail, qui a considéré que compte tenu de l'état de santé de MmeD..., qui présentait un danger immédiat, son reclassement était impossible ; la fédération a cependant cherché à reclasser l'intéressée.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 avril 2015, Mme E...D..., représentée par la SELARL Brun, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la fédération ADMR de l'Aube sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la fédération requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 28 octobre 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et à ce que les conclusions présentées par la fédération ADMR de l'Aube soient accueillies.

Il soutient n'avoir pas d'observations complémentaires à apporter au mémoire produit par la fédération ADMR de l'Aube.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fuchs,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que par une décision du 22 juin 2012, l'inspecteur du travail de la 1ère section de l'unité territoriale de l'Aube a accordé à la fédération ADMR de l'Aube l'autorisation de licencier MmeD..., qui exerçait les fonctions de directrice de la vie associative de cette fédération ainsi que de déléguée du personnel, pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; que cette fédération relève appel du jugement du 24 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 22 juin 2012 autorisant ce licenciement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail " ; qu'en vertu de ces dispositions, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ;

3. Considérant que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si ladite inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé ; que la circonstance que l'avis du médecin du travail, auquel il incombe de se prononcer sur l'aptitude du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ou à exercer d'autres tâches existantes, déclare le salarié protégé " inapte à tout emploi dans l'entreprise " ne dispense pas l'employeur, qui connaît les possibilités d'aménagement de l'entreprise et peut solliciter l'unité économique et sociale ou le groupe auquel, le cas échéant, celle-ci appartient, de rechercher toute possibilité de reclassement dans l'entreprise ou au sein de l'unité économique et sociale ou du groupe ;

4. Considérant que, d'une part, le médecin du travail a considéré, par son avis du 10 avril 2012, que Mme D...était définitivement inapte au poste de responsable de service ; que, par un courrier du 12 avril 2012, il a précisé que son état de santé était " incompatible avec tout travail au siège fédéral " et qu'aucun poste de reclassement ne pouvait dès lors lui être proposé ; que, d'autre part, la fédération départementale ADMR de l'Aube ainsi que les associations locales qui en sont membres constituent une unité économique et sociale, ainsi que l'a reconnu le tribunal d'instance de Troyes par un jugement du 9 octobre 1998 ; qu'il incombait ainsi à la fédération ADMR de l'Aube de rechercher si le reclassement de Mme D...était possible dans le périmètre de l'unité économique et sociale à laquelle elle appartient ; que s'il ressort de l'avis médical et du courrier explicatif mentionnés ci-dessus que le reclassement de Mme D...n'était pas possible au niveau fédéral, la fédération requérante n'établit pas, ni même n'allègue, avoir effectué un quelconque effort de reclassement au sein de l'unité économique et sociale ; que cette obligation de reclassement n'ayant pas été mise en oeuvre, la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de Mme D...était illégale ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la fédération ADMR de l'Aube n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 22 juin 2012 autorisant le licenciement de MmeD... ;

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la fédération ADMR de l'Aube au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche il y a lieu de mettre à la charge de cette fédération une somme de 1 500 euros à verser à Mme D...sur le fondement de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la fédération ADMR de l'Aube est rejetée.

Article 2 : La fédération ADMR de l'Aube versera à Mme D...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération ADMR de l'Aube, à Mme E... D...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

2

N° 15NC00219


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00219
Date de la décision : 03/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Inaptitude ; maladie.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL TROYES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-12-03;15nc00219 ?
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