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03/12/2015 | FRANCE | N°14NC02210

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 03 décembre 2015, 14NC02210


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 172 864,68 euros en réparation des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube, mise en cause dans l'instance, a, dans le dernier état de ses écrit

ures, demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'O...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 172 864,68 euros en réparation des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube, mise en cause dans l'instance, a, dans le dernier état de ses écritures, demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 35 506,91 euros en remboursement des débours qu'elle a exposés pour le compte de M.C..., ainsi que la somme de 980 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1000984 du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a limité à la somme de 10 600 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'ONIAM en réparation des préjudices subis par M. C...et a rejeté les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 8 décembre 2014 sous le n° 14NC02210, et un mémoire en réplique enregistré le 3 juillet 2015, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 octobre 2014 ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser, en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C, la somme de 172 864,68 euros à titre principal, la somme de 115 432,34 euros à titre subsidiaire ou la somme de 58 000 euros à titre infiniment subsidiaire, le montant de la condamnation étant assorti des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa requête et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de désigner un expert aux fins qu'il se prononce sur l'imputabilité de ses préjudices professionnels à la contamination dont il a été victime ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa contamination par le virus de l'hépatite C, diagnostiquée en 2002, est imputable aux transfusions sanguines qu'il a subies au centre hospitalier universitaire de Reims entre 1980 et 1982 ;

- la consolidation de son état de santé doit être fixée au mois de décembre 2008 et non à la date du 30 août 2006 retenue par les premiers juges ;

- les frais médicaux s'établissent à 885,91 euros et ont été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ;

- les pertes de gains professionnels subis à compter de l'année 2002 sont imputables à la seule hépatite C et non aux autres pathologies dont il est également affecté ;

- le montant de ce chef de préjudice, pour la période de décembre 2002 à décembre 2008, date de consolidation de son état de santé, s'établit à 87 786,68 euros ;

- ses pertes de gains professionnels entre le mois de décembre 2008 et le 1er avril 2009, date de son départ à la retraite, s'établissent à 4 824 euros, et, pour la période postérieure à ce départ, à 22 254 euros ;

- à tout le moins, l'hépatite dont il est atteint doit être regardée comme ayant contribué pour moitié à son préjudice professionnel, qui s'établit alors à 43 893,34 euros pour ses pertes de revenus temporaires et à 13 539 euros pour ses pertes de revenus permanents ;

- à défaut, il reviendra à la cour d'ordonner une expertise avant de se prononcer sur le lien de causalité entre son hépatite et son préjudice professionnel ;

- le déficit fonctionnel temporaire subi de 2002 à 2008 doit être évalué à 43 000 euros ;

- les souffrances physiques et morales endurées du fait de sa contamination s'établissent à 10 000 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent dont il reste atteint doit être évalué à 5 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 mars 2015, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par la société d'avocats De la Grange et Fitoussi, conclut à la jonction des requêtes enregistrées sous les n° 14NC02210 et n° 14NC02289, au rejet de la requête et à la condamnation du requérant et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube à lui verser chacun la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'ONIAM fait valoir que :

- la consolidation de l'état de santé du requérant s'établit au 3 août 2006 ;

- l'imputabilité des préjudices professionnels à l'hépatite C n'est pas établie dès lors que le requérant ne produit aucun avis d'arrêt de travail, que le placement de l'intéressé en régime d'invalidité n'est pas justifié, qu'il bénéficie de deux rentes au titre des accidents de travail survenus les 23 mai 1980 et 9 septembre 1988, que le déficit fonctionnel permanent résultant de l'hépatite est limité à 5 % et que le requérant a subi d'importantes périodes d'incapacité avant que cette hépatite ne soit diagnostiquée ;

- le requérant ne justifie pas des préjudices économiques allégués ;

- les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent subis par le requérant ;

- la demande présentée par la caisse primaire d'assurance maladie en première instance était irrecevable, faute d'avoir été présentée par un avocat ;

- la caisse ne saurait régulariser sa demande en appel ;

- elle ne justifie pas que les frais dont elle demande le remboursement sont imputables à l'hépatite C.

Par un mémoire enregistré le 2 avril 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube, représentée par la société d'avocats Colomes-Mathieu, conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 octobre 2014 en tant qu'il a rejeté sa demande, à la jonction des requêtes enregistrées sous le n° 14NC02210 et le n° 14NC02289, et à la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 35 506,91 euros en remboursement des débours exposés pour le compte du requérant, ainsi que la somme de 1 048 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et celle de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie fait valoir que :

- elle régularise son intervention à hauteur d'appel en présentant sa requête par un avocat ;

- le requérant établit que ses préjudices professionnels, subis à compter de l'année 2002, sont imputables à la seule hépatite C et non aux autres pathologies dont il est également affecté ;

- les frais dont elle demande le remboursement présentent donc un lien direct avec cette affection hépatique ;

- la rente d'invalidité versée au requérant est imputable pour moitié à cette même pathologie.

Par un mémoire enregistré le 15 avril 2015, l'établissement français du sang (EFS), représenté par MeD..., a présenté ses observations sur la requête de M.C....

M. C... a présenté un mémoire le 20 octobre 2015.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube a présenté un mémoire le 28 octobre 2015.

II. Par une requête enregistrée le 19 décembre 2014 sous le n° 14NC02289, et un mémoire en réplique enregistré le 1er avril 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube, représentée par la société d'avocats Colomes-Mathieu, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 octobre 2014 en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) de prononcer la jonction des requêtes enregistrées sous le n° 14NC02210 et le n° 14NC02289 ;

3°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 35 506,91 euros en remboursement des débours exposés pour le compte de M.C..., ainsi que la somme de 1 048 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie fait valoir que :

- elle régularise son intervention à hauteur d'appel en présentant sa requête par un avocat ;

- le requérant établit que ses préjudices professionnels, subis à compter de l'année 2002, sont imputables à la seule hépatite C et non aux autres pathologies dont il est également affecté ;

- les frais dont elle demande le remboursement présentent donc un lien direct avec cette affection hépatique ;

- la rente d'invalidité versée au requérant est imputable pour moitié à cette même pathologie.

Par deux mémoires enregistrés le 18 février 2015 et le 15 avril 2015, l'établissement français du sang (EFS), représenté par MeD..., a présenté ses observations sur la requête de la caisse primaire d'assurance maladie.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 mars 2015, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par la société d'avocats De la Grange et Fitoussi, conclut à la jonction des requêtes enregistrées sous le n° 14NC02210 et le n° 14NC02289, au rejet de la requête et à la condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube et de M. C...à lui verser chacun la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'ONIAM fait valoir les mêmes motifs que dans son mémoire enregistré le 27 mars 2015, visé sous la requête n° 14NC02210.

M. C... a présenté un mémoire le 20 octobre 2015.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube a présenté un mémoire le 27 octobre 2015.

Vu :

- les pièces dont il résulte que les requêtes ont été communiquées à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire ;

- les mises en demeure adressées les 17 et 18 mars 2015 au directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et les avis de réception de ces mises en demeure.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour M. C...et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube.

1. Considérant que M.C..., victime d'un grave accident de travail le 26 mai 1980, a été pris en charge par le centre hospitalier universitaire de Reims, au sein duquel il a fait l'objet de multiples transfusions de produits d'origine sanguine ; qu'une contamination par le virus de l'hépatite C ayant été diagnostiquée chez M. C...au cours du mois de décembre 2002, il a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à la condamnation de l'établissement français du sang (EFS), auquel l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) s'est substitué en cours d'instance, à lui verser la somme totale de 172 864,68 euros en réparation des préjudices résultant de cette affection hépatique ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube est intervenue dans l'instance aux fins d'obtenir le remboursement des frais exposés pour le compte de l'intéressé ; que, par un jugement du 14 octobre 2014, le tribunal administratif a limité à 10 600 euros le montant de l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM en réparation des préjudices subis par M. C...et a rejeté comme irrecevables les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube ; que M. C...relève appel de ce jugement et demande à la cour de porter le montant de l'indemnité allouée par les premiers juges à 172 864,68 euros à titre principal, à 115 432,34 euros à titre subsidiaire ou à 58 000 euros à titre infiniment subsidiaire ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube demande à la cour d'annuler le même jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions et demande la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 35 506,91 euros en remboursement de ses débours ; qu'il y a lieu de joindre les requêtes de M. C... et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la recevabilité de la demande présentée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel (...) / La personne victime (...) ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. / A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 431-2 du code de justice administrative, dans sa version applicable en l'espèce : " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par un avoué en exercice dans le ressort du tribunal administratif intéressé, lorsque les conclusions de la demande tendent au paiement d'une somme d'argent, à la décharge ou à la réduction de sommes dont le paiement est réclamé au requérant ou à la solution d'un litige né d'un contrat (...) " ;

4. Considérant que compte tenu, d'une part, du lien qu'établissent les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale entre la détermination des droits de la victime et celle des droits de la caisse d'assurance maladie à laquelle elle est affiliée et, d'autre part, de l'obligation qu'elles instituent d'appeler cette caisse dans la cause, en tout état de la procédure, afin de la mettre en mesure de rechercher le remboursement de ses débours par l'auteur de l'accident, l'appel régulièrement formé par la victime contre un jugement statuant sur sa demande et sur un recours subrogatoire présenté au nom de la caisse rouvre à cette dernière, si elle avait omis de le faire en première instance, la possibilité de se faire représenter par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant que, par son jugement du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, faisant droit à une fin de non recevoir opposée par l'ONIAM, a rejeté les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube au motif que celle-ci n'était pas représentée par un avocat ; que, dès lors que la cour a été régulièrement saisie d'un appel de M.C..., il résulte de ce qui est dit au point 4 que la caisse primaire d'assurance maladie, représentée en appel par un avocat, est recevable à demander le remboursement des débours exposés pour le compte de la victime ; qu'ainsi le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 octobre 2014 doit être annulé en tant qu'il a rejeté sa demande ;

6. Considérant qu'il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement par voie d'évocation sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions de M. C...;

Sur l'évaluation des préjudices :

7. Considérant que l'ONIAM, qui ne conteste pas que la contamination de M. C... par le virus de l'hépatite C est imputable aux transfusions subies au centre hospitalier universitaire de Reims en 1980 et 1981, soutient que la date de consolidation de l'état de santé de la victime doit être fixée au 30 août 2006 ; que, toutefois, s'il ressort du certificat médical établi le 6 juin 2006 par le praticien du centre hospitalier de Troyes dans lequel M. C...a subi un traitement antiviral, du 29 avril 2005 au 27 février 2006, que les examens présentaient une sérologie négative à l'hépatite C au terme de ce traitement, la circonstance que ce praticien ait préconisé, dans ce même certificat, la réalisation d'un bilan sanguin six mois après l'arrêt du traitement en vue de surveiller l'état de santé de l'intéressé n'est pas de nature à établir une consolidation au 30 août 2006 ; qu'il résulte en revanche du rapport de l'expert désigné par les premiers juges, lequel a tenu compte des derniers examens réalisés le 13 janvier 2009, que la consolidation de M. C... doit être fixée à la date du 31 décembre 2008 ;

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

8. Considérant, en premier lieu, que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube demande le remboursement de dépenses de santé exposées pour le compte de M. C...du 21 janvier 2006 au 26 décembre 2008, pour un montant de 885,91 euros ; que toutefois, l'attestation du 1er octobre 2013, dans laquelle le médecin-conseil de la caisse se borne à certifier que ces frais sont liés au seul acte médical du 26 mai 1980, n'est pas de nature à établir leur imputabilité à la contamination dont le requérant a été victime, laquelle n'a été diagnostiquée qu'au mois de décembre 2002 et n'a donc fait l'objet de traitements médicaux qu'après cette date ; que, dans ces conditions, alors que l'ONIAM conteste expressément l'imputabilité des dépenses de santé litigieuses à la contamination de M.C..., les conclusions présentées à ce titre par la caisse ne peuvent qu'être rejetées ;

9. Considérant, en second lieu, que M.C..., qui occupait un emploi de chauffeur routier depuis 1995, soutient que sa contamination par le virus de l'hépatite C est à l'origine de son arrêt de travail pour maladie à compter du mois de décembre 2002, puis de son licenciement le 31 juillet 2003 ;

10. Considérant, d'une part, qu'il résulte du courrier du 13 décembre 2002 adressé par un praticien du centre hospitalier de Troyes au médecin traitant de M. C...que ce dernier présentait alors plusieurs pathologies invalidantes, notamment un diabète insulinodépendant et une hypertension artérielle, et avait été victime d'un infarctus du myocarde en 1998 ; que selon le rapport médical établi le 17 septembre 2004 en vue de l'attribution d'une pension d'invalidité, le requérant présentait, au début du mois de décembre 2002, une asthénie, des vertiges et des malaises à la suite d'une décompensation de son diabète et a été hospitalisé en janvier 2003 pour une crise de pancréatite ; qu'en outre, il ressort du certificat médical du 6 juin 2006, cité au point 7, qu'à la date du 13 janvier 2003, la biopsie hépatique réalisée sur l'intéressé montrait une hépatite chronique à activité modérée ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que cette hépatite serait à l'origine de l'arrêt de travail subi par le requérant à compter du mois de décembre 2002, ni que cette contamination aurait contribué, eu égard aux autres pathologies dont l'intéressé est atteint, à sa cessation anticipée d'activité ;

11. Considérant, d'autre part, que le médecin du travail a estimé, dans son avis du 21 juillet 2003, que si M. C...était inapte à la conduite de véhicules poids lourds, il pouvait néanmoins conduire des véhicules légers ou occuper un emploi sédentaire, contredisant ainsi les allégations du requérant selon lesquelles sa contamination serait à l'origine d'une inaptitude professionnelle ; que si le requérant a été licencié le 31 juillet 2003 en l'absence de possibilité de reclassement, il résulte du dossier médical constitué le 8 août suivant en vue d'un examen par la commission médicale de l'institution de prévoyance d'inaptitude à la conduite (IPRIAC), chargée de garantir les travailleurs du secteur des transports perdant leur emploi pour raison médicale, que la nature de l'affection motivant la demande de prestation est un diabète insulinodépendant ; qu'à cet égard, il ressort du rapport médical précité du 17 septembre 2004 que la mise sous insuline de l'intéressé était incompatible avec son maintien dans un emploi de chauffeur routier ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que l'affection hépatique de M. C...s'est aggravée après son licenciement, nécessitant la mise en place d'un traitement antiviral du 29 avril 2005 au 27 février 2006, soit près de deux ans après qu'il a été licencié ; que, par suite, il n'est pas établi que la contamination de M. C... par le virus de l'hépatite C serait à l'origine de son licenciement le 31 juillet 2003 ;

12. Considérant qu'il suit de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'indemnisation des pertes de revenus qu'il estime avoir subies à raison de son affection hépatique ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie tendant au remboursement des indemnités journalières versées du 7 décembre 2002 au 30 novembre 2004, et de la pension d'invalidité versée du 1er décembre 2004 au 31 mai 2008, ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il s'ensuit que ses conclusions tendant à la condamnation de l'ONIAM au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion ne peuvent qu'être également rejetées ;

En ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire :

14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.C..., dont l'état de santé est consolidé au 31 décembre 2008, a été hospitalisé pour la réalisation d'une biopsie hépatique les 17 et 18 janvier 2003 et a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel de dix mois, pendant l'administration du traitement antiviral du 29 avril 2005 au 27 février 2006 ; qu'eu égard notamment aux répercussions de l'hépatite et de ce traitement sur la vie familiale et privée du requérant et aux troubles de toute nature subis dans ses conditions d'existence, il y a lieu de porter de 3 150 euros à 5 000 euros le montant alloué au titre de son déficit fonctionnel temporaire ;

En ce qui concerne les souffrances endurées :

15. Considérant que M. C...a enduré des souffrances physiques et morales évaluées par l'expert désigné par les premiers juges à 3 sur une échelle de 0 à 7 ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en portant la somme allouée à ce titre par le tribunal administratif de 2 800 euros à 3 000 euros ;

En ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent :

16. Considérant que M.C..., âgé de 59 ans à la date de consolidation de son état de santé, reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent imputable à son affection hépatique, estimé à 5 % par l'expert ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en portant la somme allouée par les premiers juges de 4 650 euros à 5 000 euros ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de diligenter un complément d'expertise, que M. C... est seulement fondé à soutenir que le montant de l'indemnité allouée par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en réparation de ses préjudices doit être porté de 10 600 à 13 000 euros ; qu'il y a lieu, ainsi que le demande le requérant dans sa requête d'appel, d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2010, date à laquelle sa demande a été enregistrée au greffe du tribunal administratif, et de prononcer la capitalisation de ces mêmes intérêts à la date du 8 décembre 2014, date à laquelle ils étaient dus depuis au moins un an, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant, d'une part, que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'ONIAM à verser la somme de 1 500 euros à M. C...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'ONIAM demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

19. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans l'instance introduite par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube, le versement de la somme que la caisse demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'ONIAM tendant au remboursement de ces mêmes frais par la caisse ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1000984 du 14 octobre 2014 est annulé en tant qu'il statue sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube.

Article 2 : La demande présentée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : La somme que l'ONIAM est condamné à verser à M. C...en réparation de ses préjudices consécutifs à sa contamination par le virus de l'hépatite C est portée de 10 600 euros à 13 000 (treize mille) euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2010 et les intérêts échus à la date du 8 décembre 2014, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1000984 du 14 octobre 2014, en tant qu'il statue sur les droits de M.C..., est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'ONIAM versera à M. C...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube.

Copie du présent arrêt sera délivrée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne et à l'établissement français du sang.

2

N° 14NC02210, 14NC02289


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC02210
Date de la décision : 03/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-12-03;14nc02210 ?
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