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27/10/2015 | FRANCE | N°14NC01962

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 27 octobre 2015, 14NC01962


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... épouse B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté en date du 5 février 2014 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 1402304 du 24 juillet 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la c

our :

Par une requête enregistrée le 23 octobre 2014, Mme C...épouseB..., représentée par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... épouse B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté en date du 5 février 2014 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 1402304 du 24 juillet 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 octobre 2014, Mme C...épouseB..., représentée par Me A... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 24 juillet 2014 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 5 février 2014 pris à son encontre par le préfet de la Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à MeA..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour en litige est insuffisamment motivée ;

- sa bonne intégration sociale et le fait qu'elle ne peut vivre normalement en Bosnie ont été insuffisamment pris en compte ;

- le préfet s'est cru en situation de compétence liée pour assortir son refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée dès lors que sa situation ne relevait pas du 4° de l'article L. 741-4 ;

- le préfet, qui n'a pas motivé sa décision, s'est cru à tort lié par l'indication du délai d'un mois mentionnée à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2015, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 25 septembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Kohler, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'à la suite du rejet de la demande d'asile présentée par l'intéressée, le préfet de la Moselle a refusé de délivrer un titre de séjour à MmeB..., ressortissante bosnienne, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé ; que Mme B...relève appel du jugement du 24 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué fait mention de ce que la demande d'asile présentée par Mme B...a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de ce que cette dernière n'entre donc pas dans le cas prévu au 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la délivrance d'une carte de résident à l'étranger admis au statut de réfugié ; que, si le préfet n'a pas indiqué que l'intéressée n'entrait pas non plus dans le cas prévu à l'article L. 313-13 de ce code relatif à la délivrance d'une carte de séjour temporaire à l'étranger ayant obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire, cette seule circonstance n'est pas de nature à entacher d'un défaut de motivation l'arrêté attaqué qui énonce en des termes suffisamment précis que Mme B...ne pouvait se voir attribuer un titre de séjour au titre de l'asile du fait du rejet de leur demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ce qui visait nécessairement à la fois le refus de reconnaissance de la qualité de réfugié et le refus du bénéfice de la protection subsidiaire ;

3. Considérant, en deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 2, que par une décision du 6 janvier 2014, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de reconnaitre à Mme B... la qualité de réfugiée ; que, par suite, le préfet était tenu de refuser son admission au séjour à ce titre ; que, par ailleurs, si Mme B...fait valoir qu'elle ne peut vivre normalement en Bosnie et qu'elle est bien intégrée en France, elle n'établit pas davantage qu'en première instance que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée pour assortir les refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 de ce code : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. (...) " ;

7. Considérant que conformément aux dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution, après la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant une demande d'asile, qu'à l'encontre d'un étranger entrant dans le champ d'application du 2° au 4° de l'article L. 741-4 du même code ; qu'il incombe de ce fait au juge saisi de la contestation de la légalité d'une obligation de quitter le territoire français après la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides fondée sur le 2° de cet article, de s'assurer que l'étranger entre bien dans le cas visé par ces dispositions ; que la seule circonstance qu'une décision administrative ait refusé l'admission au séjour à raison du caractère sûr du pays d'origine mentionné au 2° de cet article et qu'elle n'ait pas été contestée ou qu'elle n'ait pas été annulée par le juge administratif ne fait pas obstacle à ce que le juge détermine lui-même, sans se prononcer sur la légalité de cette décision, si la demande d'asile relevait bien des cas mentionnés à l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans l'hypothèse où il estime que tel n'était pas le cas, et alors même que l'intéressé n'avait pas été effectivement admis à séjourner en France, cet étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours ;

8. Considérant qu'il est constant que Mme B...est ressortissante de Bosnie, pays inscrit sur la liste des pays d'origine sûrs établie par le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'ainsi, et alors qu'elle n'établit pas que les éléments qu'elle aurait fait valoir devant le préfet auraient justifié qu'il l'admette provisoirement au séjour, elle relevait du champ d'application du 2° de l'article L. 741-4 du code précité ; que, par suite, le préfet de la Moselle a pu légalement l'obliger à quitter le territoire sans attendre que la Cour nationale du droit d'asile se prononce sur le recours qu'elle a formé contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le délai de départ volontaire :

9. Considérant, en premier lieu, que, dès lors que le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français constitue un délai équivalent au délai de droit commun le plus long susceptible d'être accordé en application de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, l'absence de prolongation de ce délai n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou justifie d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire, au sens desdites dispositions de l'article 7, une telle prolongation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B...ait demandé au préfet à bénéficier d'une prolongation dudit délai ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision du préfet lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours n'est pas suffisamment motivée ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet se serait cru lié par les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour limiter à trente jours le délai de départ volontaire accordé à MmeB... ;

11. Considérant, en troisième lieu, que la seule circonstance que Mme B...ait introduit un recours devant la Cour nationale du droit d'asile n'est pas de nature à établir que le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination :

12. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision fixant le pays de destination mentionne les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée ;

13. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que selon l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

14. Considérant que si Mme B...soutient qu'elle encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine en raison des discriminations dans l'accès aux soins qu'elle y a subi, elle ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de ces risques, alors d'ailleurs que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'en a pas reconnu l'existence ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... épouse B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

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N° 14NC01962


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01962
Date de la décision : 27/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Julie KOHLER
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-10-27;14nc01962 ?
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