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27/10/2015 | FRANCE | N°14NC01181

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 27 octobre 2015, 14NC01181


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé.

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé son admission

au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé.

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 1400449-1400452 du 3 juin 2014, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin 2014, et 2mars 2015, M. D..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 3 juin 2014 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat, ainsi que la somme de 2 000 euros à verser à MeE..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient :

Sur la légalité externe, que :

- sa requête est recevable ;

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 qu'il vise ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

Sur la légalité interne, que :

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet s'est cru lié par les appréciations de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile et n'a pas procédé à une analyse personnelle de sa situation ;

- ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2015, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

II - Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin 2014 et 2 mars 2015, Mme D..., représentée par Me Coche-Mainente, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 3 juin 2014 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat ainsi que la somme de 2 000 euros à verser à MeE..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir les mêmes moyens que ceux exposés à l'appui du recours de son époux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2015, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

M. et Mme D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions en date du 19 août 2014.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Tréand, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que M. et MmeD..., ressortissants angolais, sont entrés en France en juin 2012 ; que leurs demandes d'asile, instruites selon la procédure prioritaire, ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 mars 2013, refus confirmés par la Cour nationale du droit d'asile le 19 décembre 2013 ; que, par arrêtés du 31 janvier 2014, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé l'Angola, comme pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé ; que M. et Mme D...relèvent appel du jugement du 3 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme D...reprennent en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, les moyens qu'ils avaient invoqués en première instance tirés de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français au regard des exigences de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté a été signé par M. Jean-François Raffy, secrétaire général de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, qui, aux termes de l'article 1er de l'arrêté n°13.BI.20 du 20 août 2013, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Meurthe-et-Moselle du 23 août 2013, a reçu délégation " à l'effet de signer tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département de Meurthe-et-Moselle, à l'exception des arrêtés de conflit " ; que cette délégation, qui comporte une exception, ne revêt pas le caractère d'une délégation générale de signature ; qu'au surplus, la délégation consentie par le préfet de Meurthe-et-Moselle ne subordonne pas la signature du secrétaire général à l'empêchement du préfet ; que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'avait donc pas a justifier de son empêchement pour établir la compétence du secrétaire général de la préfecture ; que dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la délivrance de titre de séjour et à l'obligation pour les étrangers en situation irrégulière de quitter le territoire français, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions prises sur le fondement desdites dispositions et, par suite, exclure l'application des dispositions de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 ; que, par suite, la circonstance que l'arrêté attaqué mentionne dans ses visas l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, qui n'est pas applicable en l'espèce, relève d'une erreur de plume et est sans influence sur la légalité des décisions attaquées ;

Sur la légalité interne des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d' asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

7. Considérant que les requérants font valoir leurs efforts d'intégration, notamment par l'apprentissage de la langue française et l'implication bénévole de M. D...au sein d'associations de solidarité, que leur fille est née en mars 2013 et que l'état de santé de l'enfant et de Mme D...nécessitent un suivi médical en France ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que les requérants sont entrés irrégulièrement en France en juin 2012, à l'âge de 36 et 32 ans, qu'ils ne justifient pas être dépourvus de toute attache familiale dans leur pays d'origine où résident leurs deux premiers enfants et que les raisons médicales invoquées ne justifient pas leur présence en France ; que, dans les circonstances de l'espèce, nonobstant la volonté des requérants de s'intégrer dans la société française, les décisions attaquées n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; qu'elles n'ont donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de M. et MmeD... ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru à tort en situation de compétence liée par rapport aux décisions rendues par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, pour prendre à leur encontre, une mesure d'éloignement et fixer le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés ;

9. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,: " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

10. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations et de ces dispositions n'est opérant qu'à l'encontre de la seule décision fixant le pays de destination ; que M. et Mme D...dont les demandes de reconnaissance de la qualité de réfugié ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 8 mars 2013, refus confirmés par la Cour nationale du droit d'asile le 19 décembre 2013, soutiennent qu'ils seraient exposés à des risques pour leur vie en cas de retour dans leur pays d'origine, en raison de leur engagement au sein de l'organisation de défense des droits humains " Mpalabanda ", engagement qui a valu, notamment, à M. D...d'être arrêté à plusieurs reprises, détenu et torturé ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que les intéressés se trouveraient personnellement exposés à un risque réel, direct et sérieux pour leur vie et leur liberté en cas de retour en Angola ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes présentées par M. et Mme D...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme B...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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N° 14NC01181-14NC01182


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01181
Date de la décision : 27/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : COCHE-MAINENTE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-10-27;14nc01181 ?
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