Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 15 octobre 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, sur recours hiérarchique de la société d'Haussy Strasbourg, d'une part, annulé la décision implicite de l'inspecteur du travail refusant d'accorder l'autorisation de le licencier et, d'autre part, accordé l'autorisation de licenciement sollicitée.
Par un jugement n° 1205620 du 25 novembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2014, la société d'Haussy Strasbourg, représentée par MeA..., demande à la cour :
1) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 novembre 2014 ;
2) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
3) de mettre à la charge de M. C...une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société d'Haussy Strasbourg soutient que :
- la matérialité des faits qui se sont produits le 23 février 2012 est établie ; M. C... a reconnu les faits à plusieurs reprises ; il ne s'agissait pas simplement d'une réaction impulsive mais d'un comportement violent volontaire de l'intéressé à l'égard d'un de ses collègues de travail ; ce dernier, qui entretenait avec M. C...jusqu'à cet incident une relation exempte de tensions, n'a pas provoqué celui-ci ni eu une attitude équivoque à son égard ; le contexte de harcèlement moral invoqué par M. C...ne peut être retenu ;
- les actes commis justifient la mesure de licenciement ; ils auraient pu avoir des conséquences d'une extrême gravité ; l'intéressé était déjà entré à plusieurs reprises en conflit avec d'autres collègues et avait déjà eu une attitude violente ; le collègue de travail agressé par M. C...a été victime d'une dépression réactionnelle consécutive à cet incident.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2015, M. B...C..., représenté par Me Dörr, conclut au rejet de la requête et à ce soient mises à la charge de la société d'Haussy Strasbourg une somme de 3 000 euros et à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision ministérielle en litige, qui comporte des erreurs de fait, est insuffisamment motivée ;
- la procédure de licenciement a été conduite en méconnaissance de l'article L. 1232-6 du code du travail, le délai de réflexion indiqué par cet article n'ayant pas été respecté avant l'envoi de la demande d'autorisation de licenciement ;
- l'article L. 1152-2 du code du travail a été violé ; le réflexe d'autodéfense qu'il a eu est entièrement imputable à son employeur, qui a laissé la situation de harcèlement moral dans laquelle il se trouve se dégrader ; la société d'Haussy, informée de ce harcèlement moral, aurait dû suspendre la procédure de licenciement et mener une enquête impartiale et équitable ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ; il n'a, à aucun moment, prononcé de menaces de mort contrairement à ce que soutient la société ;
- le constat d'huissier dressé le 4 octobre 2012 est entaché de vices qui le rendent inopposable dans la présente instance ;
- il conteste la valeur probante des attestations retenues par le ministre pour fonder sa décision ;
- la sanction retenue à son égard est manifestement excessive ; il a été provoqué par le collègue concerné ; son geste était impulsif ; son collègue n'a subi aucun préjudice du fait de son comportement déplacé.
Une mise en demeure de produire dans un délai d'un mois a été adressée au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social le 10 juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fuchs,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me Dörr, avocat de M.C....
1. Considérant que, par un courrier du 13 juin 2012, la société d'Haussy Strasbourg a formé un recours hiérarchique contre la décision implicite de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser le licenciement pour faute de M.C..., qui exerçait les fonctions de conducteur de ligne au sein de cette société et était également conseiller prud'homal ; que le 15 octobre 2012, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision implicite de l'inspecteur du travail et a autorisé le licenciement de M. C... ; que la société d'Haussy Strasbourg relève appel du jugement du 25 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision ministérielle ;
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
3. Considérant qu'il est constant que le 23 février 2012 à 22 heures, lors du changement d'équipe, une altercation a opposé M. C...à l'un de ses collègues, M. H. ; que ce dernier s'est plaint d'un problème de réglage de la ligne de production, tout en touchant M. C...à plusieurs reprises, y compris après que celui-ci lui a enjoint de ne pas le faire ; que l'intimé a alors réagi de manière impulsive en lançant en direction de son collègue une chaise, ce qui lui a causé une légère blessure au genou gauche ; que s'il a, par ce comportement, commis une faute, la responsabilité du déclenchement de l'altercation n'est pas de sa seule responsabilité ; qu'il ressort en effet des pièces du dossier que les relations entre les deux salariés étaient difficiles depuis plusieurs semaines, M. H. refusant en particulier ostensiblement de saluer M. C...lors des changements d'équipe et que M. H. a eu une attitude provoquante notamment en le touchant à au moins trois reprises et en persistant à le faire alors que M. C... lui avait enjoint de cesser ce geste ; qu'en outre, l'intimé, qui vivait une situation difficile, notamment sur le plan personnel et qui reconnait les faits, admet également le caractère aussi répréhensible que regrettable de sa conduite ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu, en particulier, du contexte dans lequel s'est déroulée l'altercation, cet unique fait de violence, alors que M. C...n'avait fait l'objet par le passé d'aucune sanction de la part de son employeur, ne constitue pas une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation de licenciement accordée par le ministre ; que, par conséquent, la société d'Haussy Strasbourg n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en date du 15 octobre 2012 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
4. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société d'Haussy Strasbourg au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société d'Haussy Strasbourg une somme de 1 500 euros sur ce fondement à verser à M.C... ; que, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions présentées à ce titre par M. C...à l'encontre du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société d'Haussy Strasbourg est rejetée.
Article 2 : La société d'Haussy Strasbourg versera la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à M. C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. C...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'Haussy Strasbourg, à M. B... C...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
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N° 14NC02212