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01/10/2015 | FRANCE | N°14NC00926

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 01 octobre 2015, 14NC00926


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. et Mme B...au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1201494 du 27 décembre 2013, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 février 2014, et des mémoires complémentaires enregistrés les 6 octobre 2014 et 2 mars 2015, M.B..., représenté par MeC..., demand

e à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201494 du tribunal administratif de Besançon du 27 déc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. et Mme B...au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1201494 du 27 décembre 2013, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 février 2014, et des mémoires complémentaires enregistrés les 6 octobre 2014 et 2 mars 2015, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201494 du tribunal administratif de Besançon du 27 décembre 2013 ;

2°) de prononcer la réduction demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été convoqué à l'audience publique, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 711-2 du code de justice administrative ;

- en considérant que l'article 81 quater du code général des impôts ne pouvait s'appliquer aux travailleurs frontaliers, les premiers juges ont fait de ces dispositions une application contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combiné à l'article 1er du premier protocole additionnel et à l'article premier du protocole additionnel n° 12 ;

- il est fondé à demander l'application de l'instruction 5F-1-10 du 6 janvier 2010 qui précise que l'article 81 quater s'applique à tous les salariés, y compris aux travailleurs frontaliers ;

- le défaut délibéré de saisie de la rémunération exonérée indiquée dans leur déclaration, compte tenu du refus de l'administration, a pour effet de rendre inopposable l'option choisie par " Monsieur " ou l'absence d'option effectuée par " Madame " ;

- leur réponse à un courrier du 18 juin 2012 pouvait tenir lieu de choix entre l'une de ces deux méthodes.

Par des mémoires en défense enregistrés les 22 juillet 2014 et 5 janvier 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le requérant n'établit pas que l'avis d'audience du 21 novembre 2013 ne l'avisait pas de la date d'audience du 5 décembre 2013 ;

- l'exonération des heures supplémentaires ou complémentaires prévues par le législateur à l'article 81 quater du code général des impôts est réservée aux salariés soumis au droit du travail français ;

- le requérant ne peut utilement invoquer une violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de manière autonome, sans précision sur le droit ou la liberté dont la jouissance aurait été affectée par la discrimination alléguée ;

- l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combiné avec l'article 1er du premier protocole additionnel, ne peut être invoqué à propos d'une différence de traitement en matière fiscale ;

- l'invocation de l'instruction 5F-1-10 du 6 janvier 2010 demeure sans effet dès lors que les contribuables n'en remplissent pas strictement les conditions, l'exonération étant subordonnée à la production d'attestations et au choix d'une méthode, réelle ou forfaitaire, qui ne peut être modifié ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses protocoles additionnels n° 1 et 12 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 10 septembre 2015 :

- le rapport de M. Di Candia ;

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public.

1. Considérant que M. B...et son épouse ont sollicité l'exonération des heures supplémentaires effectuées en 2011 en qualité de travailleurs frontaliers tant sur le fondement de l'article 81 quater du code général des impôts que sur celui de la doctrine administrative ; que M. B... relève appel du jugement du 27 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle son épouse et lui ont été assujettis au titre de l'année 2011 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / L'avis d'audience reproduit les dispositions des articles R. 731-3 et R. 732-1-1. Il mentionne également les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public, en application du premier alinéa de l'article R. 711-3 ou, si l'affaire relève des dispositions de l'article R. 732-1-1, de la décision prise sur la dispense de conclusions du rapporteur public, en application du second alinéa de l'article R. 711-3. / L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. Toutefois, en cas d'urgence, ce délai peut être réduit à deux jours par une décision expresse du président de la formation de jugement qui est mentionnée sur l'avis d'audience. (...) " ; que M. B... ne conteste pas avoir été averti le 14 novembre 2013 de ce que la date d'audience était fixée le 5 décembre 2013 ; que le ministre soutient sans être contredit que les parties ont été informées de ce que l'affaire, initialement inscrite à l'audience du 5 décembre 2013 au rôle de 9h30, a été reportée à une audience du même jour au rôle de 14h30 ; qu'en se bornant à produire la fiche " Sagace " retraçant sommairement l'historique de la procédure tenue devant le tribunal administratif de Besançon et dont les mentions font état d'un avis de renvoi à une audience ultérieure, M. B...n'apporte pas une preuve suffisante de ce que, contrairement aux énonciations du jugement attaqué, il n'aurait pas été régulièrement averti de la tenue de cette audience à la même date que celle qui lui a été indiquée, mais à une heure différente ; que dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ;

Sur le terrain de la loi fiscale :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 81 quater du code général des impôts, alors en vigueur : " I. - Sont exonérés de l'impôt sur le revenu : 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l'article L. 3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l'article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application du troisième alinéa de l'article L. 3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l'article L. 3122-4 du même code, à l'exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l'accord lorsqu'elle lui est inférieure. / L'exonération mentionnée au premier alinéa est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l'article L. 3121-44 du code du travail, à des jours de repos dans les conditions prévues à l'article L. 3121-45 du même code (...) III [...] Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d'autres éléments de rémunération [...] De même, ils ne sont pas applicables : -à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l'article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l'horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret [...] " ; que, compte tenu de la rédaction de l'article précité du code général des impôts, qui renvoie aux modalités du code du travail français, l'exonération des heures supplémentaires ou complémentaires est nécessairement réservée aux salariés soumis au droit du travail français ; que par suite la demande de M.B..., relative à sa situation et à celle de son épouse, qui exercent leur activité en Suisse, ne peut, sur le terrain de la loi fiscale, qu'être rejetée ;

4. Considérant, en second lieu, que M. B...soutient qu'en réservant le bénéfice de l'exonération des heures supplémentaires ou complémentaires aux seuls salariés soumis au droit du travail français, à l'exclusion des travailleurs frontaliers, les dispositions précitées de l'article 81 quater instituent une discrimination prohibée par les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention et de l'article 1er du protocole additionnel n° 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, un salarié soumis au droit du travail français et un travailleur frontalier exerçant son activité en Suisse ne peuvent pas être regardés comme étant dans une situation juridiquement comparable au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi par le législateur français qui a pour finalité, comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007, d'augmenter le nombre d'heures travaillées dans l'économie afin de stimuler la croissance et l'emploi dans un contexte propre à la durée légale du travail fixée en France à trente-cinq heures par semaine civile ; que, dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à prétendre que son épouse et lui seraient dans une situation analogue à celle de salariés soumis au droit du travail français ; que, dès lors, les dispositions de l'article 81 quater ne sont pas à l'origine de discriminations prohibées par les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées avec celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; que le requérant ne peut non plus invoquer la méconnaissance des stipulations du protocole n° 12 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'a été ni signé ni ratifié par la France ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales " ;

6. Considérant que selon l'instruction n° 5 F 1-10 du 6 janvier 2010, le dispositif d'exonération fiscale prévu par l'article 81 quater précité est considéré par l'administration fiscale comme également applicable aux travailleurs frontaliers, notamment aux travailleurs qui, comme le requérant et son épouse, exercent leur activité en Suisse, dans le canton de Neuchâtel ; que cette instruction offre le choix, pour la déclaration des rémunérations des heures supplémentaires entre une méthode de calcul au réel et une méthode forfaitaire ; que la méthode de calcul au réel consiste à admettre l'exonération des heures effectuées au-delà de la durée légale de travail déterminée conformément à la législation sur la durée du travail dans le pays où le salarié exerce son activité ou, dans le cas où un pays ne fixe pas de durée légale de travail, au-delà de la durée prévue par une convention ou un accord professionnel ou interprofessionnel, sous réserve que cette durée légale ou conventionnelle ne soit pas inférieure à 35 heures hebdomadaires ; que la méthode forfaitaire admet à titre de règle pratique que les travailleurs frontaliers justifiant avoir effectué au moins 1 840 heures de travail dans l'année bénéficient de l'exonération de la part de leur rémunération correspondant aux heures effectuées au-delà de ce seuil dans la limite de 368 heures ; qu'enfin, selon le paragraphe 11 de cette instruction : " Chaque année, le travailleur frontalier choisit l'une des deux méthodes décrites ci-dessus, sous réserve de pouvoir justifier des éléments retenus. Ce choix ne peut être modifié au titre de l'année considérée " ;

7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'annexe à sa déclaration de revenus relative à ses revenus suisses, que M.B..., qui ne conteste pas ne pas remplir les conditions de fond de la méthode forfaitaire, a néanmoins choisi dans un premier temps de déclarer les heures supplémentaires effectuées selon cette méthode forfaitaire ; qu'ainsi que l'indique la circulaire précitée, ce choix ne peut ensuite être modifié ; que, dès lors, M. B... n'est pas fondé à demander que le service prenne en compte au titre de l'exonération prévue par cette instruction les heures supplémentaires calculées par la suite selon la méthode de calcul au réel ;

8. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des termes mêmes de l'attestation rédigée par Mme B...et des attestations établies les 20 mars et 13 juillet 2012 par le cabinet médical de groupe employant cette dernière en Suisse que l'épouse du requérant a implicitement mais nécessairement choisi la méthode de calcul de ses heures supplémentaires au réel ; que, toutefois, dans les termes où elles sont rédigées, ces attestations, qui déterminent un nombre d'heures supplémentaires par rapport à un service normal correspondant à 76,42 heures par mois, et non par rapport à la durée prévue par une convention ou un accord professionnel ou interprofessionnel, ne permettent pas d'établir que Mme B...pouvait bénéficier du régime d'exonération étendu aux travailleurs frontaliers par l'instruction n° 5 F 1-10 du janvier 2010 ;

9. Considérant que, dans ces conditions, le requérant ne peut prétendre que son épouse et lui pouvaient bénéficier de l'exonération prévue par la circulaire qu'il invoque ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu mise à sa charge et à celle de son épouse au titre de l'année 2011 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le versement d'une somme soit mis à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...et au ministre des finances et des comptes publics.

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14NC00926


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00926
Date de la décision : 01/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : REY-DEMANEUF

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-10-01;14nc00926 ?
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