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29/09/2015 | FRANCE | N°15NC00316

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2015, 15NC00316


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2015 par lequel le préfet de la Marne a ordonné son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours.

Par un jugement n° 1500032 du 12 janvier 2015, le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2015, le préfet de la Marne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administ

ratif de Nancy du 12 janvier 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2015 par lequel le préfet de la Marne a ordonné son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours.

Par un jugement n° 1500032 du 12 janvier 2015, le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2015, le préfet de la Marne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 12 janvier 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Nancy.

Il soutient que la décision en litige n'est pas entachée d'erreur d'appréciation ; que M. B... a refusé d'embarquer sur un vol, faisant ainsi obstacle à la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre, et n'a pas respecté l'obligation de se présenter quotidiennement aux services de police ou de gendarmerie qui lui avait été signifiée par ordonnance de la Cour d'appel de Paris du 16 mai 2014, et qu'il existe ainsi un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français du 15 avril 2014.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2015, M.B..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public.

1. Considérant que le préfet de la Marne relève appel du jugement du 12 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé son arrêté du 7 janvier 2015 prononçant le placement en rétention administrative de M.B..., ressortissant marocain né le 22 juin 1984 ayant fait l'objet le 15 avril 2014 d'un arrêté du même préfet l'obligeant à quitter le territoire français sans délai ;

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d 'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation " ; que, selon le II de l'article L. 511-1 du même code, le risque que l'étranger se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, " f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 " ;

3. Considérant qu'il appartient au préfet qui entend mettre à exécution une des décisions d'éloignement visées à l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile contre un étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français, d'apprécier si les circonstances et notamment les garanties de représentation de ce dernier lui permettent de le laisser en liberté, ou bien doivent le conduire à l'assigner à résidence, ou à défaut de le placer en rétention administrative ;

4. Considérant que M.B..., de nationalité marocaine, est entré sur le territoire français en 2012 ; que par arrêté du 15 avril 2014, devenu définitif, le préfet de la Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai ; que par décision du même jour M. B... a été assigné à résidence en vue de l'exécution de l'arrêté précité ; qu'à la suite du refus de M. B... d'embarquer sur le vol prévu à cet effet le 9 mai 2014, l'intéressé a été placé en rétention administrative ; que, sur recours de M. B...contre l'ordonnance du 14 mai 2014 du juge des libertés et de la détention prescrivant la prolongation de cette mesure pour une durée de 20 jours, le juge délégué par le premier président de la cour d'appel de Paris a annulé le 16 mai 2014 ladite ordonnance et, constatant que les conditions de l'assignation à résidence étaient réunies, a ordonné son assignation à résidence à Reims chez l'une de ses soeurs avec obligation de se présenter quotidiennement aux services de police ou aux unités de gendarmerie en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement ; qu'à la suite d'une interpellation pour des faits de détention et d'usage de produits stupéfiants, le préfet de la Marne l'a placé en rétention administrative pour une durée de cinq jours en vue de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français du 15 avril 2014 ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a pas respecté l'obligation de se présenter quotidiennement aux services de police ou de gendarmerie, qui lui avait été signifiée par l'ordonnance précitée du 16 mai 2014 du juge délégué par le premier président de la cour d'appel de Paris l'assignant à résidence ; que, par suite, et alors même que l'intéressé justifiait d'un passeport en cours de validité qu'il avait remis aux autorités de police en exécution de l'ordonnance précitée du 16 mai 2014 du premier président de la cour d'appel de Paris et d'une adresse, laquelle, au demeurant était nouvelle et n'a été déclarée par M. B... que lors de son audition devant les services de police le 6 janvier 2015, le préfet de la Marne a pu sans commettre d'erreur d'appréciation décider de placer M. B... en rétention administrative ; que, par suite, le préfet de la Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a annulé son arrêté du 7 mai 2015 au motif qu'il était entaché d'une erreur d'appréciation ;

5. Considérant toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...tant en première instance qu'en appel ;

Sur les autres moyens soulevés par M. B... :

6. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige a été signé par M. Francis Soutric, secrétaire général de la préfecture de la Marne, qui bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de la Marne par arrêté du 29 septembre 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Marne du 30 septembre 2014, " à l'effet de signer tous arrêtés, décisions (...) relevant des attributions du représentant de l'Etat dans le département " l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives à la police des étrangers ; que l'exercice de cette délégation n'est pas subordonné à l'empêchement du préfet ; que l'arrêté du 29 septembre 2014 précité vise le décret du 29 juin 2011 portant nomination de M. Soutric, secrétaire général de la préfecture de la Marne, et ne subordonne pas la délégation à un empêchement du préfet de la Marne ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. Soutric n'était pas compétent pour signer l'arrêté en litige manque en fait et doit être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger et, le cas échéant, à l'expiration de sa garde à vue (...). Elle est écrite et motivée " ;

8. Considérant que l'arrêté attaqué, après avoir visé notamment les articles L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionné les dispositions du f) du II l'article L. 511-1 du même code, indique plus particulièrement que l'intéressé a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 15 avril 2014, que cette mesure n'a pu être mise à exécution en raison de son refus d'embarquer dans le vol réservé à cet effet, qu'il n'a pas respecté l'obligation résultant de l'ordonnance du 16 mai 2014 de la cour d'appel de Paris décidant de son assignation à résidence et qu'il existe ainsi un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français ; que l'arrêté en litige comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et, est, par suite, suffisamment motivé ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des mesures d'éloignement, et, ainsi, exclure l'application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 selon lesquelles les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites ou orales ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision de placement en rétention administrative, laquelle constitue une mesure accessoire de l'éloignement, serait illégale faute d'avoir été précédée du recueil des observations de l'intéressé, doit être écarté comme inopérant ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que si le requérant soutient qu'il a respecté l'obligation d'assignation à résidence résultant de l'ordonnance précitée du 16 mai 2014 de la cour d'appel de Paris en restant au domicile de sa soeur, cette circonstance, au demeurant démentie par les écritures et les pièces de l'intéressé selon lesquelles il réside avec son épouse à une autre adresse depuis le mois de novembre 2014, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige ;

11. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

12. Considérant que M. B...n'établit pas par les pièces produites à l'instance que sa présence constante auprès son épouse serait indispensable compte tenu de l'état de santé de cette dernière ; que, par suite, et compte tenu de la durée limitée de la rétention, la décision de placement en rétention administrative n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, l'arrêté en litige n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé, à la demande de M.B..., l'arrêté du 7 janvier 2015 par lequel le préfet de la Marne a décidé de son placement dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire durant un délai de cinq jours ; que l'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1500032 du 12 janvier 2015 du tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Nancy ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

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N° 15NC00316


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00316
Date de la décision : 29/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-04-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Restrictions apportées au séjour. Assignation à résidence.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : MFENJOU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-09-29;15nc00316 ?
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