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24/09/2015 | FRANCE | N°14NC01565

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 24 septembre 2015, 14NC01565


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 5 décembre 2012 par laquelle le directeur adjoint de la section d'inspection du travail du Territoire de Belfort a autorisé la société Sugach-Socapi à le licencier pour fautes graves.

Par un jugement n° 1300147 du 17 juin 2014, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 juillet 2014 et 5 février 2015, M.

D..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1) d'annuler ce jugement du tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 5 décembre 2012 par laquelle le directeur adjoint de la section d'inspection du travail du Territoire de Belfort a autorisé la société Sugach-Socapi à le licencier pour fautes graves.

Par un jugement n° 1300147 du 17 juin 2014, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 juillet 2014 et 5 février 2015, M. D..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 17 juin 2014 ;

2) d'annuler la décision du 5 décembre 2012 autorisant son licenciement ;

3) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté lors de la procédure préalable à son licenciement car ne lui ont été communiqués ni les attestations des salariés lui reprochant des fautes graves, alors même qu'elles n'étaient pas susceptibles de porter préjudice à leurs auteurs, ni le procès-verbal de la séance extraordinaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'entreprise qui s'est tenue le 2 novembre 2012 ;

- le directeur adjoint du travail, en demandant à certains salariés de modifier le contenu initial de leurs attestations, a commis une voie de fait ;

- le directeur adjoint du travail a fait preuve de partialité dans la conduite de la procédure ;

- les éléments de justification qu'il a apportés n'ont pas été examinés ;

- la circulaire DGT 07/2012 du 30 juillet 2012 a été méconnue ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2014, la société Sugach-Socapi, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les faits de harcèlement moral et sexuel ainsi que les irrégularités dans la gestion du rayon boucherie-charcuterie, qui sont établis, constituent des fautes graves de nature à justifier le licenciement de M.D... ;

- le licenciement est dénué de tout lien avec le mandat représentatif exercé par le requérant ;

- le caractère contradictoire de la procédure a été respecté.

Une mise en demeure de produire dans un délai d'un mois a été adressée au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social le 6 février 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fuchs,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour M.D....

1. Considérant que M.D..., employé en qualité de manager du rayon boucherie, charcuterie, volaille, traiteur, saurisserie et manager des produits frais au supermarché Super U de Valdoie, exploité par la société Sugach-Socapi, était également élu membre de la délégation unique du personnel ; que, par une décision du 5 décembre 2012, le directeur adjoint du travail du territoire de Belfort a autorisé cette société à le licencier pour fautes graves ; que M. D...relève appel du jugement du tribunal administratif de Besançon du 17 juin 2014 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) " ; qu'il ressort des termes de l'arrêté en litige qu'il comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que l'autorité administrative n'était pas tenue, en particulier, de faire état de tous les témoignages et pièces versés au dossier, ni de préciser la teneur du procès-verbal de la séance du 2 novembre 2012 du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'entreprise ; qu'ainsi, l'arrêté est suffisamment motivé et le moyen tiré de son défaut de motivation doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection dont bénéficient les salariés légalement investis de fonctions représentatives, l'article R. 2421-11 du code du travail dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat " ; que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions précitées impose à l'autorité administrative d'informer le salarié concerné, de façon suffisamment circonstanciée, des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui s'en estiment victimes ; qu'il implique en outre que le salarié protégé puisse être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, notamment des témoignages et attestations ; que toutefois, lorsque l'accès à ces témoignages et attestations serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;

5. Considérant qu'il est constant que ni les témoignages présentés par son employeur dans le cadre de l'enquête contradictoire, ni l'intégralité du procès-verbal de la séance extraordinaire du 2 novembre 2012 du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'entreprise n'ont été communiqués à M.D... ; que, cependant, eu égard aux fonctions d'encadrement exercées par le requérant, qui était susceptible de retrouver autorité sur certains des salariés ayant témoigné contre lui, ainsi qu'à la nature des agissements qui lui sont reprochés, en particulier les faits de harcèlement sexuel et moral, la communication des attestations établies par des salariés de l'établissement ainsi que celle de l'intégralité du procès-verbal mentionné ci-dessus aurait été susceptible de porter gravement préjudice à leurs auteurs ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier, ce qui n'est pas contesté par le requérant, qu'il a été informé de façon suffisamment circonstanciée des agissements qui lui étaient reprochés ainsi que de la teneur des attestations et du procès-verbal en cause lors de l'entretien individuel du 22 novembre 2012 ; qu'ainsi, le directeur adjoint du travail a pu, sans méconnaître le caractère contradictoire de l'enquête prévue à l'article R. 2421-11 du code du travail, se limiter à informer M. D...de la teneur de ces documents, sans le mettre à même d'en avoir une connaissance exhaustive ;

6. Considérant, en troisième lieu, que le requérant soutient que l'administration a fait preuve de partialité dans le déroulement de l'enquête préalable au licenciement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur adjoint du travail n'aurait pas examiné les différentes pièces produites par l'intéressé et n'aurait retenu que les éléments qui lui étaient défavorables ; que si l'autorité administrative a invité une salariée à faire évoluer le contenu de son attestation, c'est en raison des pressions qu'elle avait subies lors de la rédaction de son premier témoignage et dont l'administration avait eu connaissance ; qu'il était loisible au directeur adjoint du travail de choisir de conduire les entretiens sur le lieu de travail des salariés et non dans les locaux de l'inspection du travail ; que ces éléments ne sont pas de nature à établir l'absence d'objectivité de l'enquête préalable et à entacher d'irrégularité la procédure suivie ;

7. Considérant, en dernier lieu, que le requérant ne saurait utilement soutenir que la décision de l'inspecteur du travail n'aurait pas respecté les dispositions de la circulaire DGT 07/2012 du 30 juillet 2012 relative aux décisions administratives en matière de rupture ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés dès lors que cette circulaire est dépourvue de caractère réglementaire ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par le requérant à ce titre ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. D...la somme demandée par la société Sugach-Socapi au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Sugach-Socapi tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à la société Sugach-Socapi et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

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N° 14NC01565


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01565
Date de la décision : 24/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : LANFUMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-09-24;14nc01565 ?
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