Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...E...et Mme B...E...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 27 mars 2014 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés.
Par deux jugements n° 1402611 et 1402612 du 30 septembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 19 novembre 2014 et 28 mai 2015 sous le n° 14NC02128, M. E..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1402611 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me D...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit dans la mesure où le tribunal a fait peser sur lui la charge de la preuve de l'indisponibilité dans son pays d'origine du traitement médical qui lui est nécessaire ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur d'appréciation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité des deux précédentes décisions ;
- il renvoie, s'agissant des autres moyens, à ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2015, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par une décision du 29 janvier 2015, le président du bureau d'aide juridictionnelle a admis M. E...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
II. Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 19 novembre 2014 et 28 mai 2015 sous le n° 14NC02129, MmeE..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1402612 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'intervalle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me D...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité des deux précédentes décisions ;
- elle renvoie, s'agissant des autres moyens, à ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2015, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par une décision du 29 janvier 2015, le président du bureau d'aide juridictionnelle a admis Mme E...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Bonifacj, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. et MmeE..., ressortissants arméniens, sont, selon leurs déclarations, entrés irrégulièrement en France respectivement les 9 novembre et 29 décembre 2011 afin d'y solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié ; que leurs demandes ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 31 mai 2012, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 30 janvier 2013 ; que M. E... a présenté, le 23 juin suivant, une demande de titre de séjour à raison de son état de santé ; que, par deux arrêtés du 27 mars 2014, le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés ; que M. et Mme E...relèvent appel, par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, des jugements du 30 septembre 2014 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Considérant que le président de la section administrative d'appel du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy a, par deux décisions du 29 janvier 2015, accordé à M. et Mme E...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, dès lors, leurs conclusions tendant à ce que soit prononcée leur admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet ;
Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme E...reprennent en appel, sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur des décisions leur refusant un titre de séjour et de ce que le préfet se serait à tort cru lié par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale d'alsace concernant la situation de M.E... ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et MmeE..., qui ont sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugié puis, pour M. E..., un titre de séjour pour raisons de santé, auraient fait valoir un autre fondement à leurs demandes de titre de séjour ; que, dès lors, les intéressés ne peuvent utilement soutenir qu'ils répondaient aux conditions fixées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour ;
5. Considérant, en troisième lieu, que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
6. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d 'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. E...a contesté l'appréciation du préfet selon laquelle il existait un traitement approprié à son état de santé en produisant un certificat médical et des documents généraux sur l'état du système de santé arménien ; qu'en réponse, le préfet a contredit les allégations de l'intéressé et a fourni l'avis du médecin de l'agence régionale de santé d'Alsace du 8 janvier 2014 aux termes duquel il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé pour sa prise en charge médicale ; que M. E... n'a pas répliqué ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, le tribunal a considéré que les éléments dont se prévalait M. E...ne permettaient pas de remettre en cause l'appréciation portée par le préfet ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le tribunal aurait à tort fait peser la charge de la preuve sur le requérant ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;
9. Considérant que pour refuser de délivrer à M. E...le titre de séjour qu'il sollicitait à raison de son état de santé, le préfet du Bas-Rhin s'est en particulier appuyé sur l'avis émis le 8 janvier 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé d'Alsace aux termes duquel si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale devant être poursuivie, en l'état actuel, pour une durée de douze mois, dont le défaut peut entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existe un traitement approprié dans son pays d'origine et il peut voyager sans risque à destination de celui-ci ; que si M.E..., soutient qu'il ne pourra bénéficier d'une prise en charge médicale en Arménie, les documents qu'il produit à l'appui de ses allégations composés, d'une part, d'un certificat médical émis par un médecin-psychiatre, qui ne se prononce pas sur l'existence d'un traitement approprié à l'état de santé du requérant en Arménie, et, en se bornant à retranscrire ses déclarations, ne permet pas d'établir que les troubles dont il est atteint auraient leur origine dans les évènements qu'il aurait vécus dans ce pays, ainsi que, d'autre part, de documents à caractère général sur l'état du système de santé arménien, ne sont pas en mesure de remettre en cause l'appréciation portée par le préfet du Bas-Rhin ; que, dès lors, ce dernier n'a pas commis d'erreur d'appréciation dans l'application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant le titre de séjour sollicité ;
10. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit (...) à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " et qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et MmeE..., entrés en France à la fin de l'année 2011, font tous deux l'objet de mesures d'éloignement ; que s'ils font valoir que leurs deux enfants vivent à leurs côtés, l'un d'eux est majeur et la seule circonstance que leur fille mineure, la jeuneC..., soit scolarisée à Strasbourg ne fait pas obstacle à ce que les intéressés poursuivent leur vie familiale dans leur pays d'origine où il n'est ni établi ni même allégué que cette dernière ne pourrait pas poursuivre sa scolarité ; qu'il suit de là que les décisions contestées n'ont pas méconnu les stipulations et dispositions précitées ;
12. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle des intéressés ;
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
13. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué par voie d'exception, tiré de l'illégalité des refus de titre de séjour doit être écarté ;
14. Considérant, en second lieu, que M. et Mme E...reprennent en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions les obligeant à quitter le territoire français ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
15. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en l'absence de toute illégalité entachant les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de ce que les décision fixant le pays de destination doivent être annulées, par voie de conséquence de l'illégalité de ces décisions, ne peut qu'être écarté ;
16. Considérant, en second lieu, que M. et Mme E...reprennent en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions fixant le pays de destination ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme E...tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Les requêtes présentées par M. et Mme E...sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E..., à Mme B...E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Bas-Rhin.
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