Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2005.
Par un jugement n°1004047 du 13 février 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 janvier 2014, M. B...A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 février 2014 ;
2°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'aboutissement d'une plainte pénale ;
3°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- il demande à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de l'aboutissement de la procédure pénale engagée à l'île de la Réunion ;
- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L 57 du livre des procédures fiscales ;
- s'agissant du redressement des sociétés en participation (SEP), un agrément préalable n'était pas nécessaire ;
- il se prévaut, en application des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales d'une prise de position de l'administration fiscale vis-à-vis d'autres contribuables dans une situation similaire ;
- la remise matérielle des biens est intervenue en 2005, et constitue le fait générateur de l'investissement, et non sa livraison ; une réponse ministérielle Barbier du 19 janvier 1989 le confirme ;
- l'investissement pourrait à titre subsidiaire être admis au titre de l'année 2006 ;
- la surfacturation n'est pas établie et l'administration fiscale ne dispose d'aucune compétence pour apprécier les marges commerciales d'une société ;
- l'imposition supplémentaire ne respecte pas le principe général de proportionnalité garanti par le droit communautaire.
Par un mémoire, enregistré le 11 septembre 2014, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rousselle, président assesseur,
- et les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public.
1. Considérant que M. A...relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 13 février 2014 qui a rejeté ses conclusions tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2005 à la suite de la remise en cause de la réduction d'impôt pour investissements outre-mer dont il a bénéficié à raison d'investissements réalisés dans le département de La Réunion par les sociétés en participation Jasmin 1,3, 4 et 5 dont il est associé ;
Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer :
2. Considérant que le requérant demande à la cour de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la plainte avec constitution de partie civile que l'EURL SGI a déposée auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion pour faux, usage de faux, délit d'escroquerie et association de malfaiteurs ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire, aucune règle générale de procédure ne fait obligation au juge de l'impôt de surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction pénale, saisie d'un litige distinct se soit prononcée ; qu'en outre, l'issue de cette procédure pénale est en l'espèce sans influence sur le bien-fondé des impositions en litige ; que par suite, ces conclusions doivent être rejetées ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification en date du 18 août 2008 adressée à M.A..., précise de façon détaillée les règles de droit applicables, la nature, le montant et les motifs des redressements ; qu'elle fait en outre notamment référence aux propositions de rectification adressées aux sociétés Jasmin 1, 3, 4 et 5 dont le contribuable est l'associé, ainsi qu'aux fournisseurs et locataires du bien concerné, qui indiquent précisément les faits, les motifs et la nature des redressements à l'origine des litiges et dont les extraits pertinents sont joints en annexe ; qu'ainsi, le contribuable a été mis à même de présenter de manière entièrement utile ses observations ; que, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, qui n'exigent pas que l'administration joigne aux propositions de rectification les pièces qu'elle a utilisées pour établir les redressements, doit être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'investissement réalisé dans la SEP Jasmin 3 :
5. Considérant qu'aux termes du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...). Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 (...) dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société (...). La réduction d'impôt prévue au présent I s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location si les conditions mentionnées aux quatorzième à dix-septième alinéas du I de l'article 217 undecies sont remplies (...) " ; que, selon le 1 du II du même article : " Les investissements mentionnés au I et dont le montant total par programme et par exercice est supérieur à 1 000 000 euros ne peuvent ouvrir droit à réduction que s'ils ont reçu un agrément préalable du ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III de l'article 217 undecies. / Les dispositions du premier alinéa sont également applicables aux investissements mentionnés au I et dont le montant total par programme et par exercice est supérieur à 300 000 euros, lorsque le contribuable ne participe pas à l'exploitation au sens des dispositions du 1° bis du I de l'article 156. Le seuil de 300 000 euros s'apprécie au niveau de l'entreprise, société ou groupement qui inscrit l'investissement à l'actif de son bilan ou qui en est locataire lorsqu'il est pris en crédit-bail auprès d'un établissement financier " ;
6. Considérant que, si le vingt-sixième alinéa du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts dispose que la réduction d'impôt s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location si est remplie la condition mentionnée au seizième alinéa du I de l'article 217 undecies, selon laquelle " l'entreprise locataire aurait pu bénéficier de la déduction (...) si, imposable en France, elle avait acquis directement le bien ", cette condition n'est pas relative à l'agrément délivré dans les conditions prévues au III de l'article 217 undecies du même code ; qu'il résulte des termes mêmes du second alinéa du 1 du II de l'article 199 undecies B que, lorsque le contribuable ne participe pas à l'exploitation du bien investi, c'est au niveau de l'entreprise qui a inscrit l'investissement à l'actif de son bilan que s'apprécie le seuil au-delà duquel un agrément est exigé ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SEP Jasmin 3 n'a effectué et inscrit à l'actif de son bilan au titre de l'année 2005 qu'un investissement d'une valeur de 236 120 euros correspondant à un tracteur qu'elle avait donné en location simple à l'entreprise Law Yat ; qu'ainsi, le montant total du programme d'investissement de la SEP Jasmin 3 était, au titre de l'exercice 2005, inférieur au seuil de 300 000 euros mentionné par les dispositions précitées du II.1 de l'article 199 undecies B, en deçà duquel l'agrément ministériel préalable exigible lorsque le contribuable ne participe pas à l'exploitation n'est pas requis ; que les dispositions du seizième alinéa de l'article 217 undecies du code général des impôts auxquelles renvoie l'article 199 undecies B ne concernent pas l'obligation d'agrément et n'ont en conséquence pas pour effet de subordonner l'investissement réalisé par le loueur à un agrément préalable se rapportant à l'activité du locataire ; que, par suite, le défaut d'agrément n'est pas opposable aux membres de la SEP Jasmin 3, alors même que l'entreprise Law Yat avait, au cours de la même année, pris en location auprès de divers investisseurs des biens d'un montant total supérieur au seuil qui lui aurait été personnellement applicable si elle avait acquis l'ensemble des matériels loués ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête s'agissant de ce chef de redressement, c'est en conséquence à tort que l'administration a remis en cause l'avantage fiscal obtenu par M. A...en raison de l'absence d'agrément préalable à l'opération ;
En ce qui concerne l'investissement réalisé dans les autres SEP :
S'agissant de la SEP Jasmin 1 :
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la facture adressée par la société IPC à la société SGI, gérante de la société SEP Jasmin 1, pour l'achat de la poinçonneuse hydraulique destinée à être donnée en location à l'entreprise Dugnomet, s'élevait à un montant de 282 000 euros, alors que la société SGI n'a en réalité payé que 30% de cette somme et que le bien n'avait été acheté à son fabricant par la société IPC que pour un montant de 101 900 euros correspondant à son prix normal ; qu'il est ainsi établi que ce bien a été surévalué ; que la circonstance que le service des douanes n'aurait pas fait d'observations sur la valeur du bien lors de son acheminement à la Réunion est sans incidence sur le litige ; que, dans ces conditions, M. A...n'est pas fondé à contester le bien-fondé du rappel d'impôt résultant de cette surfacturation ;
S'agissant des SEP Jasmin 4 et 5 :
9. Considérant que l'article 199 undecies B du code général des impôts prévoit que la réduction d'impôt qu'il instaure est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II au même code : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit bail " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions spécifiques, et sans que puisse utilement être invoqué l'article 1606 du code civil, que le fait générateur du droit à déduction du montant total des investissements que peut exercer l'entreprise est constitué, soit par la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé, soit par la livraison effective de l'immobilisation dans le département ou territoire d'outre-mer concerné ;
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de la déclaration d'importation des matériels que les ensembles bio collecteurs achetés par la SEP Jasmin 4 pour être loués à la société Aseptik Sarl ne sont parvenus à la Réunion que le 1er août 2006 et que le pasteuriseur électrique acheté par la SEP Jasmin 5 pour être loué à la société Montiferro Pasta n'a été livré sur l'île que le 12 octobre 2006 ; que le requérant ne peut utilement se prévaloir de procès-verbaux de réception des équipements en cause établis en 2005 ; qu'il suit de là que seule les dates des 1er août et 12 octobre 2006, de réception effective des équipements par les entreprises locataires dans le département de la Réunion doivent être prises en considération ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration était fondée à refuser à M.A..., au motif que les investissements en cause n'avaient pas été effectivement réalisés au cours de l'année 2005, le bénéfice de la réduction d'impôt dont il entendait se prévaloir au titre de cette même année à raison de ces investissements ; que, ce motif suffisant à justifier les impositions supplémentaires en litige, le requérant ne peut utilement critiquer les motifs, retenus à titre accessoire par l'administration, tirés de ce que les montants des investissements en cause auraient au surplus été surfacturés à leur acquéreur ou de ce qu'un agrément préalable aurait été nécessaire ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité :
12. Considérant que M. A...reprend en appel, avec la même argumentation, le moyen qu'il avait invoqué en première instance, tiré de ce que les impositions notifiées méconnaîtraient le principe général de proportionnalité issu du droit de l'Union européenne ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Strasbourg, d'écarter ce moyen ;
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
13. Considérant, d'une part, que le requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle Barbier du 19 janvier 1989, qui est antérieure aux dispositions législatives applicables ;
14. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration " ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1°) lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) " ; que peuvent se prévaloir de cette dernière disposition les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée, ainsi que les contribuables qui ont participé à l'acte ou à l'opération qui a donné naissance à cette situation, sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité ; qu'il s'ensuit que M. A...ne peut pas, en tout état de cause, se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de l'appréciation qui aurait été portée par l'administration fiscale sur la situation d'autres contribuables, à savoir les associés d'autres sociétés en participation ;
Sur la demande de compensation :
15. Considérant que si, en faisant valoir que l'existence des équipements acquis par les sociétés en participation Jasmin 4 et 5 n'étant pas remise en cause par l'administration, les investissement en litige pourraient être admis au titre de l'année 2006 à défaut d'être retenus pour l'année 2005, le requérant a entendu demander le bénéfice des dispositions de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, relatives aux compensations de droits auxquelles peuvent prétendre les contribuables lors de la procédure contentieuse, une telle demande doit en tout état de cause être rejetée dès lors qu'elle porte sur deux années d'imposition différentes ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en tant qu'elle concernait l'investissement réalisé dans la SEP Jasmin 3 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : M. A...est déchargé du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2005 en tant qu'il provient de l'investissement réalisé par la SEP Jasmin 3.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 13 février 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre des finances et des comptes publics.
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N° 14NC00639