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02/07/2015 | FRANCE | N°14NC00571

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 02 juillet 2015, 14NC00571


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E...et M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre hospitalier de Pont-à-Mousson à verser la somme de 1 042 932,52 euros à Mme G...E..., 27 500 euros à M. F...E..., son époux et 7 500 euros à M. et MmeC..., ses parents, en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait des fautes commises lors de la prise en charge de Mme G...E...dans cet établissement.

Par un jugement n° 1202335 du 14 janvier 2014, le tribunal administratif de Nancy a condamn

le centre hospitalier de Pont-à-Mousson à verser :

- une somme de 145 250 eur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E...et M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre hospitalier de Pont-à-Mousson à verser la somme de 1 042 932,52 euros à Mme G...E..., 27 500 euros à M. F...E..., son époux et 7 500 euros à M. et MmeC..., ses parents, en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait des fautes commises lors de la prise en charge de Mme G...E...dans cet établissement.

Par un jugement n° 1202335 du 14 janvier 2014, le tribunal administratif de Nancy a condamné le centre hospitalier de Pont-à-Mousson à verser :

- une somme de 145 250 euros à Mme G...E..., assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2008, ainsi qu'une rente mensuelle de 640 euros à compter du 1er février 2014;

- une somme de 7 000 euros à M. F...E..., assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2008 ;

- une somme de 1 500 euros à M. et MmeC..., chacun, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2008 en ce qui concerne M. C...et du 29 octobre 2012 en ce qui concerne MmeC... ;

- une somme de 51 011,27 euros à l'Etat, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2013.

Procédure devant la cour :

I/ Par une requête enregistrée le 14 mars 2014 sous le n° 1400452 et des mémoires enregistrés respectivement les 10 septembre 2014 et 12 mai 2015, le centre hospitalier de Pont-à-Mousson, représenté par la SCP Vilmin Canonica Lagarrigue, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 14 janvier 2014 ;

2°) d'évaluer à un tiers la perte de chance de Mme E...d'éviter le dommage corporel qui s'est réalisé et de limiter les indemnités mises à sa charge.

Il soutient que :

- l'expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) de Lorraine ayant fixé le taux de perte de chance de la victime à un tiers, c'est à tort que les premiers juges ont porté ce taux à 50 % ;

- l'indemnisation accordée au titre de l'aide d'une tierce personne, jusqu'à la date de consolidation de l'état de la victime, est excessive ;

- alors que Mme E...a pu reprendre son activité de professeur des écoles à plein temps, il n'est pas justifié que son état nécessite toujours 4 heures d'aide par jour ;

- l'indemnité demandée au titre de l'incidence professionnelle est excessive ;

- l'imputabilité aux faits litigieux du travail à mi-temps depuis le 1er avril 2014 n'est pas démontrée alors que la requérante avait repris son travail à plein temps dès le 1er septembre 2007 ;

- la requérante perçoit l'allocation pour adulte handicapé depuis le 1er janvier 2014 mais n'en justifie pas le montant ;

- le déficit fonctionnel temporaire sera indemnisé à hauteur de 1 400 euros pour le déficit total et 7 150 euros pour le déficit partiel ;

- les souffrances endurées, évaluées à 4 sur une échelle de 7 par l'expert, seront indemnisées par une somme de 5 000 euros ;

- aucune indemnité n'est due au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- une somme de 108 875 euros réparera le déficit fonctionnel permanent évalué à 45 % par l'expert ;

- le préjudice d'agrément sera indemnisé à hauteur de 10 000 euros et le préjudice sexuel à hauteur de 1 000 euros ;

- l'indemnité de 14 000 euros accordée à M. E...en réparation de son préjudice moral sera réduite à de plus justes proportions ;

- les indemnités accordées aux parents de la victime et à l'Etat seront assorties d'un coefficient réducteur de deux tiers.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2014, le ministre de l'éducation nationale fait valoir que la créance de l'Etat s'élève, pour la période du 1er juin 2007 au 31 août 2010, à 61 016,79 euros au titre des salaires versés à Mme E...et à 41 005,76 euros au titre des charges sociales.

Le ministre soutient que ces sommes, assorties des intérêts au taux légal à compter de sa demande de première instance, devront être mises à la charge du centre hospitalier de Pont-à-Mousson selon la quotité de perte de chance retenue par la cour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2014, Mme G... E..., M. F... E..., Mme H... C...et M. B... C..., représentés par la SELARL Coubris-Courtois et associés, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour ;

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 14 janvier 2014 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Pont-à-Mousson à verser à Mme G...E...la somme de 1 042 932,52 euros, la somme de 27 500 euros à M. F...E..., et 7500 euros à M. et MmeC... ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Pont-à-Mousson la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le retard de diagnostic fautif engage la responsabilité du centre hospitalier ;

- le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu une perte de chance à hauteur de 50 % ;

- les frais d'assistance par une tierce personne ayant été sous-évalués par les premiers juges, la somme qui doit être accordée à Mme E...à ce titre sera portée à 136 800 euros, jusqu'à la consolidation de son état, et capitalisée à hauteur de 722 989 euros pour la période postérieure au 1er juin 2010 ;

- l'assistance, dont a également besoin son fils, sera indemnisée à hauteur de 72 240 euros pour la période antérieure au 1er juin 2010 et capitalisée à la somme de 64 125 euros pour la période postérieure ;

- une somme de 1 312,50 euros réparera son déficit fonctionnel total du 1er juin au 15 septembre 2007 et une somme de 6 806 euros son déficit fonctionnel de 50 % jusqu'au 1er juin 2010 ;

- les souffrances qu'elle a endurées, évaluées à 4 sur une échelle de 7 par l'expert, seront indemnisées par une somme de 20 000 euros ;

- elle a subi un préjudice esthétique qui, bien que non pris en compte par l'expert, sera indemnisé à hauteur de 1 000 euros ;

- une somme de 78 750 euros lui sera accordée en réparation du déficit fonctionnel permanent évalué à 45 % par l'expert ;

- elle subit également un préjudice d'agrément et un préjudice sexuel qui seront indemnisés respectivement à hauteur de 25 000 et 5 000 euros ;

- les préjudices moral et sexuel subis par son époux seront indemnisés respectivement à hauteur de 25 000 et 5 000 euros ;

- ses parents ont subi un préjudice moral pour lequel une somme de 12 500 euros leur sera accordée à chacun.

II/ Par une requête enregistrée le 14 mars 2014 sous le n° 1400571 et un mémoire complémentaire enregistré le 26 mars 2015, Mme G... E..., M. F... E..., Mme H... C...et M. B... C..., représentés par SELARL Coubris-Courtois et associés, demandent à la cour ;

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 14 janvier 2014 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Pont-à-Mousson à verser la somme de 1 042 932,52 euros à Mme G...E..., la somme de 27 500 euros à M. F...E..., et 7 500 euros à M. et MmeC... ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Pont-à-Mousson une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le retard de diagnostic fautif engage la responsabilité du centre hospitalier ;

- le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu une perte de chance à hauteur de 50 % ;

- les frais d'assistance par une tierce personne ayant été sous-évalués par les premiers juges, la somme qui a été accordée à ce titre à Mme E...sera portée à 136 800 euros jusqu'à la consolidation de son état et capitalisée à hauteur de 722 989 euros pour la période postérieure au 1er juin 2010 ;

- l'assistance dont a également besoin son fils sera indemnisée à hauteur de 72 240 euros pour la période antérieure au 1er juin 2010 et capitalisée à la somme de 64 125 euros pour la période postérieure ;

- une somme de 1 312,50 euros réparera son déficit fonctionnel total du 1er juin au 15 septembre 2007 et une somme de 6 806 euros son déficit fonctionnel de 50 % jusqu'au 1er juin 2010 ;

- une somme de 50 000 euros lui sera accordée en réparation de l'incidence professionnelle de son accident ;

- les souffrances qu'elle a endurées, évaluées à 4 sur une échelle de 7 par l'expert, seront indemnisées par une somme de 20 000 euros ;

- elle a subi un préjudice esthétique, qui bien que non pris en compte par l'expert, sera indemnisé à hauteur de 1 000 euros ;

- une somme de 78 750 euros lui sera accordée en réparation du déficit fonctionnel permanent évalué à 45 % par l'expert ;

- elle subit également un préjudice d'agrément et un préjudice sexuel qui seront indemnisés respectivement à hauteur de 25 000 et 5 000 euros ;

- les préjudices moral et sexuel subis par son époux seront indemnisés respectivement à hauteur de 25 000 et 5 000 euros ;

- ses parents ont subi un préjudice moral pour lequel une somme de 12 500 euros leur sera accordée à chacun.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 août 2014 et 1er avril 2015, le centre hospitalier de Pont-à-Mousson, représenté par la SCP Vilmin Canonica Lagarrigue, conclut au rejet de la requête et à la réformation du jugement du tribunal administratif de Nancy du 14 janvier 2014 ;

Il soutient que :

- l'expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) de Lorraine ayant fixé le taux de perte de chance de la victime à un tiers, c'est à tort que les premiers juges ont porté ce taux à 50 % ;

- l'indemnisation accordée au titre de l'aide d'une tierce personne, jusqu'à la date de consolidation de l'état de la victime, est excessive ;

- alors que Mme E...a pu reprendre son activité de professeur des écoles à plein temps, il n'est pas justifié que son état nécessite toujours 4 heures d'aide par jour ;

- l'indemnité demandée au titre de l'incidence professionnelle est excessive ;

- l'imputabilité aux faits litigieux du travail à mi-temps depuis le 1er avril 2014 n'est pas démontrée, alors que la requérante avait repris son travail à plein temps dès le 1er septembre 2007 ;

- la requérante perçoit l'allocation pour adulte handicapé depuis le 1er janvier 2014 mais n'en justifie pas le montant ;

- le déficit fonctionnel temporaire sera indemnisé à hauteur de 1 400 euros pour le déficit total et 7 150 euros pour le déficit partiel ;

- les souffrances endurées, évaluées à 4 sur une échelle de 7 par l'expert, seront indemnisées par une somme de 5 000 euros ;

- aucune indemnité n'est due au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- une somme de 108 875 euros réparera le déficit fonctionnel permanent évalué à 45 % par l'expert ;

- le préjudice d'agrément sera indemnisé à hauteur de 10 000 euros et le préjudice sexuel à hauteur de 1 000 euros ;

- l'indemnité de 14 000 euros accordée à M. E...en réparation de son préjudice moral sera réduite à de plus justes proportions ;

- les indemnités accordées aux parents de la victime et à l'Etat seront assorties d'un coefficient réducteur de deux tiers.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2014, la compagnie Axa, représentée par la SCP Vilmin Canonica Lagarrigue, demande à la cour d'ordonner sa mise hors de cause et de condamner les consorts E...à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune demande n'étant dirigée contre elle, elle n'avait pas à être mise en cause ;

- elle est liée à son assuré par un contrat de droit privé ne relevant pas de la compétence de la présente juridiction.

Les requêtes ont été communiquées à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle et à la mutuelle générale de l'éducation nationale, lesquelles n'ont pas produit de mémoire.

Un mémoire a été produit pour les consorts E...le 15 juin 2015 après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ;

- la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonifacj, président,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me D...pour les consorts E...et de Me A...pour le centre hospitalier de Pont-à-Mousson et la compagnie AXA.

1. Considérant que MmeE..., professeur des écoles, alors âgée de 26 ans, a été victime d'un malaise le 1er juin 2007, pour lequel elle a été prise en charge à 18 h 47 par le service des urgences du centre hospitalier de Pont-à-Mousson ; qu'elle a été transférée le lendemain matin au service neurologique du centre hospitalier universitaire de Nancy où a été diagnostiqué un accident vasculaire cérébral (AVC) ; que MmeE..., qui reste atteinte d'importants troubles neurologiques, a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) de Lorraine d'une demande d'indemnisation ; que dans son avis du 30 novembre 2010, rendu sur le fondement d'un rapport d'expertise établi le 18 octobre 2010, cette commission a retenu que l'erreur de diagnostic commise lors de la prise en charge de la requérante au centre hospitalier de Pont-à-Mousson est à l'origine d'un tiers des séquelles dont elle demeure atteinte ; qu'après avoir refusé le protocole d'accord qui lui a été proposé par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, MmeE..., son époux et ses parents ont recherché la responsabilité du centre hospitalier de Pont-à-Mousson devant le tribunal administratif de Nancy ; que M. et Mme E...et M. et Mme C..., parents de la victime, relèvent appel du jugement du 14 janvier 2014 en tant que par cette décision le tribunal n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs demandes indemnitaires ; que le centre hospitalier de Pont-à-Mousson, qui fait également appel de ce jugement, demande à la cour de limiter à un tiers la part des préjudices dont il doit assurer l'indemnisation et de réduire les indemnités accordées aux consortsE... ;

2. Considérant que les requêtes susvisées présentées pour le centre hospitalier de Pont-à-Mousson et pour les consorts E...sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la mise hors de cause de la compagnie AXA :

3. Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la demande de mise hors de cause de la compagnie AXA , aucune conclusion n'étant dirigée contre elle ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Pont-à-Mousson :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise sollicité par la CRCI de Lorraine, que lors de la prise en charge de Mme E...le centre hospitalier n'a pas réalisé les examens neurologiques nécessités par son état, malgré des signes évocateurs d'un AVC ; qu'en appel, le centre hospitalier de Pont-à-Mousson ne conteste pas que cette erreur est fautive et de nature à engager sa responsabilité ;

Sur l'évaluation des préjudices indemnisables :

En ce qui concerne la perte de chance :

5. Considérant que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise sollicité par la CRCI de Lorraine, que l'erreur commise par le centre hospitalier de Pont-à-Mousson a entraîné un retard d'environ une quinzaine d'heures pour établir le bon diagnostic et mettre en place un traitement adapté ; que l'expert précise également qu'un traitement plus précoce aurait peut-être permis que les séquelles neurologiques soient moindres, sans qu'il y ait de certitude sur ce point, et a fixé la perte de chance de Mme E...d'éviter une aggravation de son état à un tiers du dommage ; que si un AVC doit faire l'objet d'une prise en charge rapide, il ne résulte pas de l'instruction qu'en l'espèce l'expert aurait insuffisamment pris en compte cet élément pour déterminer l'ampleur de la chance perdue par la victime ; que, dès lors, en l'absence de tout élément médical de nature à contredire les conclusions de l'expert, le centre hospitalier de Pont-à-Mousson est fondé à soutenir qu'en fixant à 50 % la part du préjudice imputable à la faute commise par l'établissement hospitalier, les premiers juges ont fait une appréciation excessive de la perte de chance subie par MmeE... ; qu'il y a lieu par suite de fixer ce taux à un tiers et de réformer en ce sens le jugement du tribunal administratif de Nancy ;

En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices patrimoniaux de MmeE... :

S'agissant des frais liés à l'assistance d'une tierce personne :

7. Considérant que le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail ;

8. Considérant, d'une part, qu'il résulte notamment du rapport d'expertise versé au dossier, que l'état de santé de MmeE..., qui reste atteinte de troubles neurologiques, doit être regardé comme consolidé depuis le 1er juin 2010 ; que l'expert a évalué ses besoins d'assistance par une tierce personne à 10 heures par jour pour la période du 15 septembre 2007 au 1er mars 2008, puis à 6 heures par jour jusqu'au 31 mai 2010 et enfin à 4 heures par jour à compter de la consolidation de son état de santé ; que cette évaluation tenant compte également de l'aide pour la prise en charge de son jeune enfant, Mme E...ne peut prétendre à une majoration du nombre d'heures qui lui est nécessaire au-delà de l'évaluation de l'expert ; que compte tenu du montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) horaire brut, augmenté des charges sociales à la date de leur jugement, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante du coût horaire d'une telle aide en le fixant à 10,65 euros ; que contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, la circonstance que l'aide est apportée à Mme E...par un membre de sa famille ne faisait pas obstacle à que les premiers juges prennent en compte les congés payés dans leur évaluation ;

9. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que l'état de santé de Mme E..., bien qu'elle ait repris son travail de professeur des écoles en classe de maternelle, nécessite toujours une assistance qui lui est apportée par sa mère pour les actes de la vie courante à raison de quatre heures par jour ; que, par suite, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que c'est tort que les premiers juges ont accordé une rente mensuelle à Mme E...à compter du 1er février 2014 ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les premiers juges ont fait une juste appréciation des besoins en assistance d'une tierce personne à domicile de Mme E...en les évaluant à 128 000 euros pour la période écoulée jusqu'à la lecture de leur jugement et en fixant à 1 280 euros le montant de la rente mensuelle pour l'indemnisation de ses frais futurs ; que compte tenu de la part de responsabilité du centre hospitalier de Pont-à-Mousson, fixée ci-dessus à un tiers, le montant de la réparation lui incombant doit être fixé à 42 667 euros et le montant de la rente mensuelle à 427 euros ;

S'agissant de la perte de gains professionnels et de l'incidence professionnelle du dommage :

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme E...a repris ses fonctions de professeur des écoles à temps complet du 1er septembre 2007 au 27 avril 2008 puis, après avoir bénéficié d'un mi-temps thérapeutique du 24 août 2008 au 27 avril 2009, a de nouveau travaillé à temps plein jusqu'au 31 mars 2014 en ayant bénéficié d'un allègement de service de 25 % durant l'année scolaire 2012-2013 ; que si elle fait valoir qu'elle a été contrainte de travailler à mi-temps depuis le 1er avril 2014 en raison de son état de santé, aucune des pièces versées au dossier ne permet d'établir les motifs pour lesquels elle a bénéficié d'une autorisation de travail à temps partiel à compter de cette date ; que malgré la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, Mme E... continue d'exercer ses fonctions de professeur des écoles et ne justifie pas que son handicap aurait eu des conséquences financières sur son activité professionnelle ; que par suite, en l'état du dossier, sa demande d'indemnisation présentée au titre de la perte de gains professionnels et de l'incidence professionnelle du dommage ne peut qu'être rejetée ; que ceci ne fait pas obstacle à ce que l'intéressée, si elle s'y croit fondée, sollicite un complément d'indemnisation à ce titre si sa situation professionnelle devait évoluer ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel de MmeE... :

S'agissant des préjudices temporaires :

12. Considérant, en premier lieu, que Mme E...a subi, avant la consolidation de son état de santé, une période d'incapacité temporaire totale du 1er juin au 1er septembre 2007, puis de 55% jusqu'au 31 mai 2010 ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice ayant résulté pour Mme E...de son déficit fonctionnel temporaire en l'évaluant respectivement pour ces deux périodes à 1 800 et 9 000 euros ;

13. Considérant, en second lieu, que Mme E...a éprouvé des souffrances physiques jusqu'à la date de consolidation de son état, dont l'intensité a été évaluée par l'expert à 4 sur une échelle de 7 ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à une somme de 10 000 euros ; qu'il n'est en revanche pas établi qu'elle aurait également subi un préjudice esthétique temporaire ;

S'agissant des préjudices permanents :

14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme E...demeure atteinte, depuis la consolidation de son état de santé, acquise alors qu'elle était âgée de 29 ans, d'une incapacité permanente partielle de 45 % ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 125 000 euros ; que la requérante subit également un préjudice d'agrément et un préjudice sexuel qui seront indemnisés respectivement à hauteur de 12 000 et 5 000 euros ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préjudice personnel de Mme E... s'élève à 162 800 euros ; que compte tenu de la part de responsabilité du centre hospitalier de Pont-à-Mousson fixée à un tiers, le montant de la réparation lui incombant doit être fixé à 54 267 euros ;

16. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la somme de 145 250 euros et la rente mensuelle de 640 euros que le centre hospitalier de Pont-à-Mousson a été condamné à verser à Mme E... doivent être ramenées respectivement à 96 933 euros et 427 euros ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens le jugement du tribunal administratif de Nancy ;

En ce qui concerne les préjudices personnels de M. E...:

17. Considérant qu'il serait fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. E... du fait de l'état de santé de son épouse et de son préjudice sexuel en les évaluant à 20 000 euros ; que compte tenu de la part de responsabilité du centre hospitalier, la somme mise à sa charge doit être ramenée à 6 667 euros ;

En ce qui concerne les préjudices de M et Mme C...:

18. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de M et Mme C..., parents de MmeE..., du fait de l'état de santé de leur fille en le fixant à la somme de 5 000 euros chacun ; que compte tenu de la part de responsabilité du centre hospitalier, la somme mise à sa charge doit être portée à 1 667 euros pour chacun des parents de la victime ;

En ce concerne les conclusions du ministre de l'éducation nationale :

19. Considérant que la créance de l'Etat, en sa qualité d'employeur de MmeE..., s'élève aux montants non contestés par le centre hospitalier de 61 016,79 euros au titre des salaires versés à Mme E...et 41 005,76 euros au titre des charges patronales pour la période du 1er juin 2007 au 31 août 2010 ; que compte tenu de la fraction de perte de chance retenue ci-dessus, le centre hospitalier devra rembourser à l'Etat la somme de 34 007,52 euros ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Pont-à-Mousson, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme G... E...et autres demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la compagnie AXA présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La compagnie AXA est mise hors de cause.

Article 2 : La somme de 145 250 euros et la rente mensuelle de 640 euros que le centre hospitalier de Pont-à-Mousson a été condamné à verser à Mme E... par le jugement n°1202335 du 14 janvier 2014, sont ramenées respectivement à 96 933 euros et 427 euros.

Article 3 : La somme de 7 000 euros que le centre hospitalier de Pont-à-Mousson a été condamné à verser à M. E... est ramenée à 6 667 euros.

Article 4 : La somme de 1 500 euros que le centre hospitalier de Pont-à-Mousson a été condamné à verser à M. et Mme C... est portée à 1 667 euros chacun.

Article 5 : La somme de 51 011,27 euros que le centre hospitalier de Pont-à-Mousson a été condamné à verser à l'Etat est ramenée à 34 007,52 euros.

Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1202335 du 14 janvier 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : Les conclusions de la compagnie AXA présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme G... E...et autres et de la requête du centre hospitalier de Pont-à-Mousson est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Pont-à-Mousson, à Mme G... E..., à M. F... E..., à Mme H... C..., à M. B... C..., au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à la mutuelle générale de l'éducation nationale, à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle et à la compagnie AXA.

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N° 14NC00452,14NC00571


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00571
Date de la décision : 02/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : EVEN
Rapporteur ?: Mme Julienne BONIFACJ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP VILMIN CANONICA LAGARRIGUE ; SCP VILMIN CANONICA LAGARRIGUE ; SELARL COUBRIS-COURTOIS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-07-02;14nc00571 ?
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